Comment vivre avec une addiction aux drogues dures ? Comment se faire aider ? Comment se raconter ? Témoignages de celles et ceux qui ont un jour croisé la drogue et qui luttent pour en sortir avec l’aide de professionnels et d'associations.
Pablo nous raconte assis sur un bout de trottoir à Lille qu'il est tombé dedans par amour, "à cause d'une femme". Elle lui a montré le chemin du mal qui le ronge, "la cocaïne et l'héroïne pour la descente, c'est 130 euros par jour au total", explique Pablo alors qu'il semble lui-même avoir du mal à y croire. Aujourd'hui, il squatte chez un copain, compagnon de fortune : "j'empiète sur son intimité mais c'est un gars sympa."
L'appartement ne compte qu'un lit, Pablo dort à moitié parterre. Né à Roubaix, Pablo volait déjà de ses propres ailes à 13 ans, mis dehors par son père.
Dans ma vie, j’aurais jamais pensé me retrouver dans cette situation… Même mes enfants ils ne savent pas et je pourrai jamais leur dire"
PabloFrance 3 Hauts-de-France
Une "salle de shoot", c'est d'abord pour accompagner
Accompagner sans juger, c'était l'ambition de la salle de consommation qui aurait dû ouvrir à Lille en octobre 2021. Mais le gouvernement n'a pas donné son aval pour faire un pas vers les usagers de drogue avec ce lieu d'injection adossé au centre d'addictologie du C.H.U. de Lille.
Selon le gouvernement, l'implantation d'une salle de shoot, boulevard de Metz, pourrait porter préjudice au bon déploiement de l'opération "Quartier témoin" portée par le ministère de l'Intérieur à Lille.
Pourtant, deux salles de consommation à moindre risque (souvent appelées "salles de shoot" notamment par leurs détracteurs) existent déjà en France, à Strasbourg et à Paris, avec des résultats positifs qui ont été relevés dans un rapport de l'Inserm : 69 % d'overdose en moins et trois fois moins de seringues ramassées dans l'espace public.
L'absence de salle est mal vécue par les personnes en proie à l'addiction aux drogues. Pour autant, les usagers peuvent compter sur un soutien moral et administratif de la part des associations et des professionnels de santé et aussi de distribution de matériel, comme des seringues ou des pipes à crack.
"On doit se cacher dans les escaliers ou dans le métro"
Pablo, consommateur de drogues, à Lille
A la question si une salle dédiée aux usagers de drogues serait une bonne chose, Pablo consommateur répond : "L'intimité, déjà. Au moins le garrot. On parlait de ceux qui se shootent. Au moins, le garrot, il est bien fait. Si c'est mal fait, eh bien le cœur, après, il lâche. Et ça, je l'ai vu de mes yeux, et plusieurs fois."
Une aidante au sein du Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie (CSAPA), à Tourcoing, décrit la situation : "On ne distribue en aucun cas du produit, les personnes ne peuvent pas consommer dans l'enceinte de la structure. On part du principe qu'en fait, la personne, si elle souhaite consommer, elle va consommer. Donc, autant qu'elle le fasse en prenant soin de sa santé et de celle des autres. C'est aussi une question de santé publique. Plutôt qu'elle utilise du matériel usagé et qu'elle mette en péril une ou plusieurs personnes."
Pour le Docteur Arnaud Muyssen, médecin addictologue au Centre hospitalier d’Hazebrouck, les HSA (haltes soins addictions) ont prouvé leur utilité, dans la prévention des risques mais aussi pour redonner du lien. "Ça ne réglera pas tout, mais c'est un outil et un outil important pour les plus démunis. Ça leur permet de reprendre contact avec une équipe de soins. Pouvoir être là s'il y a une overdose, éviter qu'ils ne meurent dans la rue. Parce que, en clair, on en est là."
D'être toxicomane, intraveineux, de rue, ce n'est jamais un projet de vie. Les gens sont arrivés là par une cascade d'événements traumatisants. Les abus sexuels sont très fréquents, la maltraitance intrafamiliale aussi, qui fait que voilà, on se trouve avec des jeunes qui se retrouvent dehors
Dr Arnaud Muyssen, addictologue à Hazebrouck
Ne pas laisser de côté, quitte à se déplacer autour de Lens. C'est ce qu'ont choisi de faire au quotidien ces professionnels en addictologie.
Est-ce que ça se soigne ? "Techniquement, non. Puisqu'on reste toujours dans une maladie chronique, donc qui sera toujours présente, qui peut être équilibrée, qui peut être, pour celles substituées, parfaitement substituées, auquel cas on mène une existence normale avec une espérance de vie normale, mais avec toujours un risque de rechute qui est présent."
"J'ai envie qu'on comprenne que l'alcool, c'est comme l'héroïne ou la cocaïne, c'est une drogue très dure à s'en sortir. Et comme je vous le dis, ça fait 30 ans que je consomme, à peu près. C'est très difficile, très difficile."
Michel, à Tourcoing
Salariée de l'association CèdrAgir, Maryvonne a elle-même connu l'addiction. "Ça fait comme un modèle. Ils se disent : ben tiens, toi t'as réussi, tu parais bien aujourd'hui. Tu as été comme nous, donc moi aussi je peux aller mieux. J'arrive à faire la gestion des consommations et je pense que ça peut aider des gens qui ont fait dix cures, vingt cures, qui disent : "c'est bon, j'en ai fait vingt, je ne m'en sors pas, je suis foutu". Ben non, il y a encore autre chose, il y a encore des possibilités. Donner de l'espoir, en fait."
Contacts pour trouver de l'aide à Lille
CSAPA (Centre de Soins d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie)
https://www.chu-lille.fr/services/centre-de-soins-daccompagnement-et-de-prevention-en-addictologie-csapa
Association Le Pari (Lille)
https://www.lepari.fr/
https://www.facebook.com/Lepari.fr/
Pôle d’addictologie de l'EPSM de l'agglomération lilloise
https://www.epsm-al.fr/article/pole-daddictologie
"Drogue, les Hauts-de-France au cœur des enjeux"
>>>> Des témoignages à retrouver en longueur et en immersion dans le magazine Enquêtes de région à voir en replay sur france.tv.
Les Hauts-de-France, par la taille de la population mais aussi par son positionnement géographique au cœur de l'Europe, n'échappent pas aux problématiques liées aux drogues. Comme partout, les drogues font régulièrement la Une de l'actualité dans notre région. Derrière les débats politiques, les faits-divers ou les décisions de justice, se cachent des enjeux très profonds qui impactent l'ensemble de notre société.
Avec Marie-Noelle Grimaldi