Le CRIC, Collectif des réseaux insertion culture, œuvre depuis 25 ans pour développer la culture, recréer un lien social dans les quartiers populaires et insérer professionnellement les populations précaires du Nord. Un projet qui risque cependant de disparaître, après avoir perdu sa subvention versée annuellement par le Département.
"Nous sommes des gens qui dérangent, le Département ne comprend pas qu'on mène une politique innovante... C'est de la lâcheté." Carine Guilbert parle vite et fort, prise par l'émotion. Mais elle garde l'esprit clair. Le 18 mars 2024, l'assemblée du Département du Nord a décidé de couper les subventions du CRIC, le Collectif des réseaux insertion culture créé il y a 25 ans par Carine, qui œuvre pour faciliter l'insertion sociale professionnelle dans les quartiers populaires du Nord, à travers la culture.
Après dix ans de bataille politique et administrative avec le Département et les mairies, le CRIC a réussi à se construire un réseau dans le tissu associatif local, pour mener des projets culturels gratuits et accessibles à toutes et tous. "Seulement voilà, le Nord veut faire des économies et c'est de nouveau la culture qui paye", tempête Carine Guilbert. "Sauf que si le CRIC ferme, ce ne sera pas une question d’argent, mais une question de choix."
Remotiver les travailleurs sociaux
Le CRIC rassemble une dizaine de médiateurs culturels à travers le Nord, des salariés qui font le lien entre structures sociales ou culturelles et les personnes qui perçoivent le RSA ou d’autres minima sociaux.
"Le but du collectif est de redonner envie à ces personnes de s'impliquer socialement grâce à la culture et par extension de les redynamiser pour qu'elles entament une réinsertion professionnelle", résume Carine Guilbert, en expliquant que la culture permet de créer un levier pour débloquer psychologiquement les publics précaires, souvent enfermés dans une bulle et des clichés construits par la société.
Le but du collectif est de redonner envie à ces personnes de s'impliquer socialement grâce à la culture et par extension de les redynamiser pour qu'elles entament une réinsertion professionnelle.
Carine Guilbert, fondatrice du CRIC
Plus de 2300 personnes sont impliquées dans les actions du CRIC, à travers une centaine de projets menés chaque année et en collaboration avec plus de 120 artistes originaires du Nord ou des Hauts-de-France.
L'annonce d'une coupure des subventions a donc eu l'effet d'un coup de massue pour les salariés du collectif, dont le budget repose en grande partie sur le financement versé par le Département à hauteur de 700 000 euros chaque année. Le reste de la trésorerie est constitué à partir de subventions des communes sympathisantes du projet et de la Région.
Le CRIC, un acteur difficile à remplacer
Après plusieurs années passées sans encombre, Carine Guilbert affirme avoir senti le vent tourner il y a deux ans, après l'élection du nouveau conseil départemental présidé par Christian Poiret (DVD). "On a senti les prémices quand on nous a annoncé l'arrêt du financement de 4 postes", se remémore la membre du CRIC. "Les élus d'opposition s'étaient battus mais n'avaient obtenu qu'un reliquat du plan pauvreté, dont le versement s'est terminé en décembre dernier."
Selon l'activiste, ces quatre postes ont donc été fermés dans la foulée. En février dernier, les six salariés restant ont finalement reçu un courrier leur expliquant que leurs postes fermeraient d'ici fin juin. "Leur gestion de ce dossier a été la même qu'avec une entreprise privée, ils sont dans l’instantané avec un discours de management. Sauf que la culture et le social ça prend du temps, il faut instaurer une relation de confiance... Si le CRIC ferme on ne pourra pas le remplacer."
Leur gestion de ce dossier a été la même qu'avec une entreprise privée, ils sont dans l’instantané avec un discours de management.
Carine Guilbert
Espérant toujours que le Département revienne sur sa décision, notamment au cours de son assemblée plénière du 26 mars prochain, le CRIC a décidé de mobiliser son réseau pour organiser une mobilisation le jeudi 4 avril prochain à 10h30 au théâtre de la Verrière à Lille. Contacté, le Département du Nord indique qu'il "ne prendra pas la parole sur ce sujet budgétaire avant le vote du budget qui sera établi les 26 et 27 mars prochains."