Lucas, un jeune maubeugeois (Nord), entretenait des relations virtuelles via Facebook avec de très jeunes filles, mineures. Âgé de 23 ans, il vient d’être condamné après avoir été confondu par la Team Moore, un groupe d’activistes français qui traque les prédateurs sexuels.
La Team Moore s’est donnée pour mission de repérer les prédateurs sexuels sur les réseaux sociaux dans le but de les piéger et les dénoncer à la justice. Attirés par de faux profils d’adolescentes - des photos des membres de la Team rajeunies via un logiciel - les suspects entrent en fait en contact avec un activiste et entament une discussion virtuelle. C’est exactement ce procédé qui a été appliqué avec Lucas (prénom d'emprunt). "Un membre de la Team Moore a échangé des messages sur les réseaux sociaux avec le mis en cause. Cette personne s’était présentée comme une jeune fille âgée de 12 ans prénommée Jade, précise le parquet d’Avesnes-sur-Helpe. Les échanges étaient très explicites"
"On a été plusieurs personnes à travailler dessus mais c’est moi qui ai fait le lien avec les autorités et qui prend ses responsabilités", raconte Neila de la Team Moore. Lucas a pris contact avec deux de nos enfants virtuels le 18 et le 26 février. Très vite, les échanges ont basculé sur de la pornographie. Il avait fait une proposition sexuelle avec un rendez-vous le 20 mars dernier. Un des membres de notre collectif s’est déplacé pour vérifier qu’il était bien là. Nous avons appelé la police qui ne s’est pas déplacée".
"Il voulait avoir des enfants avec des enfants"
"Lucas prenait des photos d’enfants à ce moment-là dans un parc. Des parents ont appelé la police qui s’est finalement déplacée. Simple contrôle d’identité. Le soir même, il contacte un troisième enfant virtuel. Lui voulait avoir des enfants avec des enfants. On a fait un deuxième signalement. Il a donné un rendez-vous le 2 mai. On s’est déplacés et la police est ensuite venue. Il a fallu quelques jours après sa sortie de garde-à-vue pour qu’il recommence.
Un nouveau rendez-vous est alors fixé le 2 mai 2021. "La personne a donné rendez-vous à la jeune fille au jardin des Floralies à Valenciennes, avec pour objectif d’avoir un rapport sexuel", confirme le parquet. La police municipale de Valenciennes, prévenue par la Team Moore, intervient alors et interpelle l’homme de 23 ans. Placé en garde à vue, il reconnaît immédiatement les faits qui lui sont reprochés. Détenteur d’un casier vierge, Lucas est placé sous contrôle judiciaire dans l’attente de sa convocation. Mais les activistes interpellent de nouveau le parquet puisque le jeune homme continue d’échanger sur les réseaux sociaux avec ses faux profils. De nouveau interpellé le 4 août, il a été placé en détention provisoire à la maison d’arrêt de Maubeuge.
Ce mardi 14 septembre 2021, le tribunal correctionnel d’Avesnes-sur-Helpe a condamné ce Maubeugeois à 18 mois de prison ferme pour "propositions sexuelles faites à un mineur de moins de 15 ans par un majeur utilisant un moyen de communication électronique" et "détention de l’image d’un mineur présentant un caractère pornographique". Cette condamnation s’accompagne d’un suivi socio-judiciaire pendant trois ans et d’une interdiction définitive d’exercer toute activité en contact avec des mineurs. L’homme de 23 ans a par ailleurs été inscrit au fichier des auteurs d’infractions sexuelles.
"Il faut que chacun reste à sa place"
Questionné en juin dernier par une députée de la majorité présidentielle sur la possibilité de fixer un cadre légal aux actions des activistes de la Team Moore, le Garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti s’est montré "très inquiet" face à la multiplication de ces actions qu’il juge risquées. "Que les citoyens dénoncent de tels faits quand ils en ont connaissance, c'est bien le moins ; ensuite, il faut que chacun reste à sa place : je ne demande pas aux policiers ou aux magistrats d'être boulangers, je leur demande d'être policiers ou magistrats !"
Le ministre de la Justice justifie sa position en rappelant que policiers, gendarmes et magistrats confrontés à la pédocriminalité ont été formés et connaissent la déontologie.
Neila, elle se satisfait de la recevabilité des éléments transmis à la justice : "Je suis contente parce que ça montre que nos éléments sont recevables par la justice et qu’il n’y a pas eu de vice de procédure. On a démontré qu’avec trois signalements, il s’est déplacé deux fois donc ça montre qu’il est déterminé. Sans nous, Lucas de Maubeuge serait passé sous les radars. On est utile et, heureusement, ces individus tombent sur nous et pas sur des vrais enfants".
La Team Moore précise avoir fait un autre signalement auprès du procureur de la République à Béthune le 3 août. Depuis deux ans et demi, les actions de la Team Moore ont été suivies d'une cinquantaine d'arrestations et 21 condamnations.