D’origine dominicaine, pionnier du mouvement graffiti new-yorkais des années 80, JonOne est un graffeur et un peintre ultra prolifique dont les toiles se vendent à des dizaines de milliers d’euros. L'artiste, originaire de New York, a installé en 2017 un de ses ateliers à Roubaix.
Qu’est-ce qui a bien pu mener JonOne, cet enfant de Harlem à New-York, jusqu’au quartier de la gare de Roubaix ? Le talent bien sûr. Des rencontres aussi. Mais JonOne est surtout un artiste au grand cœur, parrain de la 7e Édition Solid’art le 4 juin à Lille
Une double naissance
John Andrew Perello, cet enfant de Harlem né en 1963, découvre l’art à l’âge de 17 ans, grâce au métro. "Je m’ennuyais dans mon quartier. Alors, je taguais partout. Tout le temps." Il fait ainsi ses classes en bombant les murs de son quartier : "ce qui m’a vraiment amené au tag a été de voir les autres peindre des graffitis dans toute la ville".
Les trains vont aussi devenir son terrain de jeu : ils sont pour lui "comme un véritable musée roulant". Un musée roulant, qui, recouvert de graffitis, engendre comme par magie des traînées de couleurs avec la vitesse.
Car ce qui le distingue des autres artistes graffiti, c’est précisément cette attention apportée à l’agitation et au mouvement de la couleur plutôt qu’à la figuration. Dans ses peintures-graffiti, l'espace est entièrement utilisé, le vide blanc n'existe pas. La couleur apparaît comme la charge vitale de John, sa palette est riche et vive.
C’est l’époque des trains tagués, mais aussi celle du lettrage sur des skates, ou des rideaux métalliques : "la bombe, c’est mes racines", aime-t-il rappeler.
C’est également à cette époque qu’il rencontre le graffeur américain A-One, (de son vrai nom Anthony Clark, le plus jeune artiste à avoir été exposé à la Biennale de Venise, il n’avait que 20 ans), qui avait l’habitude de traîner avec Jean-Michel Basquiat, l’un des peintres américains les plus marquants du XXe Siècle. "J’écoutais les récits de A-One, qui voyageait en Europe et revenait avec beaucoup d’argent, simplement grâce à son art, mes yeux brillaient d’envie".
Jon décide alors de fonder en 1984 le groupe 156 All Starz, numéro de sa rue, il devient alors JON156. Il commence à apposer sa signature un peu partout dans la ville. JonOne est né.
Une naissance, une renaissance
JonOne change de support : "j’ai commencé à maîtriser le pinceau, l’acrylique, l’huile". Mais surtout il veut plus... Des rencontres, de la nouveauté, de la pérennité aussi. L’artiste veut laisser sa trace, son empreinte, et commence alors en 1985 à peindre sur toile (support avec lequel il sera exposé à travers le monde entier).
Une rencontre avec le graffiteur parisien Philippe Lehman, dit Bando, va lui donner l’occasion de "poursuivre son enrichissement personnel". Bando le pousse à s’installer à Paris en 1987. Il délaisse la rue, pour les galeries avec toujours la même énergie, la même envie... Créer... Un acte vital.
JonOne, le dit : "je crache la vie que j’ai en moi sur mes toiles, c’est un corps-à-corps, un corps-à-cœur avec la couleur, le pinceau, la toile elle-même"... Pour au final donner naissance à ces œuvres foisonnantes, étonnantes, où mouvements brusques et fluides alternent dans un magnifique dédale de couleurs.
Un travail acharné, qui vaut à cet artiste autodidacte, ultra prolifique, d’être aujourd’hui exposé dans le monde entier, de collaborer avec les plus grandes marques. Il est également l’un des rares artistes contemporains à avoir sa toile à l’Assemblée nationale Liberté, Égalité, Fraternité. Inspirée du tableau d'Eugène Delacroix La Liberté guidant le peuple, comme un hommage aux fondements de la République et de la démocratie.
C’est également lui qui est choisi pour peindre les rames des Thalys pour le lancement des lignes Amsterdam et Cologne en 2009.
De Harlem à Roubaix
Si l’artiste franco-américain est représenté depuis 10 ans maintenant par la galerie lilloise Provost-Hacker, c’est depuis 2017, qu’il possède un atelier à Roubaix dans le Nord. Une installation que l’on doit à son assistant et ami Mikostic, le graffeur et plasticien de talent roubaisien, qui collabore avec lui, notamment pour la scénographie des expositions.
Un choix que ne regrette pas JonOne tant la cité nordiste lui rappelle l’énergie du Harlem de son enfance. Et il l'avoue : "j’ai une profonde admiration pour Majoud Ben Bella, son œuvre toute en lignes, en couleurs et lumières."
Dès lors pas étonnant que cet atelier, qu’il appelle son havre de paix, ressemble un peu à celui de l’artiste défunt lui-même nordiste d’adoption.
Un artiste au grand cœur
Si c’est à la générosité que l’on reconnaît les grands hommes, JonOne en est assurément un. Admiratif de l’Abbé Pierre, il soutient ardemment sa fondation, au point d'en devenir un des principaux mécènes. Il customisera par exemple la Rolls Royce d’Éric Cantona qui sera vendue 125 000 € au profit de la Fondation Abbé-Pierre.
Généreux, JonOne n’oublie pas non plus d’où il vient. Lui qui a connu la précarité et la violence a trouvé dans la création un moyen de survivre, un moyen de lutter, sans haine, ni colère. Un chemin de vie qui a séduit les organisateurs de Solid’art, le Salon Solidaire d’Art Contemporain du Secours populaire, qui se tiendra du 4 au 6 juin à Lille et qui permet grâce à la vente d’œuvres léguées par des artistes, d’offrir des vacances à des enfants.
Comme l’explique le commissaire de l’exposition, Florian Neveu, "si nous en sommes à notre 7e édition, depuis maintenant 3 ans, nous choisissons chaque année un parrain. Après Jef Aerosol, et Hervé Di Rosa, c’est JonOne que nous avons choisi cette année."
Cet artiste phare, mondialement reconnu, a lui aussi découvert pour la première fois les vacances grâce à une association aux Etats Unis : "parrainer Solid’Art et participer ainsi à la campagne Vacances sonnait comme une évidence".
Particulièrement investi et très actif dans le milieu caritatif, JonOne a ainsi fait don pour la 7e édition de SolidArt, d’une vingtaine de sérigraphies. Il réalisera également une performance durant le salon, deux toiles de 1m50 sur 2 mètres qu’il peindra en direct pendant 2 jours avant d’être vendues aux enchères. 100 sérigraphies de cette toile de JonOne seront également vendues lors de Solid’art :
La création comme œuvre de générosité, c’est sans aucun doute le message de ce cœur débordant de couleurs et de lumière peint par l’artiste, qui trône fièrement sur l’affiche de la 7e édition de Solid’Art.
On vous le disait JonOne, assurément un grand homme.