Le lycée Averroès de Lille avait perdu son contrat le liant à l'État du fait d'enseignements "contraires aux valeurs de la République", selon l'ancien préfet du Nord. Une audience a eu lieu au tribunal administratif de Lille ce 11 juillet, réunissant près de 200 personnes. Le délibéré est attendu le 22 juillet prochain.
C'est un énième rebondissement dans l'affaire du contrat qui lie l'État au lycée musulman Averroès. En décembre dernier, l'établissement lillois perdait ce contrat suite à une décision de l'ancien préfet du Nord, considérant que les cours qui y sont dispensés sont contraires aux valeurs de la République.
Ce 11 juillet, une audience a eu lieu au tribunal administratif de Lille pour tenter de le récupérer. Enseignants, élèves, parents d'élèves... ils sont venus en nombre pour soutenir leur établissement.
Près de 200 personnes étaient sur place. Beaucoup d'entre elles, contraintes d'attendre dehors, faute de place dans la salle d'audience lilloise.
"Il n'y a rien à reprocher à l'établissement Averroès"
La préfecture accuse notamment l'établissement d’avoir refusé l'accès à son centre de documentation à un inspecteur et la présence d'un livre problématique en cours d'éthique musulmane.
À la sortie de l'audience, Me Guez Guez, l'avocat de l'établissement raconte : "aujourd'hui il était important de rappeler que contrairement à ce qu'explique la préfecture du Nord il n'y a rien à reprocher à l'établissement Averroès. On nous avait parlé de refus d'inspection du CDI, aujourd'hui le CDI est accessible sur internet. (...) Sur le cours d'éthique religieuse, aujourd'hui il a été complètement refondé."
Personne ne rougit quant à l'idée de soutenir cet établissement, accusé de tous les maux par la préfecture du Nord
Avocat de l'établissement scolaire
Il ajoute, "personne ne rougit quant à l'idée de soutenir cet établissement, accusé de tous les maux par la préfecture du Nord. Averroès est un établissement qui fonctionne. On est à plus de 90% de taux de réussite au baccalauréat pour cette année. On a des enseignants athées, la laïcité est respectée au sein de l'établissement."
Pour Eric Dufour, le directeur de l'établissement, si ces accusations laissent planer l'incertitude sur l'avenir du lycée, cela a tout de même "permis de rétablir un certain nombre de vérités concernant l'établissement."
Vers la fermeture de l'établissement ?
La fin du contrat d'association qui lie l'établissement à l'État est synonyme de fin des subventions. Le lycée perd son demi-million de subventions annuel, et la mise à disposition de professeurs titulaires. Les élèves devront également s'acquitter de frais d'inscription à 3000 € l'année.
Dans la crainte d'une baisse de revenus certains professeurs avaient déjà fait le choix de quitter l'établissement. Mais ce n'est pas le cas de Vincent Pieterarens, professeur d'Histoire-Géographie, qui dément les accusations portées au lycée musulman. "Le lycée Averroès ça fait 15 ans que j'y exerce. J'ai une liberté totale d'expression. Avec mes élèves je suis plutôt rentre-dedans. Les élèves sont des adolescents, ils ont aussi des convictions et des fonctionnements qui les éloignent parfois d'une forme de rationalité, on est là pour les recadrer."
Face à la possible augmentation des frais d'inscriptions, un certain nombre d'élèves risquent de quitter l'établissement. Au grand désarroi d'une des parents d'élèves, venue à l'audience. "Je suis très émue parce que c'est un lycée qui a toujours fait ses preuves, qui a donné de l'instruction, un cadre d'étude, une compréhension de la vie et un bel avenir à nos enfants. Il se trouve aujourd'hui sur le banc des accusés. J'ai vu l'expérience de mes enfants, ils ont été plus qu'épanouis."
Sa fille de 15 ans prépare sa rentrée en seconde dans l'établissement. S'il le faut, sa famille trouvera les moyens de financer sa scolarité bien que le retour d'un contrat soit tout de même "une garantie de l'État, une garantie que la laïcité et les valeurs de la République sont enseignées et sauvegardées au lycée Averroès."
En février, déjà, le lycée n'avait pas obtenu gain de cause face à la justice. Il avait donc pris la décision de saisir le conseil d'État.
Le premier lycée musulman de France à passer sous contrat
Le lycée Averroès, compte près de 400 élèves et a ouvert en 2003 avec le soutien de l'ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF, devenue Musulmans de France et issue du mouvement égyptien des Frères musulmans), dans la foulée de l'interdiction du voile dans les lieux scolaires.
Devenu en 2008 le premier lycée musulman à passer sous contrat, il se classe depuis régulièrement parmi les meilleurs de la région Hauts-de-France.
Quant au contrat qui le lie à l'État, la décision du tribunal administratif est attendue le 22 juillet prochain.
Avec AFP