Depuis le 1er juin, Lille remplace deux fois par semaine les protéines animales par des végétales à ses 14 000 écoliers. L'expérimentation sera poursuivie à la rentrée. Elle fait de la capitale des Flandres la première ville française à aller si loin dans l'alternative à la viande et au poisson.
En 2014, la ville de Lille avait introduit un menu végétarien par semaine dans les assiettes de ses écoliers.
Depuis le 1er juin, elle est passée à deux repas sans viande et sans poisson, et poursuivra sur le même régime à la rentrée. Nuggets de soja, omelette, haricots rouges, pois chiche et autres légumineuses, les alternatives aux protéines animales se déclinent au fil des jours dans les cantines des écoles publiques de Lille et de ses communes associées Hellemmes et Lomme.
Diversification alimentaire et respect de l'environnement
Un changement de paradigme qui fait aujourd'hui de la capitale des Flandres la première de France à passer la seconde en matière de végétarisme. Dans un triple soucis de respect de l'environnement, de diversification alimentaire et de réduction du gaspillage. A Lille comme ailleurs, un tiers au moins du contenu des assiettes finit à la poubelle.
Nous sommes allés poser notre caméra dans une école de Lille Sud. Ce jour à la cantine, c'était céleri, perles de blé sauce minestrone et tarte aux pommes.
Verdict à la dégustation : une majorité d'enfants enthousiastes qui ont "tout aimé", et qui trouvent "ça bien pour la planète". Et puis d'autres, plus sceptiques, comme ce jeune homme : "L’entrée j’aimais pas trop, il y a un goût de rien.". C'est toujours difficile de faire l'unanimité.
► Reportage de Maëlys Septembre, Gonzague Vandamme et Bruno Weill
Tous les repas sont élaborés à la cuisine centrale de Lille, trois jours à l'avance. 14 000 entrées plats et desserts sortent chaque jour de ses fours et de ses marmites. Pour concocter ces repas végétariens, les cuisiniers ont dû se replonger dans les livres de recettes, pour adapter les plats aux enfants.
"J’étais récalcitrant", confesse Laurent Demesre, chef de cuisine. "Dans mon image de cuisiner, les repas végétariens, ce n'est pas mon idéal. Mais si on travaille le produit un peu comme de la viande, à l’arrivée on a un plat qui ressemble à une carbonnade flamande. On sait faire des choses comme ça".
Travailler les protéines, la viande en moins : l'assurance aussi de faire des économies. Jusqu'à 30 centimes de moins qu'un repas classique. Moins cher, mais tout aussi nourrissant : l'équilibre nutritionnel des plats est conservé.
"C’est clairement très bon pour la santé", affirme Frédéric Rotolo, responsable d'exploitation de la cuisine centrale. "Et puis, on n'est pas programmés pour manger de la viande toute notre vie. En tous cas pas à 100 %".
Six parents sur dix favorables aux menus sans viande
Selon une enquête de Greenpeace publiée en mai dernier, 6 parents sur 10 en France sont favorables à l'introduction de menus végétariens à l'école. Une mesure qui tient plus à la santé des enfants qu'à des raisons philosophiques, avec une incidence de l'excès de protéines animales sur l'obésité notamment.
La consommation d’une viande et d’un produit laitier chaque midi correspondrait chez les enfants de 3 à 11 ans à deux voire trois fois celle recommandée par l’ANSES, l'agence nationale de sécurité sanitaire et de l’alimentation.
En France, 70% des enfants mangent trop de viande par rapport à leurs besoins nutritionnels.
A la sortie de l'école dans laquelle nous avons réalisé notre reportage, les mamans se sont montré enthousiastes : "C’est logique que les enfants mangent un peu plus de légumes, à la maison, ils mangent assez de viande comme ça", nous a dit l'une d'elles. Pour cette autre : "C’est une bonne habitude pour les enfants, ils apprennent à manger sain".
Menus végétariens pour moins d'une ville sur dix
Aujourd'hui, à peine 9% des villes françaises servent un repas végétarien par semaine à la cantine. Outre Lille dans la région, Lambersart, Bondues, Wattrelos, Douai, Bruay-sur-l'Escaut, Trith-Saint-Léger et Grande-Synthe ont également sauté le pas.
La généralisation d'un menu sans viande hebdomadaire a été âprement débattu au printemps dernier, lors du projet de loi agriculture et alimentation. Le Ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot y était favorable. Contrairement à nombre de députés, y compris au sein de la majorité, au motif de ne pas vouloir « imposer un style de vie » aux concitoyens.
Les menus végétariens à la cantine ont été recalés au profit d'un autre objectif fixé dans la loi : au moins 50 % de produits issus de l’agriculture bio ou tenant compte de l’environnement dans la restauration collective publique d’ici à 2022.
Du progrès sur les produits bio et locaux
A Lille, sur ce terrain là, la ville affiche déjà plus de 20% de bio et 30 à 40% de produits locaux. La volaille, mais aussi les oeufs, le poisson frais ou encore certains fruits et légumes. "Cela correspond à une demande des parents. Notre objectif, c'est le plus possible", déclare Michel Ifri, conseiller municipal délégué à la restauration scolaire.
"Nous voudrions bien faire mieux, mais les filières ne sont pas encore assez structurées", poursuit-il. "Quand on a besoin de pommes, c'est 30 tonnes, d'endives, c'est 7 tonnes".
Lutter contre le gaspillage alimentaire
En introduisant un deuxième repas végétarien, la ville entend aussi réduire le gaspillage alimentaire. Toutes les denrées sont concernées, mais la viande paie un lourd tribut, avec parfois des plats entiers qui partent à la poubelle sans avoir été touchés.
Plusieurs mesures sont mises en place, comme l'implication des enfants dans l'élaboration des menus. Plusieurs classes lilloises ont déjà travaillé avec la diététicienne de la ville pour concevoir des repas.
Autre mesure, la ville prévoit d'introduire deux types de ramequins pour les entrées, un grand et un petit, pour que l'enfant puisse choisir en fonction de son appétit.
Enfin, des bacs à déchets transparents doivent être installés, afin que les écoliers puissent voir concrètement ce qui part à la poubelle.