De Steven Ramon à la famille Marot en passant par Benjamin Bajeux, les plus grands chefs ne jurent que par lui pour entretenir leurs couteaux. Jean Linero est, depuis 2014, le seul rémouleur itinérant de la métropole lilloise ; un passionné, très attaché à ce métier en voie de disparition. Article publié un première fois le 2 novembre.
Jean Linero est rémouleur itinérant depuis 2014, c'est même le seul de la métropole lilloise. En quoi consiste son métier ? L'explication est dans le nom. " Le mot rémouleur vient du verbe émoudre, explique-t-il, qui signifie aiguiser sur une meule. Quand on doit le faire à nouveau, donc ré-émoudre, c'est le travail du rémouleur."
" On s'occupe de toutes les lames, détaille Jean, aussi bien de couteaux que de ciseaux, de lames de mandolines, de rasoirs, ou de tondeuses à gazon."
Restaurants - " quasiment tous ceux de la métropole lilloise" - cuisines de la préfecture du Nord, boucheries, salons de coiffure ou de toilettage, entreprises de jardinages, de couture, charpentiers, menuisiers, la clientèle de Jean Linero est avant tout professionnelle.
Originaire de Willems (Nord), Jean exerce depuis huit ans comme rémouleur et affûteur itinérant dans la métropole lilloise, qu'il sillonne avec sa camionnette équipée, même s'il a des clients historiques dans tous les Hauts-de-France et notamment sur la Côte d'Opale.
" J'ai appelé mon entreprise L'âme du rémouleur , sourit-il, je préfère ce mot à "affûteur", car je suis attaché son côté ancien."
Démonstration de rémoulage
Pour l'émission Vous êtes formidables, Jean a littéralement démonté son atelier d'affûtage mobile ! Lors de sa démonstration, il nous prouve que le couteau-test ne coupe plus en le passant sur sa main, puis attaque son affûtage.
D'abord, à la meule sèche pour dégrossir le travail et préparer le taillant. " Ça permet de gagner du temps, plutôt que de tout faire à la meule à eau. C'est important quand je me déplace chez un professionnel, il faut que ça aille vite."
Quand il sent " le fil arriver", Jean passe à la meule à eau, pour fabriquer l'angle et créer un morfil d'à peu près 20 degrés. Il finit par la meule en feutre, avec de la pâte à polir. " J'enlève la bavure de métal sur la crête. Quand j'ai effacé le morfil, il ne reste plus que le fil."
Opération réussie : le couteau coupe parfaitement et Jean le prouve... Plus sur sa main, évidemment, mais sur une feuille de papier !
Fier d'être rémouleur
Jean Linero a conscience d'exercer un métier en voie de disparition et c'est ce qui fait sa fierté. " Les besoins, eux, n'ont pas disparu, affirme-t-il. Sur une vingtaine de couteaux dans votre tiroir, je suis prêt à parier qu'il doit y en avoir, quoi... Deux qui coupent ? Au siècle dernier, les rémouleurs passaient régulièrement dans les rues, surtout pour les ciseaux de jardins et les couteaux."
D'abord magasinier à 18 ans à la Lainière de Roubaix, Jean a ensuite été vendeur dans le prêt-à-porter, l'édition, l'alarme et le matériel hôtelier avant d'entrer en 1998 dans l'industrie pharmaceutique et de grimper les échelons, jusqu'à devenir directeur régional.
A l'aube de ses cinquante ans, victime d'un sévère burn out, il lui a fallu se remettre en cause. Après un an de chômage, il a décidé de se lancer dans l'entreprenariat. Pourquoi rémouleur ? Aujourd'hui encore, il est incapable de l'expliquer.
" Le nom me trottait dans la tête, sans raison, se souvient-il. Je pensais que c'était un métier qui n'existait plus. En cherchant sur la toile, j'ai trouvé quelques irréductibles, mais aucun dans la métropole lilloise."
Comment se former ?
Après une étude de marché auprès des métiers cibles, Jean trouve un centre de formation dans le Gers (" le seul de France, voire d'Europe !"), emprunte les fonds nécessaires et suit une formation de cinq semaines.
" Si quelqu'un a envie de devenir rémouleur, il faut tout de même avoir en tête qu'on l'apprend certes en formation mais surtout sur le terrain, prévient Jean. Comme dans tous les métiers artisanaux, la seule façon de progresser, c'est de faire et refaire sans cesse."
Au début c'était l'horreur, mais aujourd'hui je ne changerais de métier pour rien au monde !
Jean Linero, rémouleur
Sans parler des difficultés au départ. Si aujourd'hui l'entreprise tourne plutôt bien, cela n'a pas toujours été le cas. " Au début, c'était l'horreur, lâche le rémouleur. J'ai galéré pendant deux-trois ans, avec un salaire à zéro. Je ne faisais que de la prospection, du porte-à-porte."
Vingt fois, l'artisan a envisagé d'arrêter, sans se résoudre à tout lâcher. Grand bien lui en a pris. Jean Linero a fini par trouver un premier client, puis de nombreux autres qui lui sont restés fidèles.
Il est aujourd'hui le seul rémouleur itinérant de la métropole lilloise et, en témoignent les albums photos sur sa page Facebook, il ne changerait de métier pour rien au monde.