Dix jeunes athlètes ukrainiens ont été accueillis à bras ouverts par le Canoë Club Lillois en mars dernier, alors que la guerre venait d'éclater. Deux mois après leur arrivée, où en sont-ils ? Une seule est rentrée en Ukraine. Martine Aubry affirme être prête à tout faire pour les aider.
"Il y a de bonnes nouvelles et des mauvais nouvelles", c'est par cette phrase qu'Elodie Voynnet, débute notre entretien. Fin mars, elle et son mari Emmanuel, président du Canoë Club Lillois, accueillaient avec les bénévoles de leur club dix jeunes kayakistes et céistes ukrainiens âgés de 14 à 18 ans. Ils étaient partis les chercher par leurs propres moyens à Düsseldorf, en Allemagne.
"Je trouve qu'ils vont bien, très bien même"
Trois mois après le début de la guerre en Ukraine et deux mois après leur arrivée à Lille, le bilan est relativement positif. "Je trouve qu'ils vont bien, très bien même, avec des périodes difficiles en fonction de chacun", note Elodie. Yegor, 14 ans, a pu être rejoint "par sa mère et sa grand-mère, se réjouit-elle. La famille d'accueil a accepté de les prendre tous les trois en charge."
Parmi les dix jeunes arrivés, une jeune adolescente de 18 ans, Ohla, a préféré quitter Lille et retourner ce samedi 21 mai auprès de sa famille en Ukraine à cause de "difficultés d'adaptation". Accompagnée de sa famille d'accueil à l'aéroport, elle a pris un vol vers Cracovie, en Pologne, où sa sœur l'attendait.
En arrivant en France, les jeunes ukrainiens et leur coach avaient pour objectif de repartir au bout de quelques semaines. "On leur a dit là-bas qu’ils partaient en stage", a constaté Elodie. Mais trois mois après le début de la guerre, le conflit n'est pas prêt de cesser et ils sont forcés de rester.
Des bénévoles qui se sentent "seuls au monde"
Tous les jeunes ont été scolarisés, "au collège, au lycée et même à la fac". Deux d'entre eux, les jumeaux Dima et Micha, sont étudiants et récupèrent les clés de leur logement au Crous ce lundi 23 mai. Elodie dénonce les difficultés "énormissimes" à chaque étape.
On se bagarre contre les montagnes avec l'administration, la sécurité sociale, la faculté.
Elodie Voynnet, membre du comité directeur du Canoë club lillois
Pour les jumeaux, il a fallu plusieurs semaines de bataille pour qu'ils puissent enfin s'installer. "On avait une urgence sur ça, il a fallu entrer en contact avec le Crous, trouver des assistantes sociales qui acceptent de les prendre, mais la fin est heureuse".
"Pas des colis mais des gens"
Il y a toutefois une ombre au tableau. Le "gros point aujourd'hui, c'est le logement, on a absolument rien.". Elodie regrette qu'il n'y ait "pas de solution de logement pérenne" pour Ygor et les familles ukrainiennes arrivées en France. Celles-ci restent accueillies chez des personnes volontaires, après un appel à la solidarité de la mairie de Lille, qui s'est illustrée dès le début de la guerre comme soutien important aux réfugiés ukrainiens.
Elle affirme également que la solution qu'on lui a proposé à Lille, si les familles ne sont plus en mesure d'accueillir des réfugiés ukrainiens, est de les changer de foyer d'accueil. S'ils peuvent compter sur d'autres familles lilloises en cas de changement, Elodie souligne que "ce ne sont pas des colis, mais des gens".
"On est en train de faire le tour de toutes les familles"
Du côté de la mairie de Lille, Martine Aubry se dit prête à les aider. "Ils ne sont pas passés par nous et ont fait un appel Facebook, d'autant plus qu'il s'agit de mineurs isolés qui doivent normalement arriver avec un parent ou un accompagnateur sous l'accord du parent, regrette-t-elle. Ça ne veut pas dire qu'on n'est pas prêts à les aider, au contraire." En effet, toutes les familles ont un correspondant-élu : "on est 19 élus à avoir huit, dix, douze familles chacun. On a un réseau, nous sommes très mobilisés."
La mairie poursuit son travail à grande vitesse. "Je sors d'une nouvelle réunion sur ce sujet-là ce matin, on est en plein dedans, explique Martine Aubry. On a une trentaine de familles qui ont vu des Ukrainiens partir" car la mairie leur a trouvé un logement pérenne ou ils ont réussi à le faire d'eux-mêmes.
"On est en train de faire le tour de toutes les familles, on en a déjà appelé 80%, poursuit-elle. La semaine dernière, on a envoyé un questionnaire aux familles pour connaître leurs besoins en emploi."
Certaines familles d'accueil veulent garder les Ukrainiens chez eux, d'autres le souhaitent aussi mais hébergent des Ukrainiens qui souhaitent être autonomes. On s'adapte à ce que demandent les familles.
Martine Aubry, maire de Lille
Pour ceux qui travaillent, des calculs sont faits en fonction de la situation familiale (s'ils ont des enfants, par exemple) et du salaire "pour calculer l'APL, puis la cellule est saisie pour trouver un logement". C'est une petite structure de deux personnes qui cherche où les loger, "mais ils n'ont pas le droit au logement social, c'est une décision gouvernementale, car c'est une zone tendue, donc on cherche dans le privé"
La mairie affirme mettre les bouchées doubles pour aider les familles de réfugiés à trouver un logement et un travail. "D'ici quinze jours, on aura fini le tour des familles", affirme Martine Aubry.
L'heure est à la compétition pour les jeunes kayakistes
Malgré tout, l'heure est à l'espoir et surtout aux compétitions. Les jeunes kayakistes ont pu sortir d'Ukraine grâce à des justificatifs attestant de leur qualité d'athlète licencié et membre d'une fédération sportive.
"Ils sont tous allés au championnat de Libourne et ils ont fait les sélectives de vitesse et de marathon", se réjouit Elodie. Prochaine étape : le championnat de France de kayak qui se tiendra à Vichy le 14 juillet prochain. Selon elle, "vu leurs résultats, ils vont être sélectionnés".
Là aussi, des problèmes se posent. "On est à 600 kilomètres avec un groupe de neuf. On fait comment pour les transporter, les nourrir et les héberger ? Si quelqu'un a un minibus à nous prêter, on est preneurs !" Le club a mis en ligne une cagnotte pour leur venir en soutien. En deux mois, ils ont récolté un peu plus de 2200 euros. Ils espèrent davantage d'aide et de soutien.
Lille Canoë Club organise également une compétition le 5 juin prochain avec une collecte alimentaire pour Lille aide l'Ukraine. Il y aura également des stages au club pendant les vacances scolaires qui permettront de "payer une partie des déplacements" des jeunes ukrainiens.