Alors que plus d’un Lillois sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, la ville a présenté son premier plan de lutte contre les exclusions. Des moyens humains plus que de l’argent, assure la ville.
C’est un chiffre qui illustre à lui seul la grande précarité qui touche les habitants de la capitale des Flandres. 26% des habitants de Lille, Hellemmes et Lomme vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 966 euros par mois. C’est 10 points de plus que la moyenne nationale qui s’élève à 14,6%.
Autre donnée édifiante : la moitié des Lillois a un niveau de vie inférieur à 1632 euros. Soit 200 euros de moins que la moyenne nationale, 400 euros de moins que la moyenne à Nantes et 750 euros de moins que le revenu disponible moyen des Parisiens.
Un constat qui ne date pas d’hier, précise Arnaud Deslandes, deuxième adjoint de la ville de Lille en charge des Solidarités. Des chiffres élevés, concède-t-il, mais assumés. "Il y a certes de nombreux ménages en situation de pauvreté monétaire, (mais) c’est le fruit d’une politique assumée de garder les catégories populaires dans la Ville, avec une forte politique d’accès au logement social", indique l’élu.
Néanmoins, la crise sanitaire suivie de la crise économique et sociale à laquelle il faut ajouter l’inflation galopante a créé de nouvelles formes de pauvreté, d’exclusion et de misère. "Ce sont par exemple des personnes qui se pensaient préservées jusque maintenant et qui se retrouvent dans les files d’attente des distributions alimentaires aujourd’hui", illustre l'adjoint de Martine Aubry. Preuve en est avec l’augmentation de la précarité alimentaire constatée par les Restos du cœur à Lille : entre l’été 2021 et l’été 2022, le nombre de repas distribués par l’association dans la ville a augmenté de 20%.
Premier plan lillois de lutte contre les exclusions
Face à ce constat, la ville a présenté ce mercredi 1er février 2023 son plan de lutte contre les exclusions. Rendez-vous a été fixé dans la Cuisine Commune, un tiers-lieu alimentaire ouvert dans le quartier de Fives et mis à disposition des associations pour cuisiner ensemble. L’année dernière, plus de 3 400 Lillois ont participé à des ateliers de cuisine et de lien social dans les locaux flambant neufs.
"Voilà un exemple de ce qui fonctionne", sourit Arnaud Deslandes. L’élu est venu présenter le fruit d’une année de travail, en lien avec les associations (Restos du Cœur, ABEJ, petits frères des pauvres etc.), les institutions (CAF, CCAS, département etc.) et les habitants pour mettre au point le tout premier plan lillois de lutte contre les exclusions.
50 mesures "concrètes" et "validées par les premiers concernés" vont ainsi rapidement voir le jour. Parmi celles-ci, la création de 200 places d’hébergement d’urgence supplémentaires pour les personnes sans-abris, de nouvelles aides pour les familles monoparentales ou encore l’ouverture d’une maison des Solidarités. L’objectif affiché est clair : contribuer, à l’échelle de la ville, "à améliorer le sort quotidien des plus fragiles d’entre nous et de ceux qui sont confrontés à une crise d’une ampleur jamais vue", résume Arnaud Deslandes.
Lutte contre le sans-abrisme
Premier public visé par ce plan : les sans-abris. Ils seraient 3 000 dans la métropole lilloise, dont plus de la moitié dans les rues de Lille. Un chiffre en augmentation depuis la crise sanitaire, indique la mairie. "La question des sans-abris se pose de manière plus aigüe à Lille parce qu’ils ont trouvé à Lille, au moment de la crise sanitaire, des lieux d’hébergement et des lieux pour accéder à des distributions alimentaires", explique Arnaud Deslandes.
Alors que la ville compte 2 350 places d’hébergement d’urgence, soit un quart des places disponibles dans le département du Nord, la mairie a annoncé la création de 200 places d’hébergement d’urgence pérennes supplémentaires dans les prochains mois. Coût de la mesure : environ 500 000 euros. "Nous rechercherons des co-financements, notamment auprès de l’État puisque c’est sa compétence première", précise Arnaud Deslandes.
Outre cette annonce, des casiers sécurisés vont être installés pour permettre aux sans-abris de stocker leurs affaires dans plusieurs lieux de la ville. L’accès aux soins vétérinaires pour les plus précaires va également être développé, afin de permettre aux chiens qui accompagnent les personnes à la rue d’être identifiés, correctement soignés, stérilisés et vaccinés. Au-delà de l’accueil organisé rue des Postes, de nouveaux lieux servant des repas chauds vont être ouverts en lien avec les associations.
La question de l’accès aux droits et aux services publics
Autre annonce, "sans doute l’une des plus importantes" avance l’élu, concerne l’accès "solide, complet, physique" aux services publics. "Aujourd’hui, les services publics sont devenus inaccessibles avec la dématérialisation des procédures, explique Arnaud Deslandes. Or, plus vous êtes en situation de précarité, plus vous avez besoin des services publics".
Selon le dernier rapport de la défenseure des droits, la dématérialisation de la CAF, de l’assurance maladie ou des impôts pousse une personne sur trois à stopper ses démarches en ligne. Pour y remédier, la ville compte ouvrir une troisième maison France Services avec l’aide de l’Etat en plus de celles existantes à Bois Blanc et à Faubourg de Béthune pour permettre un "accueil physique inconditionnel dans les services publics lillois". Parallèlement, des formations vont être mises en place pour intensifier la lutte contre la fracture numérique et permettre aux séniors d’utiliser les outils informatiques.
Enfin, la ville compte lutter contre le non-recours de façon massive. En moyenne, 30% des Français qui ont droit à une aide n’en bénéficient pas. La ville va donc lancer une expérimentation territoire zéro non-recours "pour s’assurer que les personnes qui ont droit au RSA, à la prime d’activité ou aux APL puisse les recevoir automatiquement",
Soutenir le pouvoir d’achat des Lillois
Autre pilier du plan de lutte contre les exclusions : soutenir les plus modestes dans le contexte inflationniste actuel. Alors que le coût de l’électricité augmente de 15% ce mercredi 1er février 2023, la ville de Lille réfléchit à mettre en place un dispositif d’achat groupé d’énergie. Impossible pour le moment car "les conditions ne le permettent pas", précise l’élu, évoquant notamment la guerre en Ukraine.
Parmi les actions listées, la ville s’apprête à proposer une assurance habitation à prix contenu. Obligatoire pour tous les locataires sous peine d’expulsion, elle représente une part non-négligeable du budget des ménages. Le concept est simple : un appel à manifestation va être lancé par la municipalité pour "proposer une offre d’assurance habitation adaptée au pouvoir d’achat des ménages les plus modestes".
Parmi les 50 actions enfin, la ville s’engage à rendre plus accessibles les produits d’hygiène menstruelle pour les femmes aux revenus modestes qui ont des difficultés à s’en procurer. Une ressourcerie solidaire va ouvrir ses portes pour faciliter le réemploi d’objets et de vêtements revendus à petit prix.