"Ma grand-mère m'a appris à tricoter avec cette laine", une marque iconique remise au goût du jour par une entrepreneuse du Nord

La journaliste Anne Sinclair, star de "Sept sur sept", ou la top model Linda Evangelista avaient sublimé ces pulls dans les années 80. L'emblématique marque "Anny Blatt" revient sur le devant de la scène. Rachetée par une nordiste en 2021, elle proposait jusqu'ici des pulls fabriqués à la demande, de façon plus responsable. L'entreprise se lance désormais dans un système de précommande.

C'est une belle histoire, celle d'une entrepreneuse du Nord qui rachète une marque de laine et de pulls iconique et décide de la faire revivre. En septembre 2024, le site d'Anny Blatt qui proposait jusqu'ici du prêt-à-porter à la demande se lance dans un système de précommande. Objectif : rentabiliser les coûts de son atelier français tout en respectant une fabrication écoresponsable.

Si Anny Blatt est alsacienne et a fondé sa maison de Haute couture à Paris dans les années 30 avant de s'exporter à New York, son entreprise est devenue nordiste en 1968 après son rachat par le groupe textile Hervillier. Celui-ci laissera tomber la Haute couture pour se concentrer sur la laine et les pulls qui ont marqué de nombreuses tricoteuses de la région des Hauts-de-France.

À commencer par Marion Carrette qui, petite, a appris à tricoter avec sa grand-mère. Une passion qu'elle a laissée de côté après un déménagement à Paris. Fondatrice de Ouicar, service de location de voitures entre particuliers, elle cherchait une idée d'entreprise à créer après la vente de son site web à l'Américain Turo.

Une filature qui fait remonter des souvenirs d'enfance

"C'était en 2019, se souvient-elle. Je venais de déménager à Marseille, je m'étais inscrite à une veille sur les entreprises en difficulté et je suis tombée sur une filature qui allait fermer, près d'Orange. Quand j'étais en troisième, j'avais fait un stage dans une filature à Frelinghien, dans le Nord, alors les pelotes, les couleurs, ça m'a plu. Sortant d'une entreprise sur le web, j'avais envie d'un produit, de toucher de la matière, ça a coché toutes les cases."

"Et puis quand j'ai vu la marque Anny Blatt, ça a fait tilt. Ma grand-mère m'a appris à tricoter avec ! On a fait deux pulls ensemble avec cette laine qu'elle appréciait. Je m'en suis souvenue en voyant le logo. À l’époque, je vivais à Marcq-en-Baroeul, près de Lille, où je reviens souvent voir ma famille. Longtemps, Anny Blatt a été une marque nordiste mais une filature du Sud l'a rachetée en 1991, jusqu'à péricliter face à la fast fashion."

Un duo complémentaire

Au début, Marion essaie de sauver la filature d'Orange, Pierre de Loye, mais doit se résoudre à la liquidation, avant de racheter Anny Blatt et ses archives, bien décidée à "relancer cette marque emblématique de [son] enfance". Un pari réussi. "Aujourd'hui, détaille-t-elle, on est six dans l'entreprise."

"J'ai eu la chance de rencontrer Anne Molineau, la styliste maille de la marque depuis plus de vingt ans. On s'est lancées ensemble dans ce projet. C'est elle qui imagine tous les modèles en tricot main et en prêt-à-porter."

"Anne mélange les fils, les couleurs, les matières, les points et elle peut créer une veste effet tweed alors que c'est du tricot, s'emballe encore Marion. Elle n'est pas du tout internet et business, et moi je ne suis pas créa, on est complémentaires."

Ensemble, elles relancent la marque dans une version modernisée, tout en restant fidèles à son héritage. Exit les catalogues papier à l'ancienne, tout est vendu sur internet. Riches d’un patrimoine de 5000 créations originales, les deux femmes se concentrent sur deux axes, les kits tricot à faire soi-même et une ligne de pulls haut de gamme.

Un univers graphique typique des années 80

"On ne parle pas de pulls à col rond, unis, gris ou marine. On est dans un vrai univers. Anny Blatt était connue pour les couleurs, le jeu de matières, les poils qui dépassent et surtout l'aspect graphique, qu'on essaie de remettre au goût du jour."

Dans les années 80, ces formes ont d'ailleurs été très bien portées par Anne Sinclair quand elle présentait Sept sur sept, ou par la mannequin Linda Evangelista, posant en pullover pour le magazine de la marque. "Quand on enfile un pull Anny Blatt, insiste Marion Carrette, on se redresse et on devient une femme forte."

En 1985, Serge Gainsbourg signe même la réalisation et la musique originale d'une publicité pour la télévision, avec le slogan : "Créez votre séduction", faisant d'Anny Blatt une griffe incontournable.

De la fabrication à la demande à la précommande

Aujourd'hui, on trouve donc sur le site des pelotes de laine, des kits de pulls à tricoter (vendus autour d'une centaine d'euros) et des mailles prêtes-à-porter fabriquées en France. Pour ces dernières, la marque a d'abord fait le choix d'une production à la demande, sur internet. Pas de grosses séries, pas de stocks, pas de promotions.

"La mode est l'un des secteurs les plus polluants, déplore la présidente. Je ne voulais pas partir sur mille pièces qu'il aurait fallu solder en fin de saison. Donc au départ, on avait décidé de fabriquer au fil de l'eau, avec un délai de deux semaines maximum d'attente à la commande, dans un esprit responsable pour éviter le gaspillage. Notre atelier produisait pièce par pièce."

Avec la croissance, pour l'atelier situé à Laval, en Mayenne, c'est devenu compliqué. Alors il a fallu imaginer un système de précommande, autrement dit : "On groupe pendant un mois et on produit toutes les commandes à l'issue. Par la suite, quand l'atelier aura du temps, on complétera en déclinant un pull en édition limitée, vingt pièces par exemple."

Marion Carrette s'apprête donc à lancer la première précommande d'hiver en prévision de Noël entre le 10 septembre et le 6 octobre 2024. Au choix, deux modèles emblématiques en angora et en mohair, vendus autour de 300 euros pièce.

Principal obstacle : le prix

"C'est cher !", commentent de nombreux internautes sur les réseaux. C'est même le principal obstacle des tricoteuses, pourtant adeptes de la qualité de la marque. 

"Non, ce n'est pas cher, répond Marion. Nous travaillons avec des matières écoresponsables. On parle de pulls en angora et tout est fait en France, avec des poils de lapins élevés dans l'Ouest. Je réponds d'avance à la question qui vient habituellement : on ne tue pas les lapins. Ils perdent leurs longs poils quand ils muent, on les brosse pour obtenir une fibre douce et chaude. Le tout est filé dans les Hautes-Alpes et teint sur place ou en Vendée, puis tricoté par des machines à l'atelier de Laval."

"Quand on regarde dans les magasins, poursuit Marion, habituée du BHV à Paris, à part Le Slip français, je n'ai rien vu qui soit fabriqué chez nous. C'est fait en Asie, au mieux en Italie, avec jusqu'à 50% de polyamide, même chez les marques prestigieuses. Avec les prix que nous pratiquons, on aurait du mal à les vendre en magasin, on n'a pas la marge exigée par un revendeur."

Dans les salons, tout le monde en parle comme de la Rolls Royce de la pelote de laine.

Marion Carrette

Présidente nordiste de la marque "Anny Blatt"

Aujourd'hui, Marion est fière d'avoir remis la célèbre griffe française sur le devant de la scène. "Petit à petit, j'ai compris en parlant avec des tricoteuses qu'Anny Blatt était la référence absolue. Je ne me rendais pas compte à quel point. Dans les salons, tout le monde en parle comme de la Rolls Royce de la pelote de laine. Tous ceux qui passent nous voir ont une anecdote à raconter."

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