"Il m'a pissé dessus" : maltraitances et violences, des enfants du Nord placés dans des familles d'accueil sans agrément

C'est un dossier effarant révélé par nos confrères de Radio France : des enfants du Nord placés dans des familles d'accueil dans l'Indre, la Haute-Vienne, la Creuse, sans agrément. Pas de contrôles et des violences sur une soixantaine d'enfants entre 2010 et 2017. La justice convoque 19 personnes devant le tribunal de Châteauroux, le 14 octobre 2024.

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L'affaire fait l'objet d'une longue enquête de nos confrères de Radio France. Elle n'a pourtant pas fait grand bruit jusqu'ici, malgré des faits surprenants : des enfants placés par l'ASE (Aide sociale à l'enfance) du Nord hébergés par des familles qui n'avaient pas d'agrément. Des familles qui se révèlent avoir été maltraitantes avec les jeunes qui leur étaient confiés.

Entre 2010 et 2017

Parmi les 19 prévenus convoqués par la justice, les deux fondateurs d'une association basée à Mouhet (Indre). Ils auraient monté avec leurs compagnes une structure d'accueil sans avoir les diplômes et les agréments nécessaires à l'accueil d'enfants placés. Ensemble, ils auraient créé un "réseau" de familles d'accueil.

Dans son enquête, la journaliste Romane Brisard a découvert que les enfants subissaient "des claques, des coups de poing, de tête, de pied, de cravache, des strangulations, des menaces au couteau ou au taser [arme électrique], ou encore la tête enfoncée dans la cuvette des toilettes." Des maltraitances que les deux principaux agresseurs présumés reconnaissent pour la plupart en précisant aux enquêteurs qu’il s'agissait là de “recadrages”.

Matthias, 22 ans aujourd'hui, est un des jeunes accueillis. Il raconte : "Ils ont commencé à ouvrir une bouteille d’alcool, du whisky. Ils l’ont sifflé à deux. Après, je me suis retrouvé dans un coin, ils ont commencé à être violents envers moi, à me rabaisser. Il mettait ses doigts sous ma gorge, il essayait de me soulever aussi. À un moment, il a baissé mon pantalon, je l’ai remonté directement. Après c’est lui qui a baissé son pantalon, il m’a pissé dessus".

Sévices, punitions humiliantes, travail forcé pour la construction d'une maison, et tout cela, sans aucun contrôle par les services du département du Nord qui ont envoyé des enfants dans ces familles, aujourd'hui poursuivies pour exécution en bande organisée d'un travail dissimulé, et l'accueil collectif de mineurs à caractère éducatif sans déclaration préalable. Mais aussi pour violences sur mineurs...

Quelle responsabilité pour le département du Nord ?

Comment, pendant sept ans, l'Aide sociale à l'enfance du département du Nord a-t-elle pu ignorer ces faits de maltraitance ? C'est une question soulevée par Jean Sanier, avocat des victimes. D'autant plus que ces placements sont payés avec de l'argent public. Ce sont 630 000 euros qui ont été perçus par les prévenus pour l'accueil de ces enfants. Il explique : "La seule chose que va faire l’ASE, c’est de déverser des flots d’argent, jusqu’à 400 euros par jour et par enfant. Il y aura même des règlements en espèces, en liquide. Ces fonds vont être encaissés, ils vont disparaître dans la nature, une évaporation complète pour l’Etat français. Aucune déclaration fiscale. Aucun enregistrement, c'est du travail clandestin complet." 

Aux enquêteurs, la directrice de l'ASE du Nord de l'époque a reconnu "un défaut de vigilance" et une "relation de confiance" avec l'homme soupçonné d'avoir organisé ce "réseau de familles". Elle a admis avoir reçu 4 signalements préoccupants. Pour autant, l'ASE n'est pas citée à comparaître.

De longue date, le personnel du département du Nord dénonce des conditions d'accueil déplorables.

Symptôme d'une crise profonde de l'aide à l'enfance

Le département du Nord est un de ceux qui placent le plus. 12 000 enfants lui sont confiés. Entre 2015 et 2018, ce sont 700 places d'accueil qui ont été supprimées, alors que le nombre d'enfants concernés augmente. 

Selon le syndicaliste représentant du syndicat SUD de l'ASE du Nord, Olivier Treunel, 10% des enfants n'ont pas de placement stable. "Chez nous, dans le Nord, on a encore des enfants qui dorment à l'hôtel. Ils jouent sur les mots, ils confient les enfants à des associations qui ne sont pas agréées protection de l'enfance (...) et cette association occupe des hôtels. Alors, ce sont des hôtels qui de leur point de vue n'en sont plus parce qu'ils ne sont plus ouverts au public, mais ce sont des hôtels miteux. Il en reste deux d'ouverts"

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Reportage de France 3 Limoges sur la maltraitance subies par des enfants de l'ASE du Nord.. Romane Brisard, journaliste indépendante Gulsen Yildirim, vice-présidente du conseil départemental de la Haute-Vienne (87) Caroline Mazille, CGT du conseil départemental de la Haute-Vienne (87) ©E. Tymen/ P.Coussy / C. Cogne / FTV

Appel aux victimes

Sur la soixantaine d'enfants qui auraient été victimes de ces familles sans agréments, seuls 19 ont été retrouvés. Les autres, aujourd'hui majeurs, n'ont pas donné signe de vie. On le sait, 50% des jeunes SDF sont passés par l'ASE.

"S’ils veulent bien s’identifier, nous les accompagnerons tous”, explique Homayra Sellier, présidente de l’association "Innocence en danger", qui s’est constituée partie civile au procès : “Je lance un appel à témoins, et leur demande de nous écrire à l'adresse contact@innoncenceendanger.org .

Le procès doit se tenir au Tribunal de Châteauroux à partir du 14 octobre 2024.

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