Retraites : la procureure de Lille convoquée devant le tribunal pour de possibles fichages de manifestants

La justice doit étudier, lundi 15 mai, deux requêtes en référé contre d'éventuels fichiers de gardés à vue, créés par le parquet de Lille. Cela fait suite à une enquête de Mediapart, qui révèle un possible recensement de données personnelles de manifestants contre la réforme des retraites.

Avoir permis la rédaction de tableaux Excel avec les noms, prénoms, les dates de naissance et les suites pénales données de gardé à vue pendant les mobilisations contre la réforme des retraites. Voilà ce qui est reproché au parquet de Lille, qui devra s'en expliquer devant le tribunal administratif, lundi 15 mai, à partir de 10h30.

Cela fait suite aux procédures de recours - deux requêtes en référé-liberté - rédigée, pour l'une par l'Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) et le Syndicat des avocats de France, pour l'autre par la Ligue des droits de l'homme (LDH).

Des fichiers "clandestins"

Ces défenseurs des droits accusent, sur la base des informations révélées par Médiapart vendredi 5 mai, la procureure de Lille, Carole Etienne, et le ministère de la Justice d'avoir permis de recenser des données personnelles de manifestants interpellés lors des mouvements sociaux contre la réforme des retraites. "ainsi que les suites pénales données".

Ces fichiers non déclarés aux autorités compétentes devaient "ensuite être transmis au parquet général de la cour d'appel", affirme le média d'investigation.

Dans la première requête, les associations estiment qu'une telle pratique "au sein du parquet de Lille" porte atteinte aux "libertés fondamentales de manifester, aller et venir ainsi qu'au droit à la vie privée". Elles demandent au tribunal de "mettre fin" à ces "atteintes graves et manifestement illégales".

Pour ce genre de fichier sensible, il faut normalement un décret ou un arrêté pour fixer un cadre légal.

Me Marion Ogier, avocate de la Ligue des droits de l'Homme

Il s'agit "d'un fichier clandestin qui n'a jamais été autorisé", a avancé Me Marion Ogier, avocate de la Ligue des droits de l'Homme. "Il n'y a aucun cadre légal et aucune garantie", a-t-elle dénoncé. 

"Pour ce genre de fichiers police-justice, avec des données plus ou moins sensibles, il faut normalement un arreté du ministre ou bien un décret du Premier inistre, ajoute l'avocate. Cela permet de poser un cadre ayant pour objet de délimiter une durée de conservation, de dire connaître les personnes qui peuvent accéder à ces fichiers et de fixer les droits des intéressés, entre autres."

Aucun arrêté ou décret n'ont été publié. Et pour cause, le ministère de la Justice, intérrogé par Médiapart, avait reconnu seuelement "des initiatives locales" avaient "pu conduire à mettre en place des outils dédiés permettant de suivre et traiter les procédures", sans évoquer formellement des "fichiers".

"Au lieu de créer des fichiers, le parquet devrait..."

Ces recours déposés par les associations surviennent dans le cadre d'une contestation plus large envers le maintien de l'ordre et les procédures judiciaires au cours des mouvements sociaux contre la réforme des retraites. Plusieurs associations, ainsi que la Défenseure des droits, ont alerté sur les interpellations préventives lors de ces mobilisations.

Le syndicat des avocats (SAF), requérant dans cette affaire des fichiers de données personnels, recadre l'instance de justice sur Twitter: "au lieu de créer des fichiers, le rôle du parquet devrait se déplacer immédiatement dans les commissariats pour vérifier les procédures [...]."

Selon Médiapart, un autre parquet serait aussi auteur de pratiques similaires.

Contacté, le parquet de Lille n'a pas donné suite à nos sollicitations.

Lundi 15 mai, des membres de la section lilloise de la LDH seront présents devant le tribunal administratif de Lille.

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