La Chambre régionale des comptes a publié mercredi son rapport sur l'Orchestre National de Lille (ONL), financé à 80% par l'argent public. Voici les bons et les mauvais points.
La Chambre régionale des comptes Nord Pas-de-Calais / Picardie s'est intéressée aux années 2010-2015, période de transition pour l'ONL marquée par le départ progressif de son fondateur et directeur emblématique, Jean-Claude Casadesus, mais aussi la rénovation de l'auditorium du Nouveau Siècle à Lille, où l'orchestre se produit.
Le rapport publié mercredi décerne pour commencer quelques bons points. "Le taux de fréquentation a progressé favorablement et se situe en 2015 à 76 %", peut-on lire. "Les récents travaux de l’auditorium ont contribué à l’attractivité de l’orchestre ; la politique tarifaire a également favorisé l’accès du public aux représentations." Mais l'ONL - qui fonctionne sous statut associatif - est confronté dans le même temps"à un déficit structurel d’exploitation, qui est de 386 000 euros en 2015", qui "s’explique notamment par une faible capacité à générer des ressources propres et au poids des charges de personnel".
Fréquentation et chiffre d'affaires en hausse
Malgré deux saisons perturbées par les travaux de rénovation du Nouveau Siècle, la fréquentation des concerts de l'ONL a progressé ces 5 dernières années, passant de 135 000 à plus de 150 000 spectateurs. La Chambre régionale des comptes salue notamment la politique tarifaire mise en place, qui a permis à la fois d'améliorer les recettes tout en maintenant des prix très accessibles. "Sans aller jusqu’à accorder des places gratuites, l’association a développé une politique tarifaire attractive dans le but de démocratiser l’accès à l’orchestre et plus généralement à la culture, pour tous types de publics. (...) Les recettes de billetterie sont passées de près de 900 000 € en 2010 à plus de 1,225 million d'€ en 2015, soit 36 % d’augmentation. Les travaux de l’auditorium, sans augmenter la jauge de la salle, ont contribué à l’attractivité de l’orchestre."L'ONL est également parvenu à fidéliser : les abonnements ont progressé en cinq ans, passant de 40% à 56% des ventes de billetterie. "Au cours des trois dernières saisons, le chiffre d’affaires a augmenté de près de 40 %, pour dépasser l’objectif financier fixé sur la saison 2014/2015 en raison de la hausse de fréquentation et du prix moyen de la place".
L'Orchestre National de Lille a effectué entre 110 et 120 concerts par an, dans son auditorium, mais aussi hors les murs, dans la région, ailleurs en France, voire à l'étranger. En 2014, il a notamment joué au Kazakhstan puis effectué une tournée en Chine "qui a été déficitaire en raison de l’annulation d’un concert ayant entraîné des pénalités pour le changement des billets d’avion et un surcoût pour le rapatriement du matériel, suite à une grève de la compagnie aérienne", note la Chambre régionale des comptes. Mais cette tournée chinoise - dont le coût a été estimé à 270 000 euros - a été prise en charge en grande partie par l'association Arpège qui compte une quarantaine d’entreprises mécènes, partenaires ou adhérentes.
Un financement très dépendant de l'argent public
Cette même association Arpège aide l'ONL à boucher le trous financièrement, en lui versant 250 000 euros par an hors tournée. "C’est grâce aux recettes de mécénat que l’orchestre parvient à équilibrer ses comptes", souligne le rapport. Malgré l'augmentation du chiffre d'affaires, les activités de l'orchestre restent structurellement déficitaires. Ses ressources propres ne suffisent pas et 80% du financement repose sur des subventions publiques qui sont restées stables ces 5 dernières années.La région est de loin le principal contributeur, devant l'Etat, la Métropole Européenne de Lille (MEL), la ville de Lille et le département du Nord. "Le financement de l’orchestre national de Lille apparaît atypique au regard du soutien massif de la région Nord-Pas-de-Calais, alors que les autres orchestres sont le plus souvent majoritairement financés par les communes", relève la Chambre régionale des comptes. Ces subventions publiques - qui s'élèvaient à 9,7 millions d'euros en 2015 - permettent de couvrir l'essentiel des charges de personnel, estimées à 10,15 millions d'euros. Une dépendance qui n'est pas sans poser quelques soucis, notamment en terme de trésorerie qui "se dégrade en raison du délai d’encaissement des subventions qui s’allonge : 7 jours en 2010 contre 59 jours en 2015". Le rapport signale que l'ONL "a d’ailleurs récemment connu des difficultés de trésorerie et a dû décaler de quelques jours le paiement des salaires."
Charges de personnel en hausse
"Les charges de personnel ont évolué de 3 % au cours de la période. Elles représentent en moyenne 83 % des charges d’exploitation", indique la Chambre régionale des comptes. La masse salariale des musiciens permanents a pourtant baissé de 4,55 % entre 2010 et 2015, l’effectif ayant diminué de 6 % sur la même période."Le poids de ce poste de charges est lié à l’ancienneté des musiciens permanents, dont un nombre important compte plus de 25 ans de présence à l’orchestre, et à l’évolution du dispositif sur les retraites", explique le rapport. Un accord de 2008 prévoit notamment le versement d’une indemnité de départ à la retraite ou de fin de carrière fixée à 1/10e de salaire par année d’ancienneté plus 1/15e au-dessus de 10 ans d’ancienneté. Pour les "Sages", "cette prime va peser sur les comptes de l’association dans les années à venir, l’effectif étant relativement âgé". Entre 2010 et 2015, elle a déjà coûté 850 000 euros dont 490 000 euros pour la seule année 2013 lorsque Jean-Claude Casadesus a fait valoir ses droits.En tant que directeur de l'ONL, le chef d'orchestre était rémunéré 14 500 euros brut par mois. Au-delà de 20 concerts, il touchait 5 300 euros par représentation supplémentaire. "Son salaire se situe en-deçà de la moyenne des rémunérations perçues par les chefs d’orchestre de réputation internationale, évaluée à 435 000 euros pour 15 concerts", note toutefois la Chambre régionale des comptes. A l'annonce de son départ, l'organisation de l'ONL a été modifiée, avec la dissociation des fonctions de directeur général et de directeur musical. Nommé en 2014, François Bou, le directeur général de l'ONL, touche 12 000 euros brut par mois. Le jeune chef d'orchestre Alexandre Bloch, devenu l'an dernier directeur musical, perçoit une base fixe de 2 500 euros brut par mois et 6 500 euros supplémentaires par concert. "Les concerts caritatifs et en milieu carcéral (...) ne donneront pas lieu à rémunération", précise le rapport. Le montant moyen versé par musicien était d'environ 5 900 euros brut mensuels en 2015.
Absentéisme
L'ONL compte aujourd'hui 119 permanents : 92 artistes musiciens et 27 personnels administratifs et techniques. Mais "le recours aux musiciens occasionnels a augmenté de 65 % entre 2010 et 2015", à cause des remplacements d'arrêts maladie (+ 82 %) et des postes non pourvus (+ 148 %). Selon le rapport, "l’absentéisme a doublé en six ans, en raison notamment d’arrêts pour longue maladie". En 2015, cela représentait un surcoût de 279 535 euros à la charge de l'institution."Devant l’augmentation de l’absentéisme, l'ONL a mis en place un certain nombre de mesures préventives et de formation ; la chambre l’invite à poursuivre dans cette voie", conclut la Chambre régionale des Comptes.