"C'est par la rencontre que l'on change les a priori" : une association aide des réfugiés à lancer leur entreprise pour briser les clichés

Changer l'image négative accolée à la migration à travers l'entrepreneuriat, voilà le pari dans lequel s'est lancée l'association Singa Lille depuis 2016. En donnant l'opportunité aux exilés de montrer leurs compétences et de créer leur propre projet d'entreprise, Singa cherche à leur donner une place dans la société, pour créer la rencontre et briser les fausses idées.

Seuls 12 % des réfugiés installés en France entretiennent un contact régulier avec un citoyen français. Un chiffre partagé par le Haut-Commissariat pour les réfugiés, qui met en lumière l'isolement que subissent encore trop souvent les exilés dans leur ville d'accueil. Beaucoup ne réussissent pas à créer de lien social avec des locaux, notamment à cause des stéréotypes dont ils sont toujours victimes dans l'Hexagone.

"On entend parler de la migration comme s'il s'agissait seulement d'une crise, d'un problème, en entretenant des photos misérabilistes... C'est une réalité, mais pas la norme." Pascal Dubaele est le directeur de l'antenne lilloise de Singa, une association qui œuvre dans six villes françaises pour faire évoluer les mentalités concernant les personnes migrantes.

On entend parler de la migration comme s'il s'agissait seulement d'une crise, d'un problème, en entretenant des photos misérabilistes... C'est une réalité, mais pas la norme

Pascal Dubael, directeur de Singa Lille

Créer des projets pour créer du lien

Délinquance, criminalité, violence... Des fausses idées qui rendent l'intégration des personnes exilées encore plus difficile et qui entravent leur capacité à entamer un nouveau quotidien sur leur terre d'accueil. Pour changer de regard sur les personnes issues de l'immigration, l'association Singa de Lille travaille depuis 2016 sur la création d'un lien entre "nouveaux arrivants" et "locaux", à travers des activités socioculturelles et l'entrepreneuriat.

Chaque année, Singa Lille offre la possibilité à dix réfugiés de rejoindre leur incubateur ou leur pré-incubateur pendant neuf mois, pour concrétiser un projet associatif ou d'entreprise. Un système qui permet aux entrepreneurs d'être guidés par un mentor, pour traverser le labyrinthe des administrations françaises, créer ensemble une stratégie adaptée aux enjeux locaux et se constituer un réseau. Cette année, la 4e promotion accueillera exceptionnellement 20 candidats (les candidatures s'achèveront le 20 avril 2024).

Prendre confiance en soi

Après plusieurs années d'expérimentation, les acteurs de ce programme sont unanimes : à travers l'entrepreneuriat et au contact de personnes extérieures à leur cercle habituel, les membres qui suivent ce programme se transforment. Car en plus de briser des clichés en créant des liens avec des locaux, concrétiser leurs projets permet aux nouveaux arrivants de reprendre confiance en eux et de montrer leurs compétences.

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"On voit de vraies métamorphoses, des personnes qui ne pensaient jamais parler en public osent monter sur scène pour parler de leur projet, même si elles ne maîtrisent pas toujours la langue", s'enthousiasme Pascal Dubaele, qui a vu certains membres concrétiser leur projet et réussir à en vivre. "C'est forcément plus épanouissant que d'avoir simplement un job alimentaire, comme c'est souvent le cas pour les nouveaux arrivants."

"On voit de vraies métamorphoses, grâce aux outils de communauté des personnes qui ne pensaient jamais parler en public osent monter sur scène pour parler de leur projet.

Pascal Dubaele

Un déclassement professionnel

En arrivant en France, les exilés doivent rapidement trouver un emploi, les forçant la plupart du temps à se tourner vers de petits boulots qui ne correspondent pas à leur degré d'études. Un déclassement de leur catégorie socioprofessionnelle que Singa constate quotidiennement : selon l'association, les commerçants et les professions libérales correspondent à un tiers des nouveaux arrivants... Mais en arrivant en France, seuls 2% parviennent à retrouver un emploi équivalent.

"On parle toujours des dangers de l'homme migrant, alors que 50% sont des femmes qui sont invisibilisées, alors qu'elles sont pour la plupart diplômées. On les imagine sans compétences, venues profiter des aides alors qu'elles sont surqualifiées pour leur poste actuel, souvent du ménage ou de l'aide à la personne", tempête Pascal Dubaele, en invitant les habitants de Lille à venir rencontrer ces futurs entrepreneurs.

On les imagine sans compétences, venues profiter des aides, alors qu'elles sont surqualifiées pour leur poste actuel, souvent du ménage ou de l'aide à la personne.

Pascal Dubaele

Pour l'instant, Singa Lille est constituée à 70% de personnes issues de l'immigration. L'association, entièrement gratuite, dont le financement est basé sur des fonds publics et privés, insiste sur le fait que les activités qu'elle propose sont ouvertes à toutes et à tous, et pas seulement aux nouveaux arrivants.

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