D’après Reuters, Renault envisage de délocaliser la chaine d’assemblage de l’usine MCA de Maubeuge vers le site de Douai. Syndicats et élus évoquent une "catastrophe annoncée" pour tout le territoire de la Sambre-Avesnois. Emmanuel Macron demande des garanties pour les salariés.
C’est une dépêche, publiée lundi 25 mai vers 21 heures par Reuters, qui a l’effet d’une petite bombe. Alors que le Président de la République Emmanuel Macron est en visite à Étaples pour présenter un plan de relance du secteur automobile, Renault réfléchirait à "un transfert de l’activité d’assemblage de véhicules de son usine de Maubeuge vers Douai." Cette annonce intervient alors que le groupe au losange doit présenter un plan d’économies de deux milliards d’euros ce vendredi. Contacté, Renault ne souhaite faire aucun commentaire.
L’usine MCA, créée en 1969 par la société des Usines Chaussons, est devenue une filiale Renault à la fin des années 70. À Maubeuge, les quelque 1600 employés travaillent essentiellement sur la chaine d’assemblage de la Kangoo.
"Si c’est ça, c’est la guerre"
Joint par téléphone, le maire de Maubeuge est abasourdi et ne mâche pas ses mots. "Si c’est ça, c’est la guerre, prévient Arnaud Decagny. C’est l’usine la plus performante du groupe Renault en terme de rentabilité et de productivité sur tout le territoire. C’est complètement inacceptable." Un constat partagé par les syndicats. "C’est une honte, dénonce Jérôme Delvaux, secrétaire général CGT MCA. Si l’annonce se confirme, je peux vous affirmer qu’il n’y aura plus aucun véhicule qui sortira de cette entreprise dès la semaine prochaine."
D’après les informations de Reuters, l’activité d’assemblage serait dont déportée sur le site de Douai, situé à 70 kilomètres de Maubeuge. L’usine MCA se spécialiserait dans l’emboutissage. L’élu explique qu’une telle décision impacterait directement les emplois. "L’emboutissage ? Pour garder 300 emplois sur les 1600 sans pouvoir faire travailler les sous-traitants installés sur notre territoire ?" demande-t-il, avant de conclure : "Je ne crois pas aux promesses d’accompagnement. On sait très bien que dans 5 à 10 ans, le site est fermé."
"L’abandon de l’Etat Français sur notre territoire"
Sans compter l’impact indirect sur tout le territoire de la Sambre-Avesnois. "15 000 personnes seraient touchées, affirme le maire. On va vers une catastrophe économique, humaine et sociale." En novembre 2018, Emmanuel Macron était venu "féliciter" les salariés de l’usine MCA et avait "signé un pacte avec les élus du territoire" pour développer la filière dans la région, se rappelle Arnaud Decagny. D'ailleurs, à ctte occasion, le PDG de l'époque Carlos Ghosn avait annoncé un investissement de 450 millions d'euros sur 3 ans et le recrutement de 200 personnes. "On annonce la fermeture du plus grand site industriel 2 ans après une visite ? C’est méprisant" s’indigne le maire.
Une manifestation a été organisée en début d’après-midi par le président de l'agglomération Benjamin Saint-Huile sur le rond-point situé devant l’usine. Le maire s’est joint aux manifestants et aux syndicats présents. "Si on doit monter sur des barricades, on le fera affirme le maire de Maubeuge. On va se bagarrer comme jamais, je ne laisserai pas tomber."
Tous #mobilises pour La Défense du site @mca #maubeuge et du territoire pic.twitter.com/Uif5uGm8ER
— Benjamin Saint-Huile (@BSaintHuile) May 26, 2020
Emmanuel Macron demande des garanties pour les employés
À 200 kilomètres de là, Emmanuel Macron a visité ce mardi après-midi une usine du groupe Valéo à Étaples-sur-Mer (Pas-de-Calais). Le Président de la République est venu présenter son plan de soutien à la filière automobile, durement éprouvée par la crise du coronavirus, et en a profité pour évoquer le cas de l'usine MCA de Maubeuge.
M Le Président, vous êtes venu fin 2018 à Renault Maubeuge pour soutenir l’entreprise et signer un contrat de territoire. Aujourd’hui Renault envisage de transférer le site. C’est 1600 emplois qui vont disparaître.
— arnaud decagny (@ADECAGNY) May 26, 2020
Envisagez-vous de tenir vos engagements ?
"Je me souviens, en novembre 2018, de la visite effectuée (à Maubeuge). Je demande que l’ensemble des salariés puissent avoir toutes les garanties sur leur avenir, leur capacité à oeuvrer dans le groupe Renault" a déclaré Emmanuel Macron. "Je souhaite aussi que l’ensemble des sous-traitants puisse avoir une visibilité claire et des garanties. C’est pourquoi je veux redire à l’ensemble des élus de Maubeuge le soutien qui sera celui de la nation."
Alors que Renault réfléchit à transférer l'assemblage de Maubeuge à Douai, @EmmanuelMacron « demande à ce que l’ensemble des salariés [...] puissent avoir toutes les garanties que leur avenir » soit assuré et dit se souvenir des promesses d’investissement faites lors de sa visite pic.twitter.com/A8zOfGE0wW
— Alison TASSIN (@AlisonTassin) May 26, 2020
Une réunion sera organisée avec le Ministre de l'économie Bruno Le Maire dès lundi prochain, réunissant syndicats et élus. "Le prêt de 5 milliards d’euros (de l'État à Renault) ne saurait être conclu avant que les discussions n’aboutissent" a précisé le Président de la République.
Réunion d'urgence à Maubeuge
Le président de la région des Hauts-de-France, Xavier Bertrand, est arrivé peu avant 16 heures à la mairie de Maubeuge. Il a assisté à une réunion d'urgence avec les représentants syndicaux de Renault MCA, le maire de Maubeuge et le président de l'Agglomération. Les élus du Val de Sambre dénoncent une décision "en tout point incompréhensible", rappelant que l'usine MCA reste à ce jour "la locomotive industrielle de ce territoire (...). Sa fragilisation empêchera une réindustrialisation pérenne de ce bassin d'emploi."
Un peu plus tôt dans la journée, Xavier Bertrand a indiqué qu'il n'avait pas été convié à la visite présidentielle d'Emmanuel Macron ce mardi après-midi à Étaples. Le président de région a déclaré à l'AFP être "choqué que, sur un plan aussi important pour l'économie nationale et pour la région, première région automobile du pays, je ne sois pas associé" à cette visite. Avant d'ajouter que "la mise en scène, ce n'est pas ce dont on a besoin. Ce dont on a besoin, c'est de bosser Etat-régions-collectivités main dans la main".