Ce mercredi 17 avril, enseignants et parents d'élèves se sont rassemblés devant le rectorat de Lille pour manifester leur opposition à la réforme du "choc des savoirs", avec le soutien de l'intersyndicale. Certains ont pu être reçus en entretien avec le recteur.
Sur les pancartes, de nombreux slogans, mais l'idée est la même : tous disent non au projet de groupes de niveau pour les classes de sixième et de cinquième. D'après l'intersyndicale, environ 150 personnes, enseignants, parents d'élèves et syndicats enseignant, se sont rassemblées ce mercredi 17 avril devant le rectorat de l'académie de Lille pour protester contre le projet de réforme dit du "choc des savoirs". Ce dernier a été annoncé par Gabriel Attal en octobre dernier, alors qu'il était encore ministre de l'Education nationale.
Des groupes de niveau qui ne passent pas
Parmi tous les changements prévus pour la rentrée de septembre 2024 figure la création de groupes de niveau pour les élèves de sixième et de cinquième en mathématiques et en français. Les élèves seraient répartis dans trois groupes : faibles, moyens et bons. "C'est ce qui nous révolte le plus dans la réforme. Cela organise la ségrégation et la stigmatisation des élèves. C'est totalement inconcevable pour moi de travailler comme ça", s'indigne Peggy Chrétien, professeure de français au collège.
Il est prévu que les groupes de niveau changent toutes les cinq à six semaines, mais l'enseignante n'y croit pas : "un élève jugé comme faible, qui voudrait rejoindre le groupe des moyens, serait mis en difficulté parce que les moyens auront vu d'autres choses et ne seront pas allés à la même vitesse". Des élèves catégorisés dès leur entrée en sixième, qui risqueraient donc d'être bloqués dans leur groupe de niveau jusqu'à la fin du collège. Et si les groupes changent régulièrement pendant l'année, impossible pour les professeurs de suivre les élèves et leur progression.
Tous sont unanimes : les séparer par niveau serait contre productif. "Cela a été prouvé par les sciences de l'éducation. Regrouper les bons avec les bons ne les rendra pas meilleurs, et regrouper les plus faibles ne les fera pas s'améliorer", explique Pierre-Eric Laurent, professeur de physique au collège. Pour certains, il faudrait régler les problèmes scolaires dès l'élémentaire, en améliorant les conditions de travail, avec moins d'élèves par classe.
Regrouper les bons avec les bons ne les rendra pas meilleurs, et regrouper les plus faibles ne les fera pas s'améliorer
Pierre-Eric Laurent, professeur de physique
Du côté des parents d'élèves, la crainte est partagée. "Ma fille, qui a des difficultés en français, va rentrer en cinquième, ça m'inquiète pour elle, confie Karen Pollet, mère de cinq enfants. Depuis qu'ils sont petits, je leur apprends à s'entraider. Ils apprennent mieux ensemble". Certains s'inquiètent aussi pour leur sociabilité. "Les élèves seront sortis de leur classe pour rejoindre leur groupe de niveau en maths et en français. Ils risquent de se sentir isolés à l'extérieur de leur classe, ça pourrait créer des difficultés relationnelles", craint Naïma Metdaoui, présidente de l'association des parents d'élèves du collège Guy Mollet à Lomme.
Des contraintes pour les établissements
Les enseignants dénoncent également les contraintes qu'un tel chamboulement implique pour les collèges. Les emplois du temps devront être créés en fonction de ces groupes de niveau. "Une galère totale", d'après Peggy Chrétien. "Et sans plus de moyens financiers. Enormément d'établissements n'ont pas été pourvus d'heures supplémentaires. Il faudra faire une croix sur des dispositifs qui existent déjà dans les collèges, comme des demi-groupes en science ou même le latin pour pouvoir mettre en oeuvre les groupes de niveau", ajoute-t-elle.
Un rassemblement soutenu par l'intersyndicale
A l'origine de ce rassemblement : le collectif "éducation en crise nord", créé à l'initiative des professeurs des collèges de Lomme. Ils sont soutenus par l'intersyndicale. "On continuera à manifester contre cette réforme. Cela passera par la grève générale reconductible s'il le faut", affirme Guillaume Maës, secrétaire départemental de Force Ouvrière. Cinq enseignants et un représentant des parents d'élèves ont pu être reçus par le recteur. Ce dernier a promis de faire remonter leurs revendications auprès de la ministre Nicole Belloubet.
Prochaine étape de leur mobilisation : la manifestation du 1er mai, avec un cortège éducation pour continuer à faire entendre leur voix.