Véritable pilier du polar français, Franck Thilliez est classé cinquième auteur le plus lu en France en 2023. Il sort ce 2 mai 2024 son 24e roman, "Norferville", du nom d'une ville du Grand Nord québécois... Une cité minière que l'écrivain a créée de toutes pièces. Mais où trouve-t-il l'inspiration pour les lieux décrits dans ses livres ? Le nordiste nous raconte.
Il est écrivain et scénariste, notamment pour la série Alex Hugo sur France 3. Il est surtout l'un des écrivains de polars les plus lus en France. Franck Thilliez sort son 24e roman chez Fleuve Editions, Norferville, une sordide affaire de meurtre au cœur des grandes étendues enneigées du nord du Québec. L'occasion pour l'écrivain de nous raconter où il puise son inspiration.
L'histoire se passe dans le Grand Nord québécois, où une jeune fille va être découverte morte. Lorsque son père l'apprend, ce criminologue, installé en France et qui a l'habitude de collaborer avec la police, décide de rejoindre cette ville qu'il ne connaît pas du tout pour mener l'enquête.
"Le héros va chercher, précise Franck Thilliez, pourquoi sa fille qu'il avait perdue de vue s'est retrouvée là-bas et pourquoi elle a été assassinée. Il va travailler en duo avec une flic québécoise qui, elle, connaît cette ville où elle a grandi et qu'elle a quittée à seize ans, suite à un grave malheur. Pour elle, c'est aussi un traumatisme de devoir retourner dans cette ville au cœur de nombreuses tempêtes."
Norferville est une ville minière complètement isolée, où il fait très froid, et le seul moyen de s'y rendre, c'est un trajet de treize heures de train depuis Sept-Iles. "L'atmosphère y est assez oppressante, moi j'appelle ça un « huis clos extérieur ». C'est étouffant et on a très froid, c'est d'ailleurs ce que j'ai voulu faire ressentir, que les lecteurs aient les doigts glacés au fur et à mesure qu'ils tournent les pages."
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Et si Franck Thilliez a préféré créer une ville plutôt que de placer son intrigue dans un lieu réel, c'est pour ménager les susceptibilités. "C'est le genre de ville qui existe vraiment, très au nord de Montréal, mais je n’ai pas voulu stigmatiser une population en en citant une... J'ai quand même des très méchants dans mon histoire !"
"Bon... Ne le répétez pas, cède-t-il sans qu'on ait trop besoin d'insister, mais si les lecteurs veulent avoir une idée de comment je l'ai imaginée, ils peuvent chercher des renseignements sur Shefferville." [Rires.]
L'auteur s'est beaucoup inspiré de la nature et des grands espaces du Québec, province du Canada qu'il a visitée il y a trois ans et dont il avait conservé de nombreuses photos. "En général, quand je flashe sur un paysage, je suis déjà en train d'écrire un livre, pour lequel j'ai déjà un lieu... Donc tout ce que je vois en voyage se stocke dans mes souvenirs et un jour, ça ressort."
"Je viens de passer des vacances sous la neige en Finlande - oui, j'aime le froid ! - et je pense que cela m'influencera pour un roman ! Pas le prochain par contre, qui se passera au sein d'une unité de psychiatrie, avec mes héros récurrents Franck Sharko et Lucie Hennebelle."
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Et les paysages du Nord, s'en inspire-t-il ? "Très souvent !", s'exclame celui qui a utilisé les marais de l'Audomarois dans l'un de ses premiers romans, La Chambre des morts, adapté au cinéma avec Mélanie Laurent. "Pour se débarrasser d'un corps, les protagonistes le balancent dans les marais, c'est très pratique... Il y a un nombre incalculable d'embranchements, c'est très vaste."
"Je pourrais aussi utiliser les caps Gris-Nez ou Blanc-Nez, qui sont très cinématographiques, sauvages et dépeuplés. On peut imaginer quelqu'un qui tombe, ou un corps qu'on verrait depuis le haut de la falaise, tout petit sur les galets, rejeté par les flots... Ça marche pour un livre mais aussi pour une série."
"Dans un autre genre, s'amuse-t-il, il y a aussi les Boves d'Arras, ces tunnels sous la ville d'Arras qui reliaient les boutiques et les caves, avec leur côté sombre, qui peut refléter la noirceur de la société."
Trois personnages au top de l'horreur
Si les paysages comptent, les personnages sont évidemment cruciaux. Franck Thilliez est tombé dans la lecture à l'âge de douze ans avec Stephen King. "Je suis fan absolu de Carrie mais aussi de Annie Wilkes, qui enlève un écrivain dans Misery."
Frankenstein est le monstre par excellence.
Franck ThilliezAuteur de polars
"Quand j'étais petit, je regardais des films d'horreur en cachette et je pense que cela m'a influencé.", sourit-il. Et lorsqu'on lui demande de citer trois personnages au top de l'horreur, sans hésiter l'auteur pense d'abord à Frankenstein, créé par la romancière Mary Shelley en 1818.
"C'est un personnage répugnant, effrayant, le monstre par excellence mais qui dégage une certaine humanité. Quand on lit le roman ou qu'on regarde les films, on se demande même qui est vraiment le monstre, si c'est Frankenstein ou si c'est plutôt son créateur, du fait de l'avoir abandonné."
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La reine dans "Blanche Neige" m'a traumatisé !
Franck ThilliezAuteur de polars
Deuxième personnage cité par l'écrivain, la reine, dans Blanche Neige. "C'est un souvenir d'enfance qui m'a bien traumatisé ! Dans le polar, la reine serait ce qu'on appelle l'antagoniste parfait, c’est-à-dire le méchant. Plus on en a peur et plus l'histoire est réussie."
"Cette reine tout en noir m'a beaucoup marqué parce qu'à la fois, on la déteste et on veut la voir disparaître, mais en même temps c'est elle qui rend le dessin animé génial et attrayant."
Hannibal Lecter, c'est le mal incarné...
Franck ThilliezAuteur de polars
Pour conclure, Franck Thilliez place sur le haut du podium Hannibal Lecter, héros entre autres du Silence des Agneaux, tueur en série de fiction imaginé par Thomas Harris. "C'est peut-être la représentation absolue du mal incarné. Un personnage cynique, sans remords, complètement asocial, amoral, et qui tue sans aucun état d'âme."
"C'est un tueur en série des plus classiques, très intelligent et machiavélique et ce qui le rend très effrayant, c'est qu'il pourrait être n'importe lequel d'entre nous... Moi y compris !"