Pour la 6e édition de la rencontre "Les Fenêtres qui parlent", l'artiste lillois Éric Fitamant a de nouveau sévi sur les fenêtres des maisons de Bois Blanc, de Fives et du Faubourg de Béthune. En collant ses dessins d'animaux sur les vitres et les garages, le professeur d'arts plastiques espère créer un échange avec les promeneurs et "réensauvager" la ville.
En plein samedi après-midi, Éric Fitamant range paisiblement son matériel. Et pas n'importe lequel : colle, vernis, brosses, pinceaux... La parfaite panoplie du serial grapheur. Car derrière son costume de "prof' de dessin" - comprendre enseignant en arts plastiques - ce Lillois de 53 ans figure parmi les street artistes qui sévissent dans la métropole de Lille.
Le professeur profite donc du week-end pour organiser son attirail d'artiste, après avoir passé la semaine à disséminer ses œuvres dans trois quartiers de Lille, en amont de la 6e édition des "Fenêtres qui parlent", qui commence ce samedi 16 mars 2024.
Pendant un mois, 24 quartiers de la métropole lilloise proposent à leurs habitants de venir déambuler dans leurs rues pour découvrir le travail d'une cinquantaine d'artistes locaux, nationaux ou internationaux, qui exposent leurs œuvres dans ce grand musée à ciel ouvert.
Prendre de la hauteur
Éric, lui, a un périmètre bien précis : le street artiste sévit à Fives, Bois Blancs et dans le Faubourg de Béthune. C'est d'ailleurs là-bas qu'il a passé son début de semaine, installant ses créations sur les fenêtres et les garages des habitants. Il ne lui reste plus que deux interventions, qu'il réalisera à Fives ce dimanche, achevant son "année des fenêtres" qui s'est avérée très productive.
"J’ai eu pas mal de commandes de fenêtres cette année. Ça prend du temps de tout installer." Car Éric ne se contente pas de déposer ses œuvres, il les réalise sur mesure, en concertation avec les habitants qui ont décidé de participer à l'évènement. Dans chaque quartier, le collectif Les Fenêtres qui parlent organise des rencontres entre artistes et habitants pour que ceux-ci puissent trouver un projet qui leur correspond.
"C'est vraiment une rencontre, on sympathise, on se donne rendez-vous une première fois pour décider ensemble du projet. Parfois j'arrive avec des idées déjà établies, d'autres fois je réalise un dessin exprès pour la maison. Je vois en fonction de ce que les fenêtres m’inspirent", raconte Éric Fitamant, qui fait également partie de la galerie collaborative "Ceci n’est pas une Piscine" à Roubaix, où exposent une dizaine d'artistes de la métropole de Lille.
Participer à cet évènement est donc l'occasion de donner de la visibilité à son travail et de le sortir de son musée pour le voir évoluer sous l'action du temps et de la météo. Mais aussi de prendre de la hauteur vis-à-vis de son travail : "En échangeant avec les gens qui me voient travailler ou qui me commandent les collages, je me rends compte que mon travail m’échappe, qu'ils projettent des choses personnelles dessus qui résonnent parfaitement, alors que j'imaginais des émotions totalement différentes."
Je me rendre compte que mon travail m’échappe, que les gens projettent des choses personnelles dessus qui résonnent parfaitement, alors que j'imaginais des émotions totalement différentes.
Éric Fitament, street-artiste
Réensauvager la ville
Selon le motif, Éric peut passer de 1h30 à 50 heures sur un projet. Sans compter l'installation, qui peut prendre jusqu'à 2 heures, pour coller précisément chaque dessin. Une durée qui s'explique en partie par le médium qu'a choisi ce street-artiste touche à tout : le stylo-bille. "Je l'ai choisi parce que c'est un outil très souple d’utilisation, qui donne une qualité de trait différente et qui ne laisse pas le droit à l’erreur. Le bic a aussi côté très populaire, comme le street art. J'aime l'idée qu'on puisse faire beaucoup avec peu."
Le bic a aussi côté très populaire, comme le street art. J'aime l'idée qu'on puisse faire beaucoup avec peu.
Éric Fitament
L'enseignant crée son motif, puis scanne et réimprime ses dessins pour les agrandir et les porter à taille réelle. Puis il retravaille la couleur avec des projections d'encres et d'acrylique. Un procédé dont Éric se sert pour donner de la profondeur au papier et replacer la nature dans la ville. "Je colle des animaux dans la ville pour la réensauvager", explique-t-il le sourire dans la voix. Poulpes de 2m de haut, colibris qui prennent leur envol ou même dragons asiatiques qui s'enroulent autour de vos fenêtres... La faune, qu'elle soit réelle ou imaginaire, se trouve bel et bien au cœur du travail de l'artiste.
Une démarche artistique qu'Éric a développée il y a cinq ans, après la destruction d'une friche en face de chez lui, transformée depuis en résidence de luxe. "Longtemps un panneau publicitaire a été installé avec une photo photoshopée. Je me suis dit « On m’enlève de la nature pour en plus me mettre des images qui ne sont pas belles ? »". Armé de malice, le Lillois s'est donc donné comme objectif de répandre des images de faune et de flore "pour amener plus de poésie et de nature dans la ville".