Après la diffusion d'une vidéo dénonçant la pratique de la chasse à la hutte dans le Nord par l'activiste Pierre Rigaux, lundi 25 janvier, la fédération des chasseurs du département, très remontée, l'accuse de déformer la réalité et de créer du buzz.
C'est une vidéo, située à Bambecque et Houtkerque, qui fait du clic. Celle d'un militant, Pierre Rigaux, qui se présente comme un défenseur de la cause animale.
Dans cette publication, postée sur les réseaux sociaux lundi 25 janvier, il dénonce la pratique de la chasse à la hutte, assez populaire dans la région. Pour les chasseurs, cachés dans une cabane à moitié enterrée appelée "hutte", il s'agit d'attirer les canards et les oies sauvages, sur un plan d'eau pour leur tirer dessus.
Souvent, la chasse se déroule le soir car les animaux sortent à ce moment-là. "Les canards et les oies sauvages qui passent en vol, attirés par leurs congénères, s'approchent, se posent sur l'eau et le chasseur leur tire dessus", affirme Pierre Rigaux dans sa vidéo.
Ce que souligne et dénonce "l'activiste naturaliste", comme il se nomme, au-delà de la chasse elle-même, c'est la manière dont sont attirés les oiseaux sauvages, méfiants de la nature. Pour apater leurs congénères, les chasseurs placent d'autres canards, appelés "appelants", maintenus en captivité toute l'année, dans des cages "minuscules" selon l'activiste, ou des plateformes à laquelle ils sont enchaînés. Le matin, les appelants sont récupérés et les chasseurs les mettent dans des cages collectives. "Les chasseurs déplacent les oiseaux sans ménagement même s'ils n'en ont pas tous l'impression", estime Pierre Rigaux qui dénonce "cette vision utilitariste de l'animal" et demande l'interdiction de cette pratique.
"Une déformation de la réalité et des images choc" pour les chasseurs
Joël Deswarte était outré et remonté. Le président de la Fédération des chasseurs du Nord (FDC59), qui englobe 23 000 chasseurs, "commence à être habitué à ce genre d'attaques". Mais il les juge trop fréquentes. Lui dénonce à son tour la médiatisation de l'affaire. "C'est facile de déformer la réalité et c'est facile de choquer les gens par des coups médiatiques et des image choc", a t-il affirmé par téléphone ce jeudi.
S'il s'inscrit en faux contre Pierre Rigaux, "qui s'autoproclame naturaliste alors qu'il n'a aucun diplôme dans le domaine", M. Deswarte n'a pas nié en bloc ce que dénonce l'activiste : il fait notamment un parallèle entre les canards en cage et les chiens et chats dans des boites."Ces canards apportent aux chasseurs au même titre qu'un chien ou qu'un chat. On voit dans la vidéo que le canard panique quand M. Rigaux filme la cage." Il affirme qu'en plaçant ces oiseaux "appelants" au sol, "il ne restera que des plumes" après l'intervention de renards et autres espèces. Il argue également qu'il y a une limite de déplacement de 30 appelants répartis dans l'eau et les cages. Il avance enfin que la chasse a "toujours existé" et qu'il n'était pas question que cela change.
Pour lui, la chasse à la hutte, comme d'autres pratiques, s'inscrit dans une démarche de gestion d'espèces. "On doit à la fois éviter la disparition d'espèces et contrôler la surabondance. Les chasseurs sont gestionnaires de ces prélèvements. Nous sommes en obligation de réguler ces espèces, c'est un équilibre à trouver dans la nature", explique le représentant des chasseurs du Nord. Il s'oppose totalement aux anti-chasseurs.
C'est toujours la fête des chasseurs, ça nous pèse ! Quand il n'y a pas d'espèces, c'est de notre faute et quand il y en a trop, c'est aussi de notre faute ! Nous se sommes pas dans une logique d'éradication de l'animal.
Des menaces de mort contre Pierre Rigaux
Joël Deswarte souhaite qu'on laisse les chasseurs tranquille. "C'est un loisir comme un autre. Les gens ont le droit d'être contre la chasse, c'est leur problème, leur liberté."
Sous la publication de sa vidéo, Pierre Rigaux a fait l'objet de menaces, parfois de mort. "Qu'il vienne nous rendre visite, on va arriver à le faire rentrer dans une cage de chanteuse (celles où sont placés les canards)", peut-on lire sur Facebook, ou encore "Dommage qu'un alcoolique de chasseur ne lui ait pas encore mis une balle." M. Deswarte trouve ces mots "graves", mais peut les comprendre. "A force de ramener de l'intox et du mensonge, l'énervement peut arriver. Mais ce n'est pas à faire."
Pierre Rigaux, dont l'activisme est bien connu du milieu cynégétique, épingle régulièrement, sur ses réseaux sociaux, les sévices faits aux animaux. Il dit ne pas vouloir "s'attaquer aux personnes mais à la pratique de la chasse à la hutte", une institution dans la région. Les techniques pour attirer les oiseaux se transmettent de génération en génération. "Les huttes et les marais se louent parfois très chers", explique-t-il, persuadé que la population rurale n'est pas forcément favorable à ce type de chasse. "Mon but, c'est d'essayer d'alerter les hommes et femmes politiques et d'informer sur les pratiques des chasseurs."
En ce moment, une loi sur le bien-être animal est discutée à l'Assemblée nationale. La question de la chasse et de certaines pratiques décriées n'y est pas abordée car les rapporteurs de la loi ne sont pas arrivés à s'entendre sur le texte à proposer. Seules des propositions concernant les animaux domestiques et ceux du cirque seront débattues.