Lille : Jean-Yves Moyart, le Maître Mô de la révolte des avocats

"Il n'y a que les petits hommes qui redoutent les petits écrits". L'avocat lillois Jean-Yves Moyart, alias Maître Mô, 48 ans, a fait sienne cette maxime acérée de Beaumarchais  pour faire sans complexe sur Twitter la chronique de la révolte des avocats.

Ses "petits écrits" à lui, de 140 signes, rassemblent plus de 28 000 abonnés sur le réseau social, et, sur un mode forcément plus fouillé sur son blog, plus de deux millions de visiteurs uniques depuis mars 2008. Une audience précieuse contre la réforme Taubira. "Me Moyart est un maillon indispensable du mouvement. Chaque information qu'il donne est lue dans le quart d'heure qui suit par 20.000 personnes", souligne Me Vincent Potié, son bâtonnier. 

"Ils expulsent les avocats du Palais! On va chercher un huissier": tweet après tweet mardi 20 octobre, Maître Mô, 23 ans de barreau, fait le compte-rendu scandalisé des évacuations musclées d'avocats par les CRS devant le Palais de justice. Six jours plus tard, ce sont les mots de Mô qui jaillissent en pleine Assemblée générale réunissant 500 avocats à Lille, de la bouche de Me Quentin Lebas qui cite un billet de blog les appelant à continuer le combat. Pourtant, dans son bureau où une multitude de figurines de BD, postées sur les étagères, paradent devant le visiteur, Me Moyart l'avoue: au départ, cette protestation sur l'aide juridictionnelle (AJ), il n'y croyait pas. "Par nature, les avocats sont assez individualistes. Les barreaux ne sont pas très liés, et nos instances représentatives sont loin de nous, très parisiennes", déplore-t-il de sa voix si grave qu'elle paraît d'outretombe. "Mais après l'intervention des policiers, les 55 000 avocats de France se sont levés comme un seul homme".


"Un vrai petit Etat communiste"

Même s'il n'est pas une star comme ses confrères du barreau Eric Dupond-Moretti et Franck Berton, Jean-Yves Moyart jouit d'une bonne réputation à Lille. "Il est une référence pour moi comme pour beaucoup à Lille", explique Me Lebas. "Il a toujours mis l'humain au devant. Quand il est en partie civile, il ne se substitue pas à l'avocat général, reste toujours mesuré; il en devient plus redoutable". "C'est un avocat de grand talent et de très haute technicité", renchérit Vincent Potié. A ses yeux, "il aurait pu avoir très vite un destin national comme d'aucuns à Lille, mais a continué à défendre d'abord et avant tout le petit, le sans-grade, le pauvre". L'AJ représente ainsi 50% de l'activité de Me Moyart, et... très peu de ses revenus. "Sur un dossier normal, je touche entre 1.000 et 2.000 euros. En AJ, je touche 200 euros. Là-dessus j'enlève 20% de TVA, 50% de charges, et je me retrouve donc avec 40 euros... avant impôts", décompte-t-il. "Je suis un vrai petit Etat communiste, dans mon cabinet ce sont les clients ayant les moyens qui paient pour ceux qui ne peuvent pas", enchaîne Mô, plein de la malice dont il fait preuve sur Twitter.

Son visage anguleux, encadré de deux oreilles légèrement décollées qu'il tourne lui-même en dérision, s'illumine d'un sourire aussi large qu'éphémère au gré de ces boutades qui lui sont naturelles. Un humour parfois noir qui lui vaut des réponses furieuses sur Twitter, comme lorsque, pendant le procès en septembre des parents du petit Bastien tué dans une machine à laver, il tweete qu'il y a eu "un programme linge délicat". Ce besoin de blaguer et les 4 000 BD qu'il possède représentent-ils un moyen d'exorciser les monstres côtoyés dans son métier, les nombreux délinquants sexuels qu'il a défendus? En 2003, au milieu d'une plaidoirie, un violeur et tueur d'enfants sanglote comme un petit garçon. "Je me suis arrêté et ai pleuré, les magistrats, les jurés, les policiers aussi. Sous le monstre perçait enfin l'humain". Interrompue ce jour-là, la plaidoirie sur le thème de l'humain et du monstre ne s'est jamais arrêtée pour Jean-Yves Moyart, qui l'a prolongée sur son blog. Il confie: "je voulais écrire pour défendre la population dont on dit: "Pendez-les par les couilles"".
Les avocats du Nord Pas-de-Calais poursuivent le mouvement
Malgré l'accord signé mercredi entre le ministère de la Justice et les avocats après presque trois semaines de grève, ceux du Nord Pas-de-Calais ont décidé de poursuivre leur mouvement. "Dans le Nord Pas-de-Calais, non seulement le mouvement se poursuit mais l'ensemble des bâtonniers sont tous unanimes", a déclaré sur notre antenne Guy Delomez, président de la Conférence Régionale des Bâtonniers. "J'annonce même que nous nous retrouverons à la Cour d'Appel de Douai le 3 novembre. L'ensemble des avocats du Nord Pas-de-Calais y sont conviés pour démonter la persistance de notre volonté et que le mouvement ne s'arrête nullement".  
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