Témoignage. Lille : une femme frappée dans son quartier de Moulins dénonce l'insécurité et lance un appel aux autorités

Publié le Mis à jour le Écrit par TM avec MV

Une mère de famille qui souffre d'une double fracture à la mâchoire après avoir été frappée samedi soir près de chez elle à Lille-Moulins, dénonce l'abandon de ce quartier "de deal" par la police et les politiques urbaines, et en appelle publiquement à une réaction forte des autorités.

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Laura*, une habitante du quartier de Lille-Moulins, attend de se faire opérer de la mâchoire, doublement fracturée par un coup qu'elle a reçu au visage samedi soir devant chez elle par un jeune homme.

"Je me suis fait taper, agresser par un dealer parce que j’ai haussé le ton, suite à des provocations. J’ai la mâchoire cassée en deux, je vais avoir des plaques dans la mâchoire", rapporte publiquement dans une vidéo cette comédienne et chanteuse de métier, dont le visage est tuméfié et enflé.

C'est près de son domicile, à Lille, que cette femme de 43 ans a été agressée le 18 juillet vers 22h30, pour avoir "haussé le ton" suite à des provocations et insultes orales proférées à son égard par des jeunes dans son quartier de Moulins, où elle vit depuis une dizaine d'années.

Laura a déposé plainte, et un médecin légiste lui a reconnu un mois d'ITT (interruption temporaire de travail).

Police et mairie interpellées

Dans sa vidéo, titrée "Appel aux autorités lilloises", la quadrégénaire interpelle directement Martine Aubry, maire de Lille, et la préfecture de police, leur demandant d'opposer une réaction forte aux dealers omniprésents à Moulins. 

"Martine Aubry, est-ce que vous pourriez prendre la mesure de la gravité de la situation dans le quartier de Lille-Moulins, depuis la Porte d’Arras jusqu’à la Porte de Valenciennes en passant par la Porte de Douai ?, requiert-elle. Etes-vous capable de prendre des décisions importantes au regard de ces quartiers ?".

"Je vis dans une zone de non-droit, c’est-à-dire une zone dans laquelle une mafia gouverne, décide, agit, insulte, salit, provoque, harcèle au quotidien", adresse-t-elle par ailleurs aux forces de l'ordre.

Situation dégradée depuis le déconfinement

En dix années de résidence à Lille-Moulins, c'est la première fois que Laura s'y fait agresser. Les trafics de stupéfiants, de notorité publique depuis longtemps dans ce quartier, se sont, selon elle, intensifiés depuis le début du déconfinement, ayant pour conséquence une tension plus vive dans les rues.

"Le confinement a mis un sacré coup aux dealers qui sont affaiblis, et redoublent aujourd’hui de présence pour faire de l'argent 24h/24", estime-t-elle. Alors qu'auparavant, ils ne "faisaient pas beaucoup de bruit", dit la mère de famille, qui reconnaît qu'il existait une relative paix "tacite" entre dealers et habitants du secteur.

Lors d'un reportage que nous avions réalisé à Moulins en 2017 après le démantèlement d'un réseau de trafiquants de drogue, une habitante témoignait pourtant déjà du climat qui y régnait. 
Quelque mois plus tôt, un homme avait été tué par balles dans ce même quartier, rue Alfred Naquet, près de la Porte de Valenciennes. Au mois de mars de la même année, une dizaine de coups de feu avaient fait trois blessés dans un règlement de comptes, cette fois près de la Porte d'Arras. La maire de Lille Martine Aubry avait obtenu le renfort de 120 CRS dans le quartier à la suite de cette dernière fusillade.

"Repeupler le quartier"

"Mon agression n'est qu’un tout petit symptôme de ce problème de fond qui concerne la sécurité", relativise Laura. "Il faut que ce quartier soit repeuplé et les commerces soutenus pour le faire revivre... Inverser la tendance pour dresser un contre-pouvoir à sa paupérisation et à la terreur de ces mafias puissantes", réclame-t-elle. Organisations qui s'attellent quotiennement à leurs trafics "en toute impunité".

"Besoin de richesse sociale et culturelle"

Selon cette habitante, les riverains seraient même presque en infériorité numérique par rapport aux dealers dans certaines rues. "Ils sont nombreux, et font la terreur partout ! Tout le monde a peur de s’interposer… Il est important de réhabiliter toutes les habitations vétustes, notamment rue de Mulhouse et rue de Trévise".

Notamment deux maisons délabrées situées dans la rue de Mulhouse, rachetées par l'université de Lille pour un projet d'extension. Projet semble-t-il tombé aux oubliettes, délaissant ces deux habitations aux squatts et trafics en tous genres, "dérangés par personne"."Le secteur de la Filature est très bien conçu pour les dealers, avec un grand nombre de sorties", remarque Laura, qui n'épargne pas non plus Lille Métropole Habitat (LMH), bailleur social de plusieurs blocs à Moulins. 

"J’ai le sentiment que LMH offre le gîte et le couvert aux trafiquants. Ils passent du bloc 5 au bloc 1. Il y a carrément des guichets de drogues et des dealers dans les entrées, les gens sont obligés de courber l’échine", rapporte Laura, qui appelle de ses voeux à un "projet urbain à enjeu très fort" pour retrouver plus de mixité sociale dans le quartier.

"Je souhaite que toutes les composantes de ces problèmes - police, citoyens, commerces, municipalité, propriétaires immobiliers et préfecture - se bougent rapidement, et conjointement", espère-t-elle.

La quadragénaire aurait été contactée par Martine Aubry, indique le service de presse de la mairie de Lille.

L'auteur présumé de l'agression commise samedi soir a été interpellé dimanche, et devait être jugé en comparution immédiate ce mardi. L'affaire a été renvoyée à fin septembre et le suspect a été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de séjour dans le quartier de la Filature.*Le prénom a été modifié.
 
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