Pénurie de personnel à l'hôpital : les écoles en soins infirmiers se vident, syndicats et établissements pointent du doigt Parcoursup

L'hôpital public est en crise de personnel : partout dans les Hauts-de-France, des dizaines d'infirmier.e.s manquent à l'appel. L'une des causes, c'est le nouveau phénomène d'abandon en cours d'étude. La faute aux nouvelles méthodes de sélections Parcoursup, estiment plusieurs professionnels.

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Plan blanc enclenché à Roubaix, Tourcoing et Douai, fermetures temporaires de services à Amiens... La crise de l'hôpital public touche de plein fouet les Hauts-de-France. Pour la première fois, c'est le manque de personnel qui est au coeur du déclenchement de ces dispositifs d'urgence.

Epuisés par 3 ans de covid, de nombreux soignants sont en arrêt maladie et, enfermés dans un cercle vicieux, les établissements déjà en tension peinent à recruter. "On est loin de vendre du rêve aux jeunes en formation. Quand ils voient ce job où on est rappelé tout le temps sur ses jours repos, où tout le monde est épuisé, ils partent en courant", constate Virgile Rodrigues-Martin, du syndicat FO Santé d'Amiens. C'est surtout le corps infirmier qui manque à l'appel : à Roubaix, notamment, 10% de l'effectif fait défaut. Selon l'ARS des Hauts-de-France, c'est loin au-dessus de la proportion de postes vacants enregistrée au niveau national, à 3% en moyenne.

Les formations en soins infirmiers, convoités puis désertés

Au-delà des failles structurelles du système de santé, un nouveau phénomène est apparu, qui inquiète le milieu médical, celui des défections en école d'infirmiers. Pourtant, depuis que la sélection sur concours a été abandonnée au profit de l'entrée dans le dispositif Parcoursup, en 2018-2019, le nombre de candidats en formation de soins infirmiers a décollé. "Les candidatures doivent être déposées sur la plateforme, c'est une démarche de formation facilitée, avec un accès unique. Il y a une harmonisation du recrutement au niveau national. Il y a tous les efforts d'accompagnement qui sont mis en place auprès des élèves de terminale, avec un dialogue renforcé entre les IFSI et les lycées, atteste Sylvie Seynaeve, référente Parcoursup dans l'académie de Lille. Donc le nombre de candidatures dans les IFSI a fortement augmenté. C'est même l'une des formations qui a une des attractivités les plus fortes sur la plateforme."

Sur la première année, on a pléthore de candidatures, tous les instituts font le plein. Mais au cours de la formation, on a énormément d'étudiants qui arrêtent, qui se réorientent vers autre chose, qui n'ont pas le niveau.

Stéphane Wojciechowski, directeur IFSI Mons-en-Baroeul

Stéphane Wojciechowski est président du Comité d'Entente des Formations Infirmières (CEFIEC), et directeur de l'IFSI Ambroise Paré, un établissement de formation en soins infirmiers situé à Mons-en-Baroeul. Au niveau de son établissement, il fait le même constat initial : "Sur la première année, on a pléthore de candidatures, tous les instituts font le plein. Mais au cours de la formation, on a énormément d'étudiants qui arrêtent, qui se réorientent vers autre chose, qui n'ont pas le niveau." A l'IFSI Ambroise Paré, on perd désormais 12% des effectifs étudiants entre le début et la fin de la première année.

"Il faut pouvoir supporter ce que l'on rencontre à l'hôpital"

Et le directeur d'établissement, tout comme les responsables syndicaux des hôpitaux régionaux, pointe directement du doigt le changement des méthodes de sélection. "Parcoursup a eu une visée très positive pour la visibilité de toutes les formations. Mais en soins infirmiers, on ne peut plus sélectionner le profil d'étudiants. Que la partie écrite de notre concours soit supprimée, c'est une chose : c'était compliqué, peut-être pas complètement objectif. Mais l'oral avait un impact très important pour l'aspect psychologique", développe Stéphane Wojciechowski.

Que la partie écrite de notre concours soit supprimée, c'est une chose : c'était compliqué, peut-être pas complètement objectif. Mais l'oral avait un impact très important pour l'aspect psychologique

Stéphane Wojciechowski, directeur IFSI

"Il faut pouvoir supporter ce que l'on rencontre à l'hôpital. Toucher un corps malade, c'est quelque chose que l'on ne peut pas vraiment expliquer, mais ça peut être dur si l'on a pas le recul ou la force de caractère, poursuit-il. Cette formation est une alternance, on est très vite en stage, et malheureusement, on se retrouve aujourd'hui avec des étudiants qui n'ont parfois pas la méthodologie de travail, pas les connaissances, pas la force mentale nécessaire à cette charge."

Résultat, les filières s'assèchent, et les étudiants qui s'accrochent rencontrent des conditions de stage chaotiques dans des hôpitaux déjà dépassés. "Certains établissements de la région lilloise ont dans certains services une dizaine d'étudiants et deux infirmières pour les encadrer. C'est un soulagement pour eux, mais ce n'est pas correct pour les étudiants. On est dans un cercle vicieux, et les décisions prises par les politiques ne sont pas en accord avec la réalité."

En ligne de mire de cette critique : la décision du gouvernement d'augmenter les quotas en école de soins infirmiers. A l'occasion du Ségur de la Santé, le gouvernement avait annoncé quelque 4 700 places supplémentaires entre 2020 et 2022, mais tous les établissements sont loin d'en avoir les capacités. "On nous demande d'augmenter les quotas, mais nous ne sommes pas en mesure d'encadrer plus d'étudiants, déplore le président du CEFIEC. On commence à avoir des difficultés pour leur trouver des lieux de stage avec suffisamment de personnel pour les accueillir. Par ailleurs, encore faut-il avoir les moyens, les locaux pour cela. Dans mon établissement, on n'a pas pu augmenter les quotas : si je le fais, je ne suis plus dans les normes au niveau sécurité."

Lors de son élection en 2017, Emmanuel Macron avait souhaité une économie de 15 milliards d'euros sur le domaine de la santé, accentuant cette situation de flux tendu. Cette ligne d'austérité a finalement mené à plusieurs plans d'investissements massifs en urgence en 2019, 2020 et 2021, sans parvenir à résorber le déficit ni à apaiser la situation.

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