Jean-Paul Delescaut a été interpellé à son domicile pour "apologie du terrorisme", affirme le syndicat. En cause selon ses camarades, un tract pro-palestinien édité le 10 octobre dernier. La garde à vue du secrétaire de la CGT dans le Nord a été levée vers 13h30. Une enquête est en cours, indique le parquet de Lille.
"Nous sommes révoltés, écœurés". Joint par téléphone au petit matin ce vendredi 20 octobre 2023, Cédric Brun, secrétaire général de la CGT à PSA Valenciennes et conseiller régional insoumis des Hauts-de-France, ne cache pas sa colère.
"J’ai sollicité les députés pour interpeler le préfet, j’ai contacté le cabinet de Sophie Binet et nous appelons toutes les forces vives à converger vers le commissariat de Lille", liste le représentant syndical.
Un rassemblement s'est tenu devant l’hôtel de police, où Jean-Paul Delescaut a été entendu. Des syndicalistes sont venus de Lille, Seclin, Bailleul ou encore Dunkerque.
Le secrétaire général de l’union départementale de la CGT du Nord a été "cueilli à l’aube chez lui par la police", affirme le syndicat, pour "apologie du terrorisme". Selon un militant, il a été "interpellé à 6 heures du matin par 10 policiers, dont 7 cagoulés".
Il a dans la foulée été placé en garde à vue avec la coordinatrice salariée de l’union départementale.
Un tract de la CGT pro-palestinien au cœur de la polémique
Il semblerait qu'une phrase présente dans un communiqué édité par l’UD de la CGT aurait fait bondir le préfet du Nord, comme l’indiquaient il y a quelques jours nos confrères de la Voix du Nord.
Intitulé "la fin de l’occupation est la condition de la paix en Palestine", le tract édité par la CGT du Nord le 10 octobre dernier apporte son soutien au peuple palestinien trois jours après l’attaque terroriste du Hamas en Israël.
Un peu plus bas, la CGT écrit. "Les horreurs de l’occupation illégale se sont accumulées. Depuis samedi (7 octobre, ndlr), elles reçoivent les réponses qu’elles ont provoquées".
Dans un communiqué publié quelques heures après l'arrestation de Jean-Paul Delescaut, la CGT rappelle que "l'union départementale CGT 59 a dénoncé et condamné les crimes commis contre toutes les victimes civiles, et affirmé son pacifisme".
Le syndicat réclame la "libération immédiate de ses militants".
Une interpellation "insupportable"
Contacté, David Guiraud, député LFI de Roubaix et Wattrelos, ne s’associe pas à cette phrase. Mais qualifie d’"insupportable" cette interpellation. "Ils ne sont pas des terroristes, pas des gens violents mais veulent manifester pacifiquement leur soutien à la cause palestinienne".
Il y a un risque terroriste, il y a des passages à l'acte, il y a des gens qui sont en liberté. Je ne comprends pas qu'on utilise des policiers pour aller chercher des responsables syndicaux dont on sait pertinemment que ce sont des gens qui ne feront de mal à personne.
David Guiraud, député LFI de la 8ème circonscription du Nord
Avant de pointer du doigt la responsabilité du gouvernement qui "vise à empêcher toute expression de solidarité avec le peuple palestinien". Le député, également présent à la manifestation de soutien avec son collègue Ugo Bernalicis, est entré dans le commissariat pour exercer son droit de visite.
"Qui peut le croire ?", interroge Jean-Luc Mélenchon dans un message posté sur X (anciennement Twitter). "L'apologie du terrorisme, c'est le soutien inconditionnel du gouvernement aux crimes de guerre à Gaza", dénonce le leader insoumis.
Arrestation à 6h du matin de responsables CGT !!!
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) October 20, 2023
"Apologie du terrorisme" qui peut le croire ? L'apologie du terrorisme c'est le soutien inconditionnel du gouvernement aux crimes de guerre à Gaza. D'interdictions en criminalisations et violences d’état de toutes sortes, Borne et…
"Si je ne partage pas le tract qui lui est reproché, je n'accepte pas qu'on traite un syndicaliste comme un terroriste! Solidarité", a de son côté réagi le patron du parti communiste Fabien Roussel.
Depuis le 12 octobre, tous les rassemblements en soutien à la Palestine sont interdits en France, sur demande du ministère de l’Intérieur. Décision retoquée par le Conseil d’Etat six jours plus tard, qui renvoie aux préfets le soin d’apprécier "au cas par cas". Dans le Nord, deux manifestations pro-palestiniennes ont été interdites, à Lille puis à Douai.
Gardes à vue levées en début d'après-midi
Aux alentours de 13h30, les gardes à vue de Jean-Paul Delescaut et de la coordinatrice salariée de l'union départementale ont finalement été levées.
Au milieu de ses camarades, le secrétaire de la CGT dans le Nord a pris la parole au pied des marches de l'entrée du commissariat de Lille. "On a rappelé pendant la garde à vue la position de la CGT depuis 128 ans : ne pas oublier tous les camarades. Nous, on les représente et on ne nous fera pas taire. Il y a des conflits dans le monde et la CGT a son mot à dire. On va continuer le combat qu’on doit mener".
👂 Écoutez les paroles fortes de Jean-Paul Delescaut, qui vient de sortir de sa garde à vue.
— Ugo Bernalicis φ (@Ugobernalicis) October 20, 2023
La CGT ne se taira pas, car elle a son mot à dire dans ce qu'il se passe dans le monde !
On ne laissera pas #Darmanin instrumentaliser la justice et la police.
Tout mon soutien à Jean… pic.twitter.com/8qXCMNM1jd
Puis d'ajouter. "On a rappelé ce matin que la CGT n’était pas liée au terrorisme, qu’elle n’était pas pour le terrorisme mais simplement là pour représenter les travailleurs partout dans le monde".
Contacté, le parquet de Lille indique que l'enquête ouverte "porte sur les faits d’apologie publique d'un acte de terrorisme commise au moyen d'un service de communication au public en ligne et provocation publique a la haine ou à la violence en raison de l'origine, l'ethnie, la nation, la race ou la religion". Malgré la levée des gardes à vue, l'enquête se poursuit.