Les équipes lilloises de l’Institut Pasteur ont identifié en laboratoire un médicament capable d’empêcher la réplication du coronavirus. L’étape suivante, les tests sur l’Homme, nécessite encore deux autorisations. Explication avec Xavier Nassif, le directeur de l'Institut.
C’est un précieux sésame que vient d’obtenir l’Institut Pasteur de Lille pour ses recherches cliniques contre le Covid-19 : le label priorité nationale de recherche. Ce label oblige les autorités à se prononcer pour ou contre les tests sur l’Homme sous 8 jours.
Que change l’obtention de ce label ?
X.N. : Faire un essai clinique nécessite des autorisations habituellement assez longues à obtenir. Avec ce label, l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) a huit jours pour nous donner sa réponse. Comme le conseil éthique que nous avons saisi. Et si tout va bien j’espère que l'on pourra commencer les essais d’ici la fin du mois d’avril ou au tout début mai : nous devrions savoir si le médicament marche ou pas contre le Covid-19 chez l’Homme, dans le courant de l’été.
Pourquoi s’être lancé sur la piste d’un antiviral pour combattre le Covid-19 ?
Nous avons la chance d’avoir une chimiothèque (une banque de données de molécules, ndlr) très importante sur le campus lillois. Au 1er janvier 2020, nous étions aussi une des très rares unités françaises à travailler sur les coronavirus. Cette expertise locale nous a permis d’identifier une molécule : le clofoctol (ou Octofène), un ancien médicament utilisé contre les rhinopharyngites, qui inhibe très bien la croissance du coronavirus in vitro.
Pourquoi un antiviral se révèlerait-il plus efficace qu’un vaccin contre le Covid-19 et ses variants ?
Les antiviraux n’affectent pas les mêmes composés du coronavirus que les vaccins. Ils sont insensibles aux variants parce qu’ils s’attaquent aux constituants fondamentaux qui permettent la réplication du virus. Eux ne varient pas, ou très peu. C’est ce qui nous motive dans nos recherches : l’antiviral aura toute son importance si ces vaccins deviennent inefficaces. Mais je ne sais pas si à terme existeront des souches virales qui pourraient être résistantes aux antiviraux.
Chez la souris, les antiviraux stoppent la réplication virale.
Qu’ont montré les essais sur les animaux ?
Chez la souris, les antiviraux stoppent la réplication virale. Mais chez les singes la pharmacocinétique ne fonctionne pas. C'est-à-dire qu’il est impossible de leur donner le médicament sous la forme qui va être donné à l'Homme (c'est un suppositoire, ndlr). Et leur infliger plusieurs intraveineuses par jour pour remplacer le traitement est impossible.
Comment se passeront les essais chez l’Homme ?
Il y aura des essais randomisés avec deux groupes de patients et un tirage au sort : les uns obtiendront le médicament avec le principe actif, les autres non. Les patients seront suivis pendant trois semaines pour un essai à double aveugle. On a besoin de 600 à 700 volontaires dans les Hauts-de-France pour réaliser ces essais.