Marie Cau, maire transgenre de Tilloy-lez-Marchiennes, se dit "sereine" après le débat tumultueux sur France 2

Samedi 15 octobre, “Quelle époque !”, l’émission de talk-show de Léa Salamé sur France 2, proposait un débat sur la transidentité. Sur le plateau pour en discuter : Dora Moutot, ancienne journaliste à l’avis très tranché sur la notion de genre et Marie Cau, première maire transgenre en France. Elle revient aujourd'hui sur cet échange houleux qui a suscité de nombreuses réactions.

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"Pour moi, Marie Cau c’est un homme". C’est ce qu’a asséné l'ancienne journaliste Dora Moutot à Marie Cau, première maire transgenre en France sur le plateau de l’émission "Quelle époque !", diffusée sur France 2. Samedi 15 octobre, toutes deux étaient invitées pour répondre à cette question, posée en introduction du débat par la journaliste Léa Salamé : "Un homme peut-il devenir une femme ?"

Le point de départ ? L’affiche d’une campagne du planning familial avec pour slogan, "on sait que des hommes aussi peuvent être enceints."

La séquence du talk show commence avec le témoignage de Marie Cau, maire de Tilloy-lez-Marchiennes, dans le Nord, qui est née et a vécu homme durant quarante ans avant de changer de genre. Un parcours qu’elle raconte dans son livre récemment publié : Madame le maire, Liberté, Égalité, Transidentité (Fayard).

En face, Dora Moutot, qui se définit elle-même, sur son compte Instagram "sexo" aux 500 000 abonnés, comme un "personnage assez controversé dans la sphère féministe". Depuis la diffusion de l'émission, elle a par ailleurs supprimé ses comptes personnels Instagram et Twitter.

"L'idéologie transgenre"

"Je ne suis pas anti-trans, je commente une idéologie en train de s’installer, qui est l’idéologie transgenre", indique-t-elle après quelques échanges d’ores et déjà musclés avec Marie, qualifiée d’"homme transféminin" selon le terme qu’elle plébiscite, refusant de lui octroyer le genre féminin.

En retour, Marie Cau taxe Dora de "transphobe", ce qui ne plaît guère à la concernée qui lui répond dans une joute verbale qu’elle est "misogyne" : 

Brandissant la protection des femmes et de leurs "droits sexués", Dora Moutot partage ensuite ses craintes d’une "société du ressenti", car, explique-t-elle, "on peut avoir tous les ressentis du monde, et ils sont valides dans une certaine mesure, le problème c’est quand ces ressentis deviennent des lois".

Aussitôt, elle illustre : "Si demain moi je veux changer d’âge pour avoir 20 ans et que je me fais un lifting, je pourrais dire que je suis ‘transagiste’, est-ce valide ?".

Ou encore :

Est-ce qu’on peut naître dans le mauvais corps ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Dans ce cas, on a une discussion spirituelle et métaphysique. 

Dora Moutot, ancienne journaliste invitée de "Quelle époque !"

Regards perplexes dans l’assemblée. Marie Cau, elle, reste calme, glisse que pour elle, "être une femme ce n’est pas se limiter seulement à une anatomie". Contactée ce lundi 17 octobre au téléphone, elle commente a posteriori : 

J’étais sereine et je le suis encore. Je savais que c’était un combat juste mais que ça n’allait pas être facile. Je n’ai pas eu de surprise parce que Dora est connue pour ce discours qu’elle diffuse en toute impunité sur Internet. C’est de la transphobie déguisée en féminisme.

Marie Cau, maire transgenre de Tilloy-lez-Marchiennes

Une absence de débat

Elle regrette toutefois l’absence de débat, jugé inexistant : "C’était une logorrhée d'idées et de sophismes. C’est une méconnaissance complète de tout. Nous sommes en démocratie mais ce n’est pas une raison pour attirer la haine", déplore-t-elle.

Des propos également tenus, lors de l’émission, par l’humoriste et acteur Jérémy Ferrari, qui n’a pas hésité à dire tout haut le fond de sa pensée en s’adressant directement à Dora Moutot : "Vous n’avez pas d’arguments, il n’y a que de la haine et de l’agressivité quand vous parlez, tout le monde peut s’en rendre compte", lui a-t-il lancé. 

La maire nordiste tient à le réaffirmer a posteriori : elle comprend les inquiétudes vis-à-vis d’une évolution sociétale "qui peut paraître étrange". "Il faut les entendre et y répondre, avance-t-elle, mais dans la bienveillance".

Il faut qu’elle prenne conscience que ce sont les mêmes idées que dans la fachosphère.

Marie Cau, maire transgenre de Tilloy-lez-Marchiennes

Car selon elle, la gravité tient surtout dans le fait que le discours de Dora Moutot, dont "chaque mot est un vrai débat en soi", fait le lit de mouvement extrémistes et anti-féministes, avec un "même corpus idéologique" : "Il faut qu’elle prenne conscience que ce sont les mêmes idées que dans la fachosphère", indique-t-elle en reprenant ce terme qui, sur le plateau, avait fait réagir la blogueuse de 35 ans :

Malgré ces échanges houleux, Marie Cau ne regrette pas d’avoir participé à l’émission. "Au contraire, avance-t-elle. Je pense que les masques sont tombés. Ça a été l’occasion de révéler au grand jour une transphobie rampante qui se diffuse. Et si ça peut aider à une prise de conscience, c’est très bien". Puis, elle s’enquiert : "Maintenant, on va poser le vrai débat : est-ce qu’on accepte ce genre de choses ?".

Au vu des nombreuses réactions, le "non" semble l’emporter. L'attitude de Dora Moutot, qui s’est, selon Marie Cau, "explosée en plein vol", a en effet été décriée.

Des soutiens en nombre

D’abord sur le plateau, notamment par cette spectatrice confiant s’être elle-même posée des questions sur son genre pendant l’adolescence : "Je suis très choquée par le débat. Madame a déjà tellement souffert et de venir remettre en question son genre, parce que c’est ce qui est fait ce soir, je trouve ça extrêmement violent", a-t-elle partagé d’une voix timide. 

Ensuite, sur les réseaux sociaux, où les soutiens en faveur de la maire transgenre se sont multipliés, dénonçant, là encore, la violence de certains propos. À commencer par l’association LGBT+ et Allié.e.s de France Télévisions : 

"C’était un débat difficile", reconnaît même Léa Salamé à la fin de la séquence : "Je pensais qu’il serait plus constructif", avoue-t-elle.

Quant à Marie Cau, elle se dit inquiète que des personnes à l’image de Dora Moutot, "sans légitimité aucune", soit ainsi "adoubée".

Elle rêve plutôt d’un "vrai débat avec des sociologues, psychologues, biologistes, spécialistes. Et non de l’ostracisme". 

Tilloy-Lez-Marchiennes est une commune d'environ 550 habitants près de Valenciennes.

Ingénieure de formation, Marie Cau y est maire (sans étiquette) depuis mai 2020.

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