Théo, jeune créatif, s'interroge sur l'influence des racines africaines quand on habite Roubaix. Au gré de rencontres avec 6 artistes roubaisiens issus de la diaspora africaine et du monde culturel local, il écrit un slam, qui sera le point d'orgue de cette série documentaire imprégnée de musique.
Théo Yossa est un roubaisien, de mère française et de père camerounais. L'étudiant à l’énergie contagieuse projette d'enregistrer en studio l’un de ses textes, consacré à l’influence de son héritage culturel multiple - Français, Camerounais, Roubaisien - et d'en tourner le clip. Chaque épisode de la série se termine par un passage du texte en construction, slamé a cappella.
Six épisodes, six rencontres
A Roubaix, où l’on compte près d’une centaine de langues parlées, ce projet est l’occasion pour Théo d'aller à la rencontre de six artistes ou créateurs issus de la diaspora africaine locale. Tout en montant son projet, il confronte ses certitudes à leur contact, apprend, écoute et grandit.
Playlist : voir toute la série
Producteur musical, rappeuse, danseuse, acteurs associatifs, “sapeur”... Découvrez Lyna (Punchlyn), Lunzi, Ismaël (Mc Métis), Jeannine, Sabiha et Joël qui évoquent leurs influences musicales, culinaires ou vestimentaires, racontent leur adhésion ou leur rejet des traditions, la place des anciens, leurs liens avec les proches au pays. Comment se manifeste, en eux et dans leur univers créatif, leur double culture, ce désir de s’approprier leur histoire ?
Au cours de cette plongée à la croisée des cultures “afro-roubaisiennes”, Théo approfondit ses réflexions inspirées par les racines et les rêves des jeunes de la ville. A la façon d’un voyage initiatique, il avance dans l’écriture de son slam et la production de son clip qui sera l'aboutissement de la série.
Lyna (Punchlyn)
Théo nous emmène au Bar Live, haut lieu des jam sessions roubaisiennes, au carrefour des cultures. Il y retrouve Lyna le temps d’une improvisation et lui présente son projet de texte sur l’influence des racines africaines à Roubaix. La jeune chanteuse évoque son héritage kabyle, qui lui a notamment été transmis par la musique.
Ses parents ont eu beau l’encourager à ne pas faire de vagues, à s’intégrer, à troquer la langue de ses ancêtres contre le français, Lyna n’a pas pu s’empêcher, en suivant la voie de la musique, d’entreprendre un travail d’archéologie poétique sur ses origines.
Lunzi (Bash)
A 25 ans, master de commerce international en poche, Lunzi Agbogan, aka “Bash” porte déjà plusieurs casquettes. Directeur artistique du jeune label de musiques, Bamy Prod, Lunzi fait aussi partie (aux côtés de Joël Soglo, autre personnage du film) des fers de lance d’Anti-Fashion, un collectif qui ambitionne de faire bouger l’industrie du vêtement, mettant l’upcycling au coeur de sa démarche.
S’il vient du milieu hip-hop, Lunzi a troqué le micro voici quelques années pour tenter sa chance en coulisse, côté production. Son label s’inscrit dans le créneau afro, nouvelle scène musicale tendance aux sonorités africaines contemporaines et remixées. C’est lui que Théo a choisi pour l’aider à élaborer une instru sur mesure pour son slam.
Ismaël Métis
Sur un banc du Parc Barbieux, Théo fait une halte auprès de sa petite soeur Elia. Pour elle, c’est clair : il y a deux poids deux mesures. Les gens se montrent moins insistants sur nos origines si l’un de nos parents est italien ou polonais plutôt que Camerounais.
Ismaël Métis, connaît l’histoire. Père algérien, mère franco-polonaise : il incarne à lui seul ce brassage propre au Nord de la France. Le titre de son dernier album, Permis de déconstruire, sonne comme un manifeste. Lorsqu’il fonde la compagnie Trous d’mémoire, l’ambition est claire : s’inscrire à la croisée de l’artistique, du populaire et de la recherche-action.
Actuellement en résidence à Roubaix avec sa compagnie, Ismaël reconnaît à la ville une effervescence unique, avec “son propre langage et sa propre culture”. L’endroit idéal pour questionner les mémoires collectives avec les habitants et mettre au jour les récits qu’on a préféré “enterrer ou taire”.
Jeannine
Direction Lille, quartier populaire de Wazemmes, où se trouve le studio de danse de Wawa l’asso. Wawa l’asso, c’est “bien plus que de la danse”, assure Jeannine, sa fondatrice. Énergie débordante, cheveux naturels portés en locks, cette chorégraphe originaire du Cameroun est une figure incontournable de la vie culturelle africaine dans la métropole lilloise.
Née à Paris, elle a vécu dix ans au Cameroun avant de s’installer, à l’adolescence, dans un village de l’Oise avec sa famille, persuadée au début qu’elle n’est là que pour les vacances. Jeannine prend conscience de son africanité au collège “où il n’y avait que deux noirs”. Au Lycée, la découverte du rap et de la danse sur des percussions congolaises la poussent à s’interroger plus avant sur son identité culturelle. Elle décide alors de poursuivre des études de médiation culturelle où elle forge son engagement.
Son désir affirmé que la diaspora africaine prenne le contrôle de la narration de son histoire interroge Théo à son tour : a-t-il sous-estimé le poids de l’histoire coloniale ?
Sabiha
Théo se souvient avoir rencontré Sabiha pour la première fois dans une battle de danse. Peut-être était-ce déjà au Pôle Deschepper, le temple de la danse hip-hop ? Impossible de se souvenir, mais c’est bien là qu’il rejoint la jeune danseuse aux multiples facettes. Là où elle a appris à danser comme bon nombre d’ados de Roubaix.
Née en Kabylie, elle a débarqué dans le Nord de la France à l’âge de quatre ans. Elle raconte sa difficulté à se libérer des chorégraphies imposées, à oser se forger ses propres mouvements, à lâcher prise.
Sa quête identitaire est née du geste, pas l’inverse. Une prise de conscience des dissonances entre les parti-pris éducatifs et linguistiques de son père et de sa mère, diamétralement opposés, qu’elle exprime, entre deux mouvements, à travers la métaphore de l’empreinte, comme si l’identité était une chaussure rythmant nos pas.
Joël
La nuit tombe sur Roubaix et Théo débarque à la friperie Casa Vintage pour mettre une pincée de style dans son projet de clip. Joël, propriétaire des lieux, est d’origine togolaise et béninoise ; il est né au Gabon où sa mère vendait du wax.
A travers l’héritage culturel transmis par ses parents, Joël affirme avoir appris la détermination et la débrouillardise. Cette culture africaine impacte encore aujourd’hui sa manière de voir les choses. Influencé par des figures panafricaines comme Thomas Sankara, qui jouent un rôle central dans ses inspirations et guident son imaginaire créatif. Toujours élégant, Joël explique avoir écumé depuis tout petit les friperies pour y chiner des vêtements “hors du commun”. D’abord par nécessité, faute de moyens, puis pour le plaisir du style. A tout juste 21 ans, Joël est désormais membre du collectif Antifashion et a fait de la mode un métier engagé, où les invendus servent de matière première à des créations textiles.
Théo fait le bilan. À la lumière de celles des personnages dont il vient de croiser la route, il esquisse une définition de son “Africanité”... assurément roubaisienne.
Le slam de Théo
Parce qu'on est né ici mais que notre histoire a commencé ailleurs / Que nos victoires résonnent aussi ailleurs / Mais qu'elle soient ici aussi amères / Je le dis sciemment qu'on a pas que comme choix de carrière : footballeur ou MC hammer
“Des Racines et des Rêves”, un slam movie sur la culture afro-roubaisienne
Une web-série documentaire de 6 x 10' et son clip, co-écrite par Flora Beillouin, Quentin Obarowski et Julien Pitinome, réalisée par Quentin Obarowski, et signée "Les Haut-Parleurs". Une coproduction de France 3 Hauts-de-France et Fablabchannel, avec la participation de Pictanovo et du CNC.
Un projet collaboratif avec le Labo 148 de La Condition Publique et l'ESJ Lille. Dans le cadre de la Saison Africa2020 avec l’Institut français.
Musique : Sam Heaven (BAMI PROD). Auteur et interprète : Théo Yossa.