Une start-up lilloise, "My Cyber Royaume" travaille notamment en partenariat avec des EHPAD pour aider à soigner les troubles cognitifs des patients.
Une luxueuse villa de vacances, un ponton s'avançant dans la mer, une piste de ski: dans le Nord, des patients souffrant de troubles cognitifs sont plongés dans des univers en réalité virtuelle pour tester un cadre thérapeutique optimal.
Le patient place un casque avec visière sur sa tête et se retrouve aussitôt immergé en vue subjective dans le vaste séjour d'une agréable villa, parfaitement modélisé. Il peut se déplacer et manier des objets au moyen de deux manettes.
L'objectif est "qu'ils se forment leur cocon, leur monde, leur moment à eux", explique Carla Bocquillon, responsable commerciale de My Cyber Royaume, la start-up lilloise d'une dizaine de salariés à l'origine de cet outil, lauréate en septembre 2017 d'un appel à projets soutenu par les Hauts de France.
J'ai tiré à l'arc, fait un feu de cheminée... J'en ai même parlé à mon fils
Jacques, 95 ans, résident de l'Ehpad de Douchy-les-Mines, qui a pu tester, témoigne de son "sentiment d'évasion": "C'est un changement de climat, d'environnement. J'ai tiré à l'arc, fait un feu de cheminée... J'en ai même parlé à mon fils (...). Et en même temps quand on en sort, on a un petit moment de cafard, je n'ai pratiquement pas de famille ici..."
Plus que d'autres maladies, les troubles mentaux requièrent des conditions apaisées que n'offrent pas toujours les moyens traditionnels. "Le bien-être de la personne va l'aider à travailler différentes fonctions cognitives", souligne Caroll Duthérage, fondatrice et directrice innovation de la start-up, la première à développer ces univers virtuels.
Cette idée de faire comme à la maison, sans pénalité ou score, est intéressante
"On est bien obligés d'explorer les fonctions cognitives chez quelqu'un de malade, ce n'est pas toujours bien vécu et ça met mal à l'aise. Cette idée de faire comme à la maison, sans pénalité ou score, est intéressante", explique Florence Pasquier, professeur de neurologie à l'Université de Lille et responsable du Centre mémoire de ressources et de recherche de Lille, deux institutions qui avec le CHRU de Lille ont noué un partenariat avec la start-up.
De la modernité en maison de retraite
Qu'il y a-t-il de plus stimulant pour un patient : répondre à de longs tests à base de formes géométriques sur papier, comme le font actuellement faire les médecins, ou plonger le temps d'une sieste dans un nouveau monde parfait ?
Je pensais qu'ils allaient être réticents, et ils se sont vite pris au jeu
Le directeur de l'Ehpad de Douchy-les-Mines se dit convaincu: "C'est un lien avec la modernité, ce n'est pas parce qu'on est vieux, qu'on doit être avec du vieux... Je pensais qu'ils allaient être réticents, et ils se sont vite pris au jeu".
"Jeu" au sens littéral: tir à l'arc, golf, billard, sculpture ou encore cuisine forment un éventail d'exercices ludiques propres à recueillir l'adhésion. Mais aussi à mieux soigner. Car la réalité virtuelle coche une case importante du cahier des charges thérapeutique, la rigueur des exercices et des tests.
Les trois logiciels - d'évaluation, de prévention et de traitement - conçus par My Cyber Royaume offrent des conditions plus malléables, des exercices infinis: "le nombre de paramètres imposé pour réaliser telle ou telle action est lié aux exercices qu'on veut leur faire faire, un entraînement cognitif particulier", détaille Pascal Antoine, professeur de psychologie à l'Université de Lille, autre chercheur associé au projet.
Créée il y a un an, My Cyber Royaume voit loin. Elle espère lancer ses premiers essais cliniques dans les prochains mois. Puis, grâce à l'application large de l'outil virtuel, vendre ses logiciels pour quelques milliers d'euros, avec une formation et un abonnement d'environ 2.500 euros par an, aux maisons de retraite, hôpitaux, centres de rééducation...