Le ministère des Anciens combattants a annoncé lundi 15 mai que 45 sites, dont 10 dans les Hauts-de-France, s'ajoutaient à la liste des structures d'accueil donnant droit à réparation pour les Harkis et leurs familles. Jusqu’à 14 000 personnes supplémentaires pourraient être indemnisées à la suite de leur passage dans l’une de ces structures.
Le travail de reconnaissance des anciens supplétifs de l'armée française pendant la Guerre d'Algérie se poursuit. Jusqu'à 14 000 Harkis ou leurs descendants supplémentaires vont être éligibles à des indemnisations pour avoir séjourné dans des structures d'accueil françaises aux conditions déplorables entre 1962 et 1975, a annoncé lundi le gouvernement.
Après l'adoption de la loi du 23 février 2022, portant reconnaissance de la Nation envers les Harkis, une commission d'historiens avait établi une liste de sites d'accueil donnant droit à réparation. Mais elle comptait essentiellement des structures situées dans le sud de la France. Les seuls sites de la région à y figurer étaient les citadelles de Doullens et d'Amiens dans la Somme.
On aurait dû aller plus loin et parler des souffrances psychologiques, des échecs scolaires, des problèmes liés à l'alcool et à la drogue.
Kader Moktari, coordinateur du collectif Justice pour les Harkis
Quarante-cinq nouveaux sites s'ajoutent désormais aux 89 structures déjà répertoriées : "Avec cette décision (...), c'est une nouvelle injustice que nous réparons, notamment pour des régions où jusqu'ici, les préjudices subis par les Harkis y ayant vécu avaient été peu reconnus", comme les Hauts-de-France ou la Normandie, a déclaré mardi 16 mi Patricia Mirallès.
Désormais, dix nouvelles structures d'accueil des Hauts-de-France donnent droit à indemnisation :
- Poix-de-Picardie : domaine du Vert Bois (Somme)
- Amiens : cité d’urgence du boulevard de Strasbourg (Somme)
- Amiens : cité de la briqueterie (Somme)
- Longueau : cité de l’Avre (Somme)
- Sissone : les baraques formant « le village » à la lisière du camp militaire (Aisne)
- Dunkerque : logements SONACOTRA-SNCF (Nord)
- Haumont : baraquements USINOR (Nord)
- Louvroil : cité de la rue du docteur Schweitzer (Nord)
- Roubaix : centre d’hébergement du boulevard Gambetta (Nord)
- Méricourt : baraquements HBNPC (Pas-de-Calais)
"C'est une certaine satisfaction dans la mesure, où la loi avait mis à l'écart beaucoup de victimes de violences (...) La première liste se limitait aux camps et hameaux de forestage [ndlr : sites où les anciens Harkis étaient employés à des travaux de reboisement et d’aménagement] ", réagit Kader Moktari, coordinateur du collectif Justice pour les Harkis.
M. Moktari est né à Amiens et a vécu avec sa famille à la citadelle, puis à la cité de la briqueterie : "Ça se passait mal, il y avait beaucoup de violences". Des conditions si difficiles que son père fait le choix de partir vivre dans l'Aude dès 1968. Cette violence, justement, n'a pas été suffisamment prise en compte : "Le gouvernement a voulu aller trop vite. On aurait dû aller plus loin et parler des souffrances psychologiques, les échecs scolaires, les problèmes liés à l'alcool et à la drogue".
Près de 60 millions déjà versés
Selon un communiqué du ministère des Anciens combattants, 26 200 dossiers ont été reçus par l’Office National des Combattants et des Victimes de Guerre (ONaCVG). La commission a étudié 7543 dossiers, dont 7071 ont fait l’objet d’une décision favorable. Le montant moyen attribué s’élève à 8 800 euros et le montant total versé s’élève à 59,1 millions d’euros.
Des sommes très insuffisantes pour Kader Moktari : "Les Harkis n'ont jamais bénéficié d'indemnisation pour les biens perdus en Algérie, contrairement aux Pieds noirs. Cette loi de 2023 est bancale et méconnait le principe de la réparation intégrale".
Depuis 2003, une Journée nationale rend hommage aux Harkis et autres membres des formations supplétives qui ont combattu pour la France au cours de la guerre d'Algérie. Mais il leur aura fallu attendre le 20 septembre 2021 pour obtenir une demande de pardon officielle de la part du président de la République Emmanuel Macron pour l’abandon subi à leur arrivée en France.