Le portrait de la semaine : de Damas à Hollywood, Daniel Essa, refugié et designeur de sneakers de luxe à Roubaix

Daniel Essa est Syrien. Il y a 4 ans, il crée sa marque française de chaussures de luxe à Roubaix. Nominé dans la catégorie "Créateur de chaussures de l’année" des Drapers Footwear Awards 2021, pour ce réfugié politique, c'est une consécration.

"Je voulais avant tout toucher les gens et les aider à trouver leur propre style pour s’exprimer et s’affirmer". Il y a 8 ans, Daniel Essa fuit son pays en guerre, la Syrie, pour tout recommencer à zéro. Et s’il se réfugie d’abord en Espagne, c’est à Roubaix qu’il choisit en 2017 d'installer son atelier pour se lancer dans un pari fou : faire naître une nouvelle griffe reconnaissable entre toutes dans le secteur si concurrentiel de la sneaker, la basket de ville.

Star de la télé en Syrie

Pari réussi. Depuis le lancement de la marque, les sneakers de luxe de Daniel Essa s’arrachent par le tout-Hollywood. Tout est parti d'une simple paire qui a franchi l'Atlantique en 2018 dans les bagages du directeur artistique d'une boutique de mode américaine. Lors de la Fashion week, Whoopi Goldberg remarque les sneakers. Rapidement, elle passe commande à Daniel. Puis l'actrice Bella Thorne ou encore la mannequin Olivia Palermo qui deviennent très vite ses clientes privilégiées.

Lorsque la guerre est arrivée, c'était obligatoire de partir. J’ai dû tout laisser derrière, c’était très dur.

Daniel Essa

Fuir son pays sous le coup des bombes pour se reconstruire en Europe. C'est dans ce drame que Daniel Essa en a sans aucun doute puisé sa force : "dans mon pays, après avoir suivi ESMOD à Damas, j’avais investi dans un atelier mais lorsque la guerre est arrivée, c'était obligatoire de partir. J’ai dû tout laisser derrière, c’était très dur." Car en Syrie, Daniel Essa, dont le prénom est alors Nabil, est une star de la télévision : il animait une émission de relooking sur une rande chaîne syrienne. Il était également connu pour ses conseils beauté sur internet.

Sa famille quitte Oms et lui, Damas où il a sa vie. Après l'Espagne, Daniel arrive en France en 2015. Il ne parle pas français et apprend sur internet.

Malgré tout, ce féru de mode, désormais loin de ses proches restés à Marmarita dans les montagnes syriennes près du Liban, veut rester positif. "La guerre, c'était très difficile, mais maintenant, il faut voir le côté positif : je suis bien ici et j'ai créé ma marque." C'était en 2017. Il aurait pu travailler pour les grandes marques du luxe à Paris mais il a écouté ceux qui ont cru en son projet. 

Un créatif entrepreneur

Car si Daniel Essa a trouvé dans la région Hauts-de-France un port d'attache, c'est grâce à Maisons de mode, un dispositif unique qui se présente comme un accélérateur de talents dans le domaine de la mode. "C’est sa force de persuasion qui nous a séduit", reconnait sa directrice Emmanuelle Axer. "Habituellement nous choisissons d’accompagner des projets avec des prototypes. Daniel, lui, est arrivé avec son seul nuancier de couleurs, une semelle et un bout de cuir, mais il était tellement passionné par son projet, qu’on ne pouvait pas, ne pas l’accompagner."

Daniel est arrivé avec son seul nuancier de couleurs, une semelle et un bout de cuir, mais il était tellement passionné par son projet, qu’on ne pouvait pas, ne pas l’accompagner.

Emmanuelle Axer, directrice de Maisons de Mode

Créatif, entrepreneur, pro de l’image, du marketing, des produits, la directrice de Maisons de mode ne tarit pas d’éloge sur le créateur d’origine syrienne. "On a tout de suite vu qu’il avait un plan de collection très muri, et surtout une exigence à tous les niveaux. Il vise l’excellence pour lui, comme pour sa marque, tout en ayant une identité à part."

Une identité qui passe par la technicité et l’innovation sur un marché ultra concurrentiel, en parvenant à créer son propre courant. Un style, défini après une longue étude de marché et qui se résume en un mot : minimalisme

Et c’est grâce à des détails minimalistes et une recherche toute particulière apportée au choix des couleurs et des matières utilisées, qu’il réussit en une collection à bousculer les codes de la sneaker traditionnelle pour en faire un produit de luxe personnalisable.

Une ligne personnalisable et respectueuse de l’environnement

Les produits Daniel Essa sont fabriqués à la main en Italie à partir de cuirs durables certifiés, en combinant des techniques traditionnelles avec les dernières technologies pour minimiser les déchets et optimiser l’utilisation des matériaux.

"Mes baskets, je les ai pensées comme de véritables petits bijoux d’architecture, à la fois élégantes et fonctionnelles." Chaque paire minutieusement conçue raconte un instant de vie du créateur, avec une expression qui lui est chère, dissimulée à l’intérieur de la languette :

Daniel Essa n'a pas choisi non plus au hasard l’emblème de ses sneakers de luxe : la licorne. Un animal à la symbolique forte, dont la simple apparition laisse entendre pour la personne qui l’observe, que ses difficultés seront surmontées avec succès. Notre créateur en est convaincu.

Sa nomination au "Drapers Footwear Awards 2021" : une consécration 

Seulement 4 ans après le lancement de sa marque, Daniel Essa est nominé pour le prix Footwear Designer of the Year/Designeur de chaussures de l'année aux Drapers Footwear Awards 2021 qui célèbre les performances, les innovations exceptionnelles ainsi que la créativité des marques. Quand il apprend sa nomination, il ressent une véritable reconnaissance. "Etre nominé aux côtés de nombreux designers estimés et talentueux, c’est comme la preuve de ce en quoi j’ai toujours cru, la reconnaissance de mon talent." Le talent d’un homme qui, malgré les obstacles à surmonter, son pays en guerre d'abord, la crise sanitaire ensuite, a réussi à faire croitre sa jeune marque, à force d’investissement personnel et de détermination. "Etre dans les six finalistes, aux côtés de marques qui ont injecté des millions d’euros dans leurs collections, c’est ce qui me touche le plus."

Être nominé aux côtés de nombreux designers estimés et talentueux, c’est comme la preuve de ce en quoi j’ai toujours cru, la reconnaissance de mon talent.

Daniel Essa

Assurément une belle consécration, pour celui qui aujourd’hui, bénéficie d’un corner aux Printemps de Lille et Printemps Haussmann à Paris, mais également à Dubaï, dans la plus grande boutique de luxe "Level shoes". Une preuve supplémentaire pour lui que le talent est plus fort que l’argent.

Certainement une juste récompense pour ce créateur qui a mis toute sa volonté, son enthousiasme et son audace dans la conception de ses chaussures. Parmi les lauréats précédents de ce prestigieux concours, on compte Jimmy Choo, Dr Martens ou encore Ted Baker. Il faudra attendre le 23 septembre pour savoir si Daniel Essa ajoute son nom à ceux qui sont aujourd'hui des icônes de la chaussure.

 

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