Roubaix, quartier de l’Epeule. C’est ici, dans un lieu où le chômage et les demandes de minimas sociaux ont explosé, qu’une bande d’irréductibles optimistes a fait le pari d’allier rentabilité et insertion, dans un secteur que l’on croyait disparu à jamais, celui du textile.
À Roubaix, la rue de l'Industrie portait décidément mal son nom…
Oui, portait, jusqu'à l'apparition du Covid. Car la pandémie a permis de faire naître en quelques jours un atelier de masques, dans une ancienne usine de chaussettes. Nous étions en mars 2020, autant dire une éternité. À l’époque, l’association Résilience - qui a déjà permis à d’autres entreprises de renaître de leurs cendres, en employant des personnes déclassées, et en privilégiant des circuits courts de production - envoie sur le site du Nord l’un de ses meilleurs atouts, Stéphanie Calvino. Sa mission : relever le gant de la fabrique de masques, et signer des contrats de travail avec celles et ceux dont le déclassement tient lieu de CV.
La pandémie comme point de départ
Stéphanie Calvino le confesse, sans la crise du Covid-19, rien ne se serait passé.
"Oui… Le début, c'était les masques et ensuite on s’est dit forcément, Roubaix, fleuron de l’industrie textile depuis 40 ans… C’est peut-être l'occasion qu’après le masque, on puisse permettre à ce que la relocalisation textile se fasse ici".
Sacré pari à relever, quand on connaît le quartier de l’Epeule, situé en plein centre de Roubaix et ses statistiques sociales affolantes.
C’est l’un des quartiers les plus pauvres de la ville, avec un taux de chômage qui grimpe à 33 %, parmi une population jeune, en moyenne 30 % de personnes ont moins de 30 ans… Mais, le succès venant, l'atelier de masques est devenu un atelier de confection de vêtements qui emploie désormais 120 personnes.
Salarié emblématique de la démarche de l’atelier Résilience, Ousmane n’avait, sur le papier, quasiment aucune chance de retrouver un emploi. Derrière ses dred locks rouges et noires, il témoigne de sa galère.
Mon parcours n’a pas été simple. Ils m'ont pris directement, ils n’ont pas regardé, ils n’ont pas jugé mon passé.
Ousmane
Parce que juste avant ça il avait postulé ailleurs, et ce n’était pas passé, sachant qu'il a un casier judiciaire…
60 000 kms pour un tee-shirt
Chez Résilience, la philosophie n’est pas la même que dans celle des ateliers d’Inde ou d’Asie, quitte à augmenter les prix. Stéphanie en témoigne. "Le coton est cultivé, tissé, filé en Grèce. En passant par l’Allemagne, on arrive à sortir un tee-shirt qui parcourt moins de 5 000 kilomètres, sachant que la plupart des tee-shirts font 60 000 kilomètres en général."
Le made in France, tout le monde surfe dessus parce que c'est tendance. Je pense qu'il faut aller plus loin que ça. Ici chez Résilience on raconte une histoire, celle d'aller chercher les gens qui sont en difficulté, de transmettre des savoirs faire, et de reproduire local.
Stéphanie Calvino, association Résilience
Made in Epeule
Le "produire local", terme revenu à la mode avec la crise sanitaire, s’avère complexe à mettre en œuvre dans bon nombre de secteurs industriels… Mais ici, c’est une réalité qui profite directement aux habitants de Roubaix.
Stéphanie Calvino peut en être fière, même si elle sait que le combat commence à peine. "Après la guerre, il y a toujours de belles choses qui sortent, et donc je me dis que même si la Covid a été un chaos terrible et ça va l'être encore je pense, ça aura permis de créer des emplois, de mettre de la valeur, de donner de la reconnaissance à des gens qui en étaient très loin".
Loin de la seule fabrication de masques, l’atelier de Roubaix attire aujourd’hui les plus grandes marques, soucieuses de bénéficier d’un savoir-faire… Made in Epeule.