Grève des consultations, cabinets fermés et manifestation à Paris. Généralistes et spécialistes se mobilisent ce mardi 14 février pour "sauver la médecine". Deux médecins nordistes détaillent les raisons de leur colère.
C'est la deuxième fois en quelques semaines que Fancy Geller se rend à Paris pour manifester. Médecin à la Madeleine dans le Nord, elle ne recevra pas ses patients ce mardi. La généraliste a rendez-vous avec une quarantaine de confrères pour prendre le train, direction la capitale. Une marche est prévue entre le ministère de la Santé et le Sénat. Elle est rejointe dans cette contestation par une consœur ORL, en grève également ce mardi. Les sujets d'agacement sont nombreux.
J'y vais parce que je suis très en colère
Fancy Geller, généraliste
Des actes peu revalorisés
La sécurité sociale propose d'augmenter le tarif de la consultation médicale de 25€ à 26,5€. Une "provocation", disent les syndicats, à deux semaines de la fin des négociations avec l'Assurance maladie pour fixer les contours d'une nouvelle convention. 1,50€ seulement de plus quand un syndicat de médecins demande de doubler la consultation, de 25€ à 50€.
Les spécialistes aussi s'agacent d'un manque de revalorisation de certains actes médicaux. "Ils stagnent depuis des années, confirme Dorothée Douchement, ORL chirurgien cervico-facial à la clinique de la Louvière, à Lille, mais nos frais, eux, augmentent, le matériel, les produits désinfectants, ce n'est plus en adéquation avec notre niveau d'étude."
Une surcharge administrative
Des papiers, toujours plus de papiers. La loi Ségur n'a rien amélioré selon les professionnels, bien au contraire. "On nous demande des choses qui prennent du temps mais ne servent à rien d'un point de vue médical, affirme l'ORL, par exemple, on doit remplir la ville de naissance du patient." Entre les bilans, les courriers et vérifier le décompte de la sécurité sociale, la journée de travail ne s'arrête pas avec le dernier patient.
Plus de travail, plus de patients
Pour rester conventionnés, les médecins généralistes vont devoir accepter plus de patient : 1 900 en "file active", c'est à dire ceux qui consultent au moins une fois dans l'année. "J'en ai 1 200 et ne peux pas les voir tous correctement", alerte Fancy Geller, je suis déjà à 50h semaine, la seule façon de pouvoir voir plus de patients, c'est de réduire la durée des consultations."
Autre point d'achoppement : l'obligation de travailler 35 week-ends par an. Une attaque aux professions libérales, selon les médecins : "je travaille presque un week-end sur deux, il va falloir encore augmenter la cadence, mais moi je ne veux pas que l'Etat me dise quand ouvrir mes consultations, s'offusque Dorothée Douchement qui assure s'organiser pour assurer une permanence des soins, c'est la fin du libéral".
Avec cette convention, l'Etat sous-entend qu'on ne travaille pas assez
Fancy Geller
Si la convention passe, la généraliste redoute une médecine à deux vitesses :
- d'un côté, les médecins qui vont rester dans la convention "ils ne seront pas nombreux". S'ils acceptent ces nouvelles règles du jeu, leurs patients seront remboursés à 100%.
- de l'autre, ceux qui vont sortir de la convention, des "déconventionnés". Plus de prise en charge par la sécurité sociale, ni par les mutuelles. "Seules les personnes avec un certain revenu pourront payer les consultations", regrette déjà la médecin.
La délégation des tâches
Au menu de la manifestation ce mardi, la lutte contre la proposition de loi Rist, du nom de la députée Renaissance, Stéphanie Rist, proposition discutée ce jour devant le Sénat.
Pour désengorger les cabinets médicaux, elle permettra au patient de consulter directement un kinésithérapeute ou un orthophoniste, sans passer par la case généraliste pour une ordonnance. "Une perte de chance", selon Fancy Geller. "Etre vu par un paramédical n'est pas la même chose qu'un médical, on n'a pas le même niveau d'étude", ajoute Dorothée Douchement qui milite pour que le diagnostic reste une compétence du médecin.
Bref, "le gouvernement a tout faux" résument les deux femmes. "Jamais ils ne vont donner envie aux jeunes de s'installer dans ces conditions-là", redoute la généraliste qui a déjà prévu de manifester à nouveau si besoin. La spécialiste également refera grève, "et pourtant, précise Dorothée Douchement, je n'ai pas une âme de syndicaliste mais ce mépris fait mal."