Des policiers ont-ils affiché un tatouage suprémaciste blanc ? Une conseillère régionale des Hauts-de-France saisit l'IGPN

Lors de la 14e journée de manifestation contre la réforme des retraites, des clichés de policiers, en manches courtes, à Lille ont été partagés. Ils laissent apparaître des tatouages qui représentent le Valknut, symbole repris par des idéologies suprémacistes blanches. Une avocate et conseillère régionale PS Hauts-de-France a saisi l'IGPN, la police des polices.

Des clichés postés par des photographes sur Twitter ce mardi 6 juin montrent les bras de deux policiers tatoués avec trois triangles entrelacés. Ces photos ont très rapidement circulé sur le réseau social.

Et pour cause, selon des internautes, mais aussi pour une avocate du barreau de Lille, ces signes sont issus de mouvances identitaires, suprémaciste blanche et néonazie. Même si, au départ, il ne s'agit pas de leur première signification. 

Le Valknut, né de la culture nordique, viking et de la mythologie scandinave 

Le Valknut représente le "nœud des occis" ou des morts. Il est associé à Odin, roi des dieux de la mythologie scandinave, qui venait recueillir les morts au combat pour les emmener sur l'île de Valhalla où vivaient les valeureux guerriers.

Selon le site Indextremeune plateforme en ligne qui vise à "observer, répertorier et faire connaître les symboles graphiques réappropriés par l'extrême droite en France", ce symbole a été notamment récupéré au 20ème siècle "principalement chez les suprémacistes blancs en rupture avec le catholicisme." Le cocréateur de la plateforme, Ricardo Parreira, y a d'ailleurs consacré un fil explicatif (thread) sur sa page Twitter.

C'est d'ailleurs suite à l'invasion du Capitole, aux Etats-Unis, que le symbole a été largement popularisé auprès du grand public, notamment avec le fameux tatouage de Jack Angeli, un militant pro-Trump qui a fait partie de ceux qui ont envahi les lieux.

En France, "ce symbole est utilisé par les QAnons et néonazis", poursuit Indextreme. Le valknut fait également partie "du logo de l’UNIP (Unité des Nationalistes, Identitaires et Patriotes) mouvement néonazi créé en 2016, et qui n’existe plus".

L'IGPN saisie mercredi par une conseillère régionale des Hauts-de-France

Sarah Kerrich-Bernard, avocate au barreau de Lille et conseillère régionale des Hauts-de-France (PS), voyant ses photos, a rapidement réagi en saisissant mercredi 7 juin l'Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN). 

"Ce qui m'a saisi, c'est que j'ai vu des photos de policiers qui encadraient la manifestation contre la réforme des retraites de Lille le 6 juin, et ces policiers arborent de façon très visible des tatouages qui sont de manière non-équivoque des tatouages à la symbolique suprémaciste et néonazie", explique l'avocate qui est aussi secrétaire nationale de lutte contre l'extrême droite au Parti socialiste. 

Ces signes sont aussi utilisés "par des organisations suprémacistes américaines et européennes. Et ce qui m'a choqué, c'est que je croise très souvent des policiers dans l'exercice de mes fonctions et que tous les tatouages sont toujours masqués". C'est-à-dire "qu'ils ont des bandeaux pour masquer, c'est le règlement intérieur qui les y oblige". 

Maître Kerrich-Bernard a cherché ce règlement intérieur en question, et a trouvé "une note de la direction générale de la police nationale qui interdit aux policiers en exercice d'arborer ce genre de tatouages. Déjà, parce que ça dénature la relation entre les citoyens et la police : on peut interpréter ce tatouage de différentes manières, et aussi parce qu'en l'espèce, de manière plus précise, ces tatouages ont une signification suprémaciste". 

Elle note bien que contrairement aux croix gammées (ou tout symbole de crime contre l'humanité) qui sont totalement interdites partout en France, les valknuts "ne sont pas interdits mais ils sont interdits sur des policiers en exercice". L'avocate s'appuie donc "sur la déontologie propre aux policiers qui leur interdit de porter ces éléments et j'ai saisi l'IGPN qui est la seule instance en capacité à juger de la discipline des policiers". 

Article R. 434-29 : "le policier est tenu à l’obligation de neutralité. Il s’abstient, dans l’exercice de ses fonctions, de toute expression ou manifestation de ses convictions religieuses, politiques ou philosophiques"

Instruction du 12 janvier 2018 relative au port des tatouages, barbes et moustaches, bijoux ou accessoires de mode par les personnels affectés dans les services de la police nationale.

Ministère de L'intérieur - Direction générale de la police nationale

Maître Kerrich-Bernard le répète : "les policiers en exercice n'ont pas à avoir de tatouages qui peuvent être interprétés comme ce genre de symbole et c'est ce que dit la directive : tout type de tatouage est interdit."

"Il ne faut pas être naïf", poursuit-elle. Si la directive a été rédigée, "c'est qu'il y avait des cas concrets et qu'on devait réglementer. Si ces cas de figure ne se produisaient jamais, la DGPN ne se serait pas intéressée aux tatouages. Là, ce qui est écrit, c'est que les tatouages qui portent atteinte aux valeurs fondamentales de la Nation sont interdits".

Un policier en exercice n'est pas un citoyen lambda, il représente la force publique, l'Etat, le pouvoir exécutif qui lui seul a la force de coercition. Donc si on a l'impression qu'il n'est pas neutre face aux citoyens, qu'il peut avoir des idées qui peuvent remettre en cause l'égalité entre les hommes et les femmes, les différentes origines, par exemple, ça dénature totalement la relation entre le citoyen et le policier.

Maître Sarah Kerrich-Bernard, avocate au barreau de Lille

Quelles sanctions possibles ?

Tout dépend du dossier individuel de chaque policier. "Je ne connais pas les policiers en question, j'ai récupéré de mon côté des images, des vidéos où on les identifie pour faire remonter mon signalement, et l'IGPN confirme avoir réceptionné et transmis mon signalement."

Au niveau des sanctions, "s'il s'agit de policiers qui n'ont jamais eu aucune sanction dans leur carrière, la sanction ne sera pas très élevée, elle sera sans doute un rappel à l'ordre, un avertissement." Mais s'il s'agit de policiers qui ont déjà "eu affaire avec leur hiérarchie de manière récurrente, ça peut aller plus loin, et donc il y a une échelle des sanctions qui peut aller jusqu'à la radiation de la fonction publique".

Maître Kerrich-Bernard nuance néanmoins en expliquant que "ça ne va jamais jusque-là, c'est même assez rare que ça aille jusque-là. Ce n'est pas à moi d'en juger, c'est à l'enquête administrative interne et à l'IPGN de faire le travail". 

Le signalement de l'avocate a été transmis à la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) du Nord qui "va enquêter, donc il y a bien un dossier qui est ouvert", conclut-elle. 

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