Le préfet du Nord devrait rompre sous peu le contrat qui lie le lycée musulman lillois à l'État. Une décision que dénoncent le directeur de Sciences Po Lille, des élus nordistes de gauche et de droite, ou encore deux syndicats d'enseignement privé.

D'ici quelques jours, le plus grand lycée musulman privé de France devrait perdre ses financements publics. Le préfet du Nord souhaite rompre le contrat liant l'établissement Averroès à l'État pour des raisons de financements occultes et de prosélytisme religieux. La commission académique consultative avait donné son feu vert à l'issue d'une réunion lundi 27 novembre.

Une décision qui a été applaudie par le président des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, qui cherche depuis 2019 à couper, malgré plusieurs échecs en justice, les subventions régionales destinées au lycée nordiste, accueillant près de 400 élèves. Tout comme le député du Rassemblement national dans le Pas-de-Calais, Sébastien Chenu, qui évoquait lui "une belle victoire pour la laïcité et les valeurs de notre République", dans un message Twitter.

Soutien du directeur de Sciences Po

En dehors de la propre défense de l'association Averroès, portée par ses avocats et des membres de son personnel, les marques de soutien en faveur du lycée se sont faites rares après l'avis de la commission. Il aura fallu attendre plusieurs jours avant de voir des prises de parole dans les médias, de la part d'acteurs du milieu éducatif ou de figures politiques, pour alerter sur une décision jugée "inéquitable", "un deux poids deux mesures", "une faute", ou encore "une expertise impartiale".

"Il y a 60 % de boursiers à Averroès ! Chaque année, 30 à 40 de leurs élèves passent du temps chez nous, explique-t-il. Certains ont réussi notre concours et étudié à Sciences Po."

Pierre Mathiot, directeur de Sciences Po Lille

Interview dans le Parisien, le 1er décembre

À commencer par le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, qui déplore un choix "disproportionné" dans une interview donnée au Parisien, le 1er décembre. Il y rappelle que son école noue un partenariat depuis 14 ans avec le lycée musulman dans le cadre d’un programme d'ouverture sociale. "Il y a 60 % de boursiers à Averroès ! Chaque année, 30 à 40 de leurs élèves passent du temps chez nous, explique-t-il. Certains ont réussi notre concours et étudié à Sciences Po."

Pierre Mathiot érige l'établissement musulman comme un "formidable outil républicain". "Or si le retrait de l’agrément d’Averroès est acté, on condamne, à terme, un lycée avec 60 % de boursiers musulmans, dont les responsables eux-mêmes ont demandé à être sous le giron de l’État", déplore-t-il. "J’ai lu l’intégralité du dossier, je ne m’engage pas à la légère."

Des appuis à gauche et à droite

On note également les soutiens de politiques de gauche comme de droite. Il y a Jean-René Lecerf, ancien président du Départemental du Nord, et ex-sénateur UMP puis LR, qui fustige le choix du préfet. "Le lycée Averroès contribue de la fierté d’une communauté, de son insertion dans la ville, la métropole et la République, déclare à La Voix du Nord, daté du 1er décembre, celui qui est aussi le président du Conseil national de solidarité pour l’autonomie. On ne peut pas laisser faire."

"On ne peut pas laisser faire."

Jean-René Lecerf, ancien président (LR) du département du Nord

Interview dans la Voix du Nord, le 1er décembre

À gauche, Roger Vicot, député PS dans la 11e circonscription du Nord, celle du lycée Averroès, craint que la résiliation du contrat "nourrisse le sentiment de rejet et d’exclusion de la communauté musulmane."

Deux syndicats de l'enseignement privé

Deux syndicats, Sundep Solidaires-Sud de l’enseignement privé et CGT enseignement privé, ont aussi exprimé leur soutien publiquement. Sundep, dès le 13 novembre, accusait, dans une motion publiée sur son site internet, "la préfecture de mener une politique absurde : d’un côté elle dénonce un prétendu risque d’endoctrinement des élèves, d’un autre elle se propose de retirer le contrat d’association et donc les moyens de contrôler ce qui se passe dans l’établissement."

"Cela s’inscrit dans un contexte politique qui n’a de cesse de stigmatiser une religion, l’Islam."

CGT enseignement privé

La CGT, le 3 décembre, a formulé ses critiques dans un communiqué diffusé sur son site. "Nous ne sommes pas dupes sur les réelles motivations du conseil régional et du ministère, cela s’inscrit dans un contexte politique qui n’a de cesse de stigmatiser une religion, l’Islam, et vient officialiser encore une fois le glissement idéologique vers l’extrême droite dont nous combattons les idées nauséabondes", écrivent-ils.

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