Un sujet "éprouvant" mais une démarche "nécessaire": face au scandale des abus sexuels dans l'Eglise, le diocèse de Lille a réuni jeudi soir des responsables religieux et laïcs lors d'une rencontre inédite visant à "échanger" et à ouvrir des pistes de réflexion.
Prêtres, diacres, laïcs, animateurs, scouts, représentants de mouvements ou d'aumôneries, étudiants... Plus de 200 personnes ont participé à ce conseil diocésain de pastorale -ouvert à la presse par souci de "transparence"- à l'invitation de l'archevêque de Lille, Mgr Laurent Ulrich.
"J'ai senti que les chrétiens avaient besoin de s'exprimer", explique Mgr Ulrich, qui a lui-même reçu "une quinzaine de victimes". Le but est de "libérer la parole" mais aussi de "recueillir des avis" car "l'Eglise désire faire partager et ne pas se réfugier dans ses sphères de gouvernement".
"Comment vivez vous les dernières révélations d'abus sexuels ? Quelles questions cela pose à l'Eglise ?" Par groupes de six, les participants se confient et s'interrogent. Certains se disent "sidérés", d'autres "écoeurés" par ce qu'ils ont découvert. "Il y a de la colère et un sentiment de trahison face au silence", glisse une femme.
Rapidement, la discussion aborde les questions posées par ces crimes quant au fonctionnement de l'Eglise. "Il y a beaucoup de confusion entre célibat et pédophilie, alors que ce n'est pas forcément lié", regrette une responsable. "Personnellement, je suis pour ouvrir le débat du mariage", confie un autre. Dans un silence attentif, la salle écoute ensuite le témoignage sonore d'une victime qui raconte, en étouffant des sanglots, les abus dont elle a été victime il y a une trentaine d'années.
"C'est horrible. Ça montre à quel point ce genre d'abus peut détruire une vie entière", réagit Joseph Magdelaine, 20 ans. Symboliquement, des bougies sont déposées devant une icône. "Pour les victimes et tous ceux à qui l'on pense", lit-on sur le diaporama.
"Nettoyer et purifier"
Récurrente dans l'actualité, la question de la pédophilie dans l'Eglise a connu début mars un nouveau rebondissement avec la condamnation du cardinal Philippe Barbarin à six mois de prison avec sursis pour non-dénonciation d'agressions sexuelles. Ces dernières années, le diocèse de Lille a quant à lui affiché sa volonté d'agir en multipliant les initiatives: accompagnement thérapeutique, collaboration avec la justice, formation des séminaristes et des agents pastoraux, temps d'échange entre fidèles dans les paroisses, adresse mail dédiée... En 2016, une cellule a été ouverte en lien avec le CHU de Lille pour accompagner les victimes mais aussi les auteurs de violences sexuelles.
"C'est un sujet très complexe" car il draine "énormément de questions" : les raisons du silence, la perversité psychique, l'aspect judiciaire, "le rapport à la conscience", "la dénonciation", énumère Mgr Ulrich. Pour Yves d'Halluin, 59 ans, responsable d'un centre spirituel dans la métropole lilloise, "les révélations récentes ont fait émerger une parole". "Je pense qu'on ne reviendra plus en arrière et c'est une très bonne chose, même si c'est éprouvant", dit-il.
Certains regrettent toutefois que ces violences repoussent des fidèles. "Je connais quelqu'un qui a été éloigné de la foi à cause de cela", souffle une femme dans un groupe de partage. "Que certains veuillent partir, ça ne me choque pas. L'Eglise n'est pas une secte", estime pour sa part Hélène Rochet, responsable diocésaine du Mouvement eucharistique des jeunes (MEJ). "Ce qui m'intéresse, c'est qu'elle fasse la vérité sur elle-même et là, c'est plutôt un signe positif." "Ce qu'on vit en ce moment n'est pas drôle, mais si ça peut nous permettre de faire la lumière sur tout ce qu'il y a à nettoyer et purifier, alors on y va !"