Que deviennent les 42 réfugiés de l’Aquarius accueillis à Lille ?

Leur errance  à bord de l’Aquarius avait fait les titres de l’actualité en juin dernier. Parmi les 629 migrants secourus par le bateau humanitaire, Lille s’était proposé d’en accueillir 42. Originaires du Soudan, ils construisent leur vie pas à pas, dans la capitale des Flandres.
 

Abdelrassoul s’active à la plonge, dans un restaurant du Vieux Lille. ll a décroché un CDI à mi-temps, deux mois seulement après son arrivée en France.

Ce jeune Soudanais de 23 ans est l’un des 42 réfugiés de l’Aquarius accueillis à Lille depuis la mi-juillet.

Son patron l'a recruté lui, et un autre réfugié. Leur français encore hésitant n'est pas un obstacle.

"Ça se passe super bien, ils sont au top, ils se donnent, ils ont envie, ils sont super 'corporate', c'est un bon recrutement", s’enthousiasme Jean-Sébastien Brisebard, restaurateur.

L’homme est généreux, et engagé. Lorsqu’en juillet, la ville de Lille a lancé une collecte pour ces réfugiés venus d’Afrique, il a immédiatement relayé l’appel, et a lui-même fourni de nombreux repas. Il ne s’est pas arrêté là.

"On est dans des métiers, au-delà de la restauration, qui ont du mal à recruter. Il faut leur donner leur chance. Les migrants sont des gens qui viennent pour bosser pas pour vivre sur le dos de l'Etat."
 

Des réfugiés accueillis dans une ancienne maison de retraite


De l’histoire d’Abdelrassoul et de ce qui l'a poussé à fuir son pays natal, le Soudan, nous ne saurons rien. Le jeune homme n'a pas souhaité évoquer le passé avec nous, comme la plupart des 42 réfugiés de l'Aquarius accueillis à Lille.

Depuis leur arrivée en juillet dernier, ils vivent dans une ancienne maison de retraite prêtée par la ville. Elle avait déjà abrité des réfugiés syriens, à qui la ville avait déjà tendu la main, en 2015.

Mustafa a accepté de s’ouvrir à nous. Il a fui le Soudan seul, à l'âge de 15 ans. Après un camp de réfugiés en Egypte où il est resté deux ans, il a poursuivi sa route en Libye.

Un an plus tard, il est monté sur un bateau pneumatique pour l'Europe, avec 126 autres personnes à bord.
 

Naufragés en mer Méditerranée


"Nous sommes partis en mer pendant 24 heures", raconte-t-il.  "Puis l’eau a commencé à pénétrer dans le bateau. La situation devenait très compliquée pour nous et heureusement, les secours de l'Aquarius sont arrivés".

Mustafa nous montre une photo. On le voit au milieu de ses autres compagnons d’infortune, un sourire éclatant aux lèvres. La joie d'avoir été sauvés.

Il poursuit son récit. "Nous avons rencontré d'autres petits bateaux dans la mer. Ils étaient dans une situation encore pire que la nôtre. Quand les secours sont arrivés, quatre personnes étaient déjà mortes".

En tout, le bateau humanitaire va secourir 629 migrants, à bord de six canots en détresse. Mais l'Italie, puis Malte, refusent de les laisser accoster.


Le rejet des pays européens


"Quand ils nous ont informés que l'Italie ne voulait pas de nous, on a commencé à avoir peur. On pensait qu'on allait être renvoyés en Libye, parce qu'aucun pays d'Europe ne voulait nous recevoir".

C'est finalement l'Espagne qui porte secours aux naufragés en errance. Débarqués à Valence, ils attendront encore un mois. Le temps que l'Europe se déchire, que certains de ses membres se barricadent, que d’autres finissent par accepter d’entrouvrir leur frontière.

 

78 réfugiés de l’Aquarius accueillis en France


La France ouvre ses portes à 78 migrants de l’Aquarius. Martine Aubry, la maire de Lille, se porte candidate pour accueillir la moitié d’entre eux. Mi-juillet, 42 jeunes Soudanais débarquent dans la capitale des Flandres.

Trois semaines après, ils célèbrent en mairie l'obtention de leur statut de réfugié. Un traitement exceptionnellement rapide lié au fait que les services de l’OFII (l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration) ont déjà examiné leur situation à Valence en Espagne et se sont assuré que tous pouvaient prétendre à la protection de la France, dans le cadre de la Convention de Genève.
 
► Reportage M. Schelcher, S. Gurak, L. Pelé, F. Duhem 
 

Leur priorité : apprendre le français


Abdelrassoul, Mustafa, Amin et les autres consacrent aujourd’hui toute leur énergie à l’apprentissage du français. Six heures par jour, quatre jours par semaine, ils suivent des cours intensifs.

Au Soudan, ils parlaient le dialecte de leur ethnie et l'arabe, la langue officielle. Avec le français, tout est nouveau, même l'alphabet.
Ce jour-là, ils apprennent à décrypter un billet de train avec leur professeur de FLE (Français Langue Etrangère). L’apprentissage de la langue se fait par le biais de choses très pratiques, très concrètes. 

"L'idée, c'est de les aider à se débrouiller dans les situations classiques de la vie de tous les jours", explique Titouan Andritsos, leur formateur. "S'ils ne savent pas lire l'alphabet, ils ne vont pas savoir lire une indication sur un panneau , et ne vont pas tout simplement pouvoir sortir de chez eux".

"Le Français c'est difficile. Mais ça va, ça va maintenant", sourit Abdessalam. Il cherche soigneusement ses mots, hésite, et se donne tout le mal du monde pour y arriver.

Tous s'accrochent. Le français, c'est leur tremplin pour se reconstruire dans ce nouveau pays qui leur a accordé sa protection.

"Dans mon pays, il y a la guerre, il n'y a aucune stabilité", nous raconte Amin. "C'est important pour moi d'avoir trouvé la paix. Un endroit où vivre en paix."


Préparer l’avenir


Désormais en sécurité, les réfugiés de l'Aquarius commencent à envisager l'avenir. Certains se voient boucher, d'autres cariste, mécanicien ou pharmacien. Ils sont inscrits à la mission locale de leur quartier. 

Comme avec La Sauvegarde du Nord, l'association qui leur vient en aide, travailleurs sociaux et bénévoles s'activent pour les mettre sur les rails.

"On a un taux de présence de 100% sur les cours de français, c'est l'un des objectifs. Le respect des règles de vie commune ne pose aucun souci, tout s'organise très bien. Certains travaillent déjà, d'autres veulent travailler très vite, d'autres encore souhaitent faire des études.  Il y a une vraie demande d'intégration sociale dans la société française", résume Martin David Brochen, directeur du pôle inclusion à La Sauvegarde.

L'aide de l'association est prévue pour un an. A l'été prochain, ces 42 réfugiés de l'Aquarius devront continuer à faire leur place dans cette ville de Lille qui leur a ouvert ses bras.
 
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