Le problème est très français et n'existe pas en Scandinavie ou en Espagne. Chez nous, le milieu du polar est machiste, que ce soit dans les médias ou les librairies. Les autrices françaises ont donc créé les Louves du polar, un collectif qui organise des opérations coup de poing, comme un concours de nouvelles dont la date limite est fixée au 29 février 2024.
Si je vous dis Franck Thilliez, Bernard Minier, Olivier Norek, vous me répondrez sans doute "maîtres du polar". Et si je vous demande une référence féminine ? Peut-être balbutierez-vous un vague Fred Vargas ou Sonja Delzongle. Pourtant, 40% des plumes du polar francophone sont des femmes, peu médiatisées. Pour se faire entendre, elles ont créé les Louves du polar et organisent un concours de nouvelles, auquel il est possible de participer jusqu'au 29 février 2024.
"Nous avons choisi cet emblème parce que la louve fonctionne en meute, explique Agathe Portail, l'une des six cofondatrices, finaliste du prix de l'Union Interalliée pour les romans français avec Les âmes torrentielles (Actes Sud), dont le résultat sera connu le 3 avril 2024. Elle est solitaire et solidaire sans être agressive, sauf si on lui cherche querelle."
"On a parfois des remarques pendant les salons, note la nordiste Rosalie Lowie, autrice d'une série de polars dont l'intrigue se passe sur la Côte d'Opale et membre du collectif. On nous dit : « Oh, vous êtes toute mignonne, vous ne pouvez pas écrire des horreurs pareilles ! »... Quand on est une femme qui écrit des polars aujourd'hui en France, on est sans doute moins crédible aux yeux de certains. Mais on est en train d'essayer de faire changer les choses, avec poigne mais aussi humour !"
Ce n'est pas une guerre des sexes, mais une démarche pour attirer l'attention !
Sandrine DestombesAutrice membre des Louves du polar
Le moins que l'on puisse dire, c'est que les Louves du polar ont la rage de faire parler d'elles ! En revanche, elles n'ont pas de comptes à régler avec leurs homologues masculins, et tiennent à le faire savoir. "Il ne s’agit pas d’une bataille féministe, précise Sandrine Destombes, membre du collectif. Ce n’est pas une guerre des sexes, mais une démarche pour attirer l’attention !"
Si le collectif compte aujourd'hui une trentaine d'autrices, son objectif est de les mettre toutes en avant. Il faut dire que les écrivaines francophones de polar ont un problème de visibilité. "Les libraires ne nous mettent pas facilement en vitrine, reconnaît Rosalie Lowie. Si beaucoup d'autrices scandinaves ou anglo-saxonnes sont visibles dans les librairies, ce n'est pas le cas des francophones."
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"Pourtant, poursuit Rosalie, nous sommes nombreuses à écrire, et dans toutes les nuances de noir ! Le polar, classique ou historique, le thriller, le gore, le fantastique, les livres jeunesse... Il y a toutes ces subtilités."
On parle là d'une spécificité française. "Les médias notamment mettent plus en avant les polars masculins, constate la journaliste, réalisatrice et romancière Cécile Cabanac, dont le prochain livre policier, À pleurer tout nous condamne, sera publié aux éditions Fleuve noir le 7 mars 2024. On s’est dit qu'on allait être les moteurs du changement, faire savoir qu’on existe. C'est pour ça qu'on a créé les Louves. Et aujourd'hui, chaque autrice qui le souhaite peut rejoindre la meute."
Une meute composée de femmes talentueuses, régulièrement primées. Ainsi, Pétronille Rostagnat a par exemple remporté le prix Cognac Polar du meilleur roman francophone 2022 avec J'aurais aimé te tuer. Citons également Annick Shutterberg, récompensée du prix Noir sur Ormesson 2023 pour La nuit des fous.
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Pour faire bouger les lignes, chaque première quinzaine de novembre a lieu l'opération Vitrines des louves, durant laquelle une centaine de librairies françaises et belges organisent des têtes de gondole ou des tables 100% féminines.