Lillois depuis 2015, Arsene Sabanieev va partir en Ukraine pour exercer son métier d'anesthésiste-réanimateur dans un pays en guerre. Ce médecin, âgé de 32 ans, assure ne pas avoir le choix.
Jeudi 24 février, 4 heures du matin. Dans la ville d’Ivano-Frankivsk, à l’ouest de l’Ukraine, la nuit calme est transcendée par les premières détonations : la Russie vient d’envahir le pays.
Sur place, Arsène Sabanieev et sa compagne, en vacances, sont réveillés en sursaut par les sirènes qui retentissent. "Ça fait très peur, parce que la guerre au 21ème siècle en Europe, on ne s’y attend pas du tout. On n’est pas habitués à ça", explique-t-il aujourd’hui, de retour à Lille.
Né en Ukraine, le jeune homme âgé de 32 ans est arrivé en France il y a une vingtaine d’années avec sa mère. Après un passage par Toulouse pour y suivre des études de médecine, il s’est installé dans la capitale des Flandres en 2015, où il exerce le métier d'anesthésiste réanimateur. "Tant qu’on était en Ukraine, je ne me sentais pas en sécurité. Donc j’ai pris la décision de partir tout de suite, de ramener au foyer ma compagne qui est Française. J’ai pris les billets de train et on a traversé la frontière polonaise au plus vite". 40 heures plus tard, après avoir emprunté des trains, des bus et un avion de Cracovie jusque Charleroi, le couple regagne son domicile lillois dans la soirée du vendredi 25 février.
Départ pour l’Ukraine dans la semaine
Mais hors de question pour lui de reprendre sa vie ici. "C’est moralement impensable de continuer à faire ce que je fais en France, en sachant qu’aux portes de l’Europe, mon pays, mon peuple est en train d’être massacré par l’armée russe, c’est impossible".
Sa famille paternelle est en Ukraine, tout comme bon nombre de ses amis pour qui il s’inquiète heure après heure. "Ils sont directement en contact avec la ligne de front à Kiev, précise-t-il. Donc ils peuvent à tout moment être blessés, être amputés, décéder, se faire capturer".
Sa décision est donc prise : il va repartir en Ukraine pour aider ses compatriotes et faire ce qu’il sait faire de mieux : soigner. A-t-il peur ? "Oui". A-t-il le choix ? "Non", assure-t-il.
Une décision difficile à accepter pour sa compagne. "On vient de vivre deux jours assez complexes où je l’ai supplié de ne pas partir, raconte Elodie Olivier. Je comprends vraiment sa volonté d’y aller en étant Ukrainien, mais il a sa vie en France... C’est très compliqué de laisser partir son conjoint en situation de guerre".
Les Ukrainiens auront beaucoup plus besoin de lui là-bas que nous ici.
Elodie Olivier, compagne d'Arsene Sabanieev
Mais face à sa détermination, elle s’est résignée et parle aujourd'hui de fierté. "Quand il sera parti, je n’ose même pas imaginer comment ça va se passer, parce que c’est impossible de continuer à vivre normalement en sachant qu’il est là-bas. Mais les Ukrainiens auront beaucoup plus besoin de lui là-bas que nous ici".
"Nous devons agir et ne pas rester les bras croisés"
Alors que des mobilisations de soutien au peuple Ukrainien ont lieu partout en France, dont plusieurs dans la région, Arsène Sabanieev affirme qu'il faut aller plus loin. "Les manifestations montrent que nous ne sommes pas seuls. Je sais que les soldats qui sont au front regardent les soutiens occidentaux et ça leur donne du baume au cœur, c’est très bien. Mais ça ne suffit pas. Et l’étape au-dessus, c’est l’action", résume-t-il.
Avant son départ prévu dans la semaine, le médecin lillois va solliciter les hôpitaux dans lesquels il exerce pour récupérer le maximum de matériel médical. "Il faut du matériel d’anesthésie et de réanimation de base, par exemple des sondes d’intubation, des drogues anesthésiantes, des antalgiques, liste le médecin. Mais il faut également du matériel d’urgence un peu plus lourd comme par exemple des garrots hémostatiques, des civières, des respirateurs portables, des appareils de radiographie".
Et au-delà des besoins matériels, Arsène Sabanieev en appelle également à tous les volontaires. "Le but c’est de partir avec le maximum de personnes qui souhaitent défendre la liberté du peuple ukrainien. Il faut cependant comprendre qu’aller là-bas, c’est une zone de guerre. Ce n’est pas une mission humanitaire, c’est dangereux". Une cinquantaine de personnes l’ont déjà sollicité pour l’accompagner. "Je lance un appel à l’action des Français, de la diaspora ukrainienne en France, conclut-il. Nous devons agir et ne pas rester les bras croisés".