PORTRAIT. De bénéficiaire à directrice du plus grand Secours populaire de France, Nora Chiheb, une vie au service des autres

Après avoir poussé la porte du Secours populaire en 2015 en tant que bénéficiaire, Nora Chiheb est aujourd'hui directrice adjointe du plus gros comité de France. Histoire d'un parcours hors du commun, au service des autres.

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Téléphone toujours vissé à l’oreille, elle salue au pas de course la trentaine de salariés et les 150 bénévoles qui viennent prêter main-forte à l’association. "Je connais les prénoms de tout le monde", sourit la directrice adjointe du Secours populaire de Roubaix, le plus grand comité de France. 31 203 bénéficiaires sont actuellement recensés, soit l’équivalent de la population de la ville de Lens. 

Dans les locaux de l’association, chaque personne qui croise Nora a droit à un sourire, un petit mot attentionné et personnalisé. "Je m’occupe essentiellement du partenariat, de la logistique, des bénévoles, des inscriptions, liste Norah. Mais l’objectif est surtout que chacun se sente bien".

Dans l’entrepôt où des palettes remplies de boîtes de conserve touchent quasiment les plafonds, elle salue Abdou, un salarié. "Que va-t-on pouvoir mettre dans les colis d’urgence cet après-midi ?", demande-t-elle. Ce jour-là, ce sera du riz, des haricots verts frais glanés quelques jours plus tôt dans un champ des Flandres par les bénévoles, du lait et de la viande surgelée. À l’arrière du site, dans les locaux de la ressourcerie, Nora observe, et demande à mettre de côté un petit bureau. "C’est pour un étudiant qui m’a sollicitée. Jusqu’à présent, il faisait ses devoirs sur le sol. Comment voulez-vous y arriver ?"

Outre les numéros de ses 5 enfants et de ses proches, on trouve dans son répertoire les contacts des salariés de la structure, des dizaines de bénévoles qui viennent donner un coup de main, de plusieurs bénéficiaires qu’elle accompagne lors des rendez-vous importants. Il y a aussi les numéros des transporteurs qui effectuent les livraisons quotidiennes de nourriture, ceux des nombreux partenaires – grandes entreprises, commerces de proximité ou agriculteurs qui autorisent le Secours à glaner les champs une fois la récolte terminée. "Je ne compte pas mes heures", résume Nora Chiheb, qui aime son métier. Elle prend peu de congés, travaille parfois les week-ends, le tout pour un salaire de 1 900 euros chaque mois. 

"Le secours m’a permis d’être digne devant mes enfants"

À 54 ans, Nora Chiheb a une histoire qu’elle qualifie elle-même d’atypique. D’une vie classique, aux côtés d’un mari à la tête d’une entreprise, cette maman de 5 ans s’est, du jour au lendemain, retrouvée sans rien. "J’ai divorcé à la suite d’une situation très compliquée, et je me suis retrouvée à passer d’une vie aisée à une survie, avec la CAF à 775 euros pour nourrir mes 5 enfants", raconte-t-elle, pudiquement.

Plus de voyages, plus de voiture, plus de courses dans les supermarchés. Face à cette détresse, la sœur de Norah a décidé de l’emmener dans une épicerie du Secours populaire de Roubaix. "Ce qui m’a le plus marqué, c’est les prix participatifs. Je me suis dit : "mais c’est pas possible, il y a une différence et les produits sont ici jusqu’à 5 fois moins chers". J’ai demandé si on pouvait y accéder et on m’a dit oui". Des distributions de colis d’urgence aux épiceries de la structure, Nora Chiheb s’y retrouve. Pour elle, mais surtout pour ses enfants. "J’ai eu la dignité de pouvoir continuer à alimenter mes enfants, à leur donner quelque chose dans leurs assiettes sans trop changer leurs habitudes, parce que ce sont des produits que j’achetais avant en supermarché".

L’accueil est très important. Si on m’avait mal accueillie au départ, je ne serais jamais revenue et je ne sais pas où je serai aujourd'hui.

Nora Chiheb, directrice adjointe du Secours populaire de Roubaix

De bénéficiaire, Norah Chiheb décide de s’engager bénévolement dans la structure, jusqu’à se voir proposer un contrat aidé de 20 heures par semaine. "Il fallait que je travaille et on m’a donné ma chance". Une voiture est mise à sa disposition pour démarcher les partenaires. Le début d’une collaboration qui ne s’est depuis jamais arrêtée.

Norah Chiheb est aujourd’hui directrice adjointe du comité de Roubaix et secrétaire départementale du Secours dans le Nord. "Ils m’ont sorti de la merde et m’ont donné l’opportunité de garder la tête haute devant mes enfants", résume cette maman qui met aujourd’hui sa propre expérience au service des autres.

Au chevet de tous ceux qui en ont besoin

Parmi les centaines de bénéficières que Nora a rencontrées, elle tient à nous raconter l’histoire de cette femme, prostrée, cachée derrière une grande capuche, rencontrée lors d’une maraude à Roubaix. "Nous lui avons servi un repas chaud, puis un deuxième. Elle est ensuite venue chercher un colis d’urgence, nous expliquant qu’elle ne travaillait pas. Je lui ai demandé si elle savait cuisiner, et on lui a fait un contrat aidé d’un an pour faire les repas qu’on sert chaque jour gratuitement aux salariés et aux bénévoles qui travaillent ici". Elle n’a aujourd’hui plus de nouvelles. "Je sais qu’elle a trouvé un travail, un logement. Le job est fait".

Son regard est bienveillant. "Je suis passée par là et je comprends vraiment le désarroi de ces personnes qui poussent la porte du Secours", raconte Nora. Dans une société de plus en plus précaire, elle constate une évolution dans le profil des bénéficiaires. Outre les familles monoparentales, de plus en plus de retraités, d’étudiants et de salariés viennent demander de l’aide. "Avant, on n’avait plus d’argent à la fin du mois, analyse Nora Chiheb. Aujourd’hui, c’est à partir du 10. La priorité, c’est d’avoir un toit sur la tête, donc on doit payer son loyer, son électricité... et rogne sur la nourriture, jusqu’à ne plus rien avoir pour manger. Heureusement qu’il existe des structures comme les nôtres pour aider des familles dans le désarroi total".

Infatigable et encore prête à donner de son temps, Nora Chiheb n'est pas prête de raccrocher. "Au service des autres, des humains", sourit-elle. Comme la devise du Secours populaire.

Si vous souhaitez aider le Secours populaire, vous pouvez faire un don en ligne ou devenir bénévole en vous inscrivant via ce lien. Une grande braderie est organisée par Nora Chiheb et ses équipes dans les locaux du Secours populaire de Roubaix ce samedi 30 novembre à partir de 11 heures. Ouverte à tous, les achats soutiennent les actions solidaires en faveur des plus démunis.

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