Pendant le confinement, les chasseurs du Nord et du Pas-de-Calais sont autorisés à chasser le grand gibier, suite aux arrêtés pris par les préfectures. La LPO et One Voice ont décidé d'attaquer ces arrêtés. Une audience est prévue vendredi 27 novembre au tribunal administratif de Lille.
La décision avait fait un tollé. Début novembre, le ministère de la Transition Écologique autorisait la chasse au grand gibier sur décision du préfet pour gérer les populations d’espèces considérées comme "nuisibles."
Il aura fallu attendre une quinzaine de jours avant de connaitre la contre-attaque préparée par les associations de défense des animaux. La Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) a décidé d’attaquer l’arrêté du préfet du Nord autorisant la chasse au grand gibier pendant le confinement. Dans le Pas-de-Calais, c'est l’association One Voice qui attaque l'arrêté du préfet pour la même raison. Les associations espèrent ainsi obtenir leur suspension rapide.Les deux audiences ont été regroupées et se tiendront vendredi 27 novembre à 14 heures devant le tribunal administratif de Lille.
Aucune urgence selon la LPO dans le Nord
Allain Bougrain Dubourg, président national de la LPO, dénonçait déjà une décision "navrante" au lendemain de l’autorisation de la chasse sous conditions par le ministère de la Transition Ecologique. C’est précisément sur la notion d’urgence que l’association de protection animale a décidé d’attaquer ces arrêtés dans 23 départements, dont celui du Nord.Sur la forme d’abord. "La procédure normale n’a pas été respectée parce que le préfet aurait dû réunir un comité départemental de la chasse avant de prendre cette décision, explique Paul Maerten, président de la LPO du Nord. Il aurait fallu organiser une consultation publique, ce qui n’a pas été le cas."
La LPO attaque également cet arrêté sur le fond. "Il n’y a aucune urgence à autoriser la poursuites des prélèvements que les chasseurs appellent de la régulation, explique-t-il. Le nombre d’animaux au 1er novembre sera identique à celui du 1er décembre. Il n’y a pas de reproduction donc il n’y a aucune urgence.""Lorsqu’on parle des espèces susceptibles d’occasionner des dégâts, il n’y a jamais d’étude récente sur les dégâts. Il n’y a pas de prolifération aujourd’hui, pas de reproduction, et difficile de constater des dégâts sur les cultures puisqu’il n’y a actuellement pas de culture."
"On sent l’influence de Willy Schraen dans l’arrêté de la préfecture du Pas-de-Calais"
Contrairement à la LPO qui n’a pas trouvé d’angle pour attaquer l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais, l’association One Voice n’a pas hésité une seule seconde. "C’est un des arrêtés les moins bien motivé, explique maître Arielle Moreau, avocate de l’association. Il a été l’un des premiers à être attaqué pour cette raison. Autant certains peuvent cadrer les pratiques de régulation dans le temps ou au niveau des espèces concernées, celui du Pas-de-Calais est un arrêté fourre tout."Selon l’association, il existe un réel doute quant à la légalité de cet arrêté, notamment concernant les espèces listées susceptibles d’occasionner des dégâts et donc d’être chassées pendant le confinement. "Quand on s’apercevait que les espèces étaient des blaireaux ou des cormorans, ce n’était pas forcément des espèces considérées comme pouvant occasionner des dégâts, avance l’avocate. C’était une indication que ce n’était donc pas forcément la mission d’intérêt général qui prévalait pour prendre ces arrêtés."Muriel Arnal, présidente de l’association, insiste sur la pression des lobbys de la chasse qui auraient selon elle, influencé l’écriture de ces arrêtés. "On sent l’influence de Willy Schraen (président de la fédération de chasse du département, ndlr) dans cet arrêté de la préfecture du Pas-de-Calais, rapporte la présidente de l’association, et on trouve ça particulièrement inquiétant." One Voice attaque ainsi une vingtaine d’arrêtés de ce type en France."On continue de pratiquer la chasse comme on le faisait hors confinement, avec limite moins de régulation. La chasse et la régulation, ce n’est pas la même chose. Ils mélangent bien chasse et régulation et créent ainsi un régime spécifique hors cadre."
Chronologie d’une autorisation polémique
- 30 octobre 2020 : instauration du second confinement jusqu’au 1er décembre minimum.
- 1er novembre 2020 : Bérengère Abba, secrétaire d’État à la Biodiversité annonce la mise en place de dérogations pour chasser pendant le confinement.
L’annonce est tombée le 1er novembre dernier. Initialement interdite comme lors du confinement du printemps dernier, la secrétaire d’État à la Biodiversité a annoncé la mise en place de dérogations pour la chasse au grand gibier afin d’éviter la "prolifération" de certaines espèces comme les sangliers ou les cervidés, "susceptibles d’engendrer des dégâts aux cultures et aux forêts."En confinement, les déplacements et activités non essentiels sont interdits. C’est uniquement sur demande de l’autorité administrative afin d’éviter les dégâts aux cultures et forêts dus à prolifération du grand gibier que des actions exceptionnelles de chasse pourront avoir lieu pic.twitter.com/AxTRkPadKs
— Berangere Abba (@b_abba) November 1, 2020 - 5 novembre 2020 : l’arrêté autorisant la chasse au grand gibier est publié par le préfet du Pas-de-Calais
Peuvent être tués les sangliers, les chevreuils, les daims, les cerfs Sika, et les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts : pigeon ramier, corneille noire, corbeau freux, renard, pie bavarde et rat musqué. - 6 novembre 2020 : l’arrêté autorisant la chasse au grand gibier est publié par le préfet du Nord.
Peuvent être tués les sangliers, les cervidés et les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts aux cultures agricoles et ou forestières : pigeon ramier, corbeau freux, corneille noire, raton laveur, rat musqué, ragondin, pie bavarde, lapin de garenne, renard, fouine#Chasse Le préfet du #Nord autorise par arrêté de ce jour la chasse pour certaines espèces, à titre dérogatoire et sur autorisation. ? pic.twitter.com/3Uwv2UNrMY
— Préfet de la région Hauts-de-France et du Nord (@prefet59) November 6, 2020 - 11 novembre 2020 : 250 chasseurs "en colère" manifestent à Arleux pour autoriser la pêche au gibier d’eau, interdite pendant le confinement. Selon eux, ils sont des "veilleurs sanitaires".
- 27 novembre 2020 : la Ligue de Protection des Oiseaux et One Voice attaquent en justice les arrêtés autorisant la chasse au grand gibier dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais et demandent leur suspension immédiate.