Thomas Ruyant a un objectif clair : remporter la Route du Rhum. Après des mois d’intenses préparations, celui qui fait partie des favoris est prêt à viser la première place après sa victoire en double à la Transat Jacques Vabre en 2021.
A quelques jours du début de la Route du Rhum, les voyants sont presque au vert pour le skipper Thomas Ruyant et son équipe. "J'ai l'impression d'être dans l'état voulu : moi, le bateau, l'équipe, note-t-il. Je sens qu'il y a une bonne dynamique où tout le monde est focus sur le départ de cette belle épreuve". Quelques "micro-détails" restent à vérifier avant le grand départ, prévu le 6 novembre prochain à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine).
Cette année déjà, il a participé à plusieurs compétitions, comme "le Vendée Arctique, le Défi Azimut". Mais une chose est certaine, il a bien gardé "en tête cette Route du Rhum" qui représente à ses yeux "un des gros objectifs" de l'année.
En effet, il y a une sorte "d'entonnoir qui se fait et tout le déroulé de la saison s'organise en fonction de cet objectif final".
"On a eu pas mal de courses cette année"
Pour arriver à ce stade avancé - quasi complet - de préparation, il lui a fallu beaucoup d'entraînements. Car comme il le rappelle, la voile est "un sport à part entière". Il faut se préparer pour "ne pas se blesser" et surtout pour supporter les charges lourdes. "On a neuf voiles à bord du bateau, chaque voile c'est 60-70 kilos, on les déplace, on les manipule, on les hisse, on les affale". D'autant plus qu'une manœuvre ou un changement de voile représente "une demi-heure, trois quarts d'heure à la colonne".
Heureusement, Thomas Ruyant n'a pas de problèmes pour tenir sur la durée.
Je pense avoir un bon cardio, ça aide sur des manœuvres assez longues : je ne suis pas trop grand donc ça ne fait pas trop un centre de gravité, ce qui permet d'être à l'aise sur les appuis, sur les déplacements à bord et j'ai une carcasse qui n'a pas besoin de trop de sommeil aussi.
Thomas Ruyant.
A 41 ans, il a même l'impression "d'être plus en forme qu'avant".
Tout cela est dû à d'intenses préparations et à une activité physique soutenue : gainage, renforcement musculaire, cardio… "J'aime bien ça, je fais beaucoup de sport à côté en plus de la navigation, c'est quotidien. Je fais pas mal de surf, du wing surf, je cours aussi, je fais un peu de tennis".
Vers une première victoire en solitaire ?
Son objectif avec cette Route du Rhum est de décrocher une première victoire en solitaire. "Il m'en manque une sur cet IMOCA, confie-t-il. On a déclenché le compteur des victoires sur la transat Jacques Vabre en double avec Morgan Lagravière, ça montre aussi qu'on peut gagner". Maintenant il doit réussir à transformer la victoire en solo.
Pour ce faire, il n'y a pas de recette miracle. Il faut "beaucoup d'énergie, beaucoup d'envie et être bien entouré", ce qu'il estime être son cas aujourd'hui. Il peut compter sur "une super équipe qui est vraiment consciencieuse avec le bateau, qui me donne un bateau qui est fiable". On peut presque dire que la balle est dans son camp désormais : "ça va être à moi d'aller marquer le but maintenant".
A ses yeux, une victoire à la Route du Rhum est importante.
Au-delà d'être "une grosse course", c'est "une course qui a une histoire", "un monument du sport" que tout skipper qui se respecte a envie d'inscrire à son palmarès. Ce n'est toutefois pas sa première participation. Le Dunkerquois l'a courue en 2010. Il est même arrivé premier de la catégorie Class 40 et 23ème au classement général. Néanmoins, il ne s'est pas présenté au départ en 2014 et en 2018, ce qui explique sa "grosse envie de bien faire. Ça s'est bien passé en 2010, j'espère qu'on aura la même trajectoire cette année".
On a tous rêvé devant cette course-là, moi le premier. C’est une course qui a une âme.
Thomas Ruyant
"C’est dans la confrontation qu’on progresse et qu’on amène de la performance"
Entre-temps, Thomas Ruyant en a fait du chemin avec ses bateaux : d'abord avec le Dunkerque 88, puis le 26 et le 99, L'Express-Trepia 135 ou encore le Souffle du Nord. Depuis 2019, il court avec son LinkedOut (précédemment nommé Advens) dont la maîtrise a totalement changé au cours de ces dernières années. "Même par rapport au Vendée Globe 2022, on a énormément progressé, constate-t-il.
Et même si la concurrence s'avère rude, Thomas Ruyant ne se dit pas inquiet, bien au contraire. "On se situe bien, je pense, on fait partie des équipes leaders que les autres regardent, on a un statut de favori qu'on accepte, qu'on assume et on est content de l'avoir parce que ça veut dire que le travail est bien fait".
Il voit même dans la confrontation une occasion de progresser et de s'améliorer. "On sent qu'il y a du niveau qui monte dans la Class Imoca avec de nouveaux bateaux qui arrivent, je pense qu'aujourd'hui, il y a une quinzaine de bateaux qui sont proches en performance, donc ça va être intéressant sur la Route du Rhum".
En tout, ils seront 36 au départ. Du jamais vu dans l'histoire de cette course.
Un nouveau bateau en construction
En parallèle, l'équipe de Thomas Ruyant est en pleine construction d'un nouveau bateau. Cette fois-ci, il s'agira d'un foiler qui, en volant, permet de gagner en rapidité en terme de vitesse moyenne. En somme, l'objectif dans le cahier des charges est "de réussir à aller vite dans le temps, la durée et surtout au large".
Ce modèle est d'ailleurs très différent en terme de conception, de carène et de pont, "ce qui fait qu'on a un peu plus de volume et d'altitude dans le cockpit et la base-vie qui est mi intérieure, mi extérieure", explique Thomas Gavériaux, directeur général de TR Racing.
Quant à la disposition des manœuvres, "on s'est nourri de tout ce qui avait pu être abouti sur le bateau actuel pour améliorer son intégration".
Le bateau est ponté depuis deux semaines, "c'est-à-dire que le pont est venu sur la coque, toute la structure interne est captive à l'intérieur du bateau". A présent, l'équipe entre dans une phase où il faut finir d'assembler et intégrer tous les détails de fonctionnement. Ils sont entièrement mobilisés pour le mettre à l'eau début 2023. Une échéance largement faisable puisqu'ils ont organisé sa conception et sa construction autour des projets sportifs de l'année 2022.
Ce n'est pas un bateau qui ira intrinsèquement vite par rapport aux bateaux actuels. Par contre, c’est un bateau qui ira à des vitesses moyennes plus élevées.
Thomas Ruyant
Certes, le choix des foilers a longtemps fait débat dans le milieu (certains estimaient que ce n'était pas de cette façon qu'il fallait naviguer), mais il est pleinement assumé aujourd'hui par Thomas Ruyant, son équipe et les skippers.. "Je pense qu'il y a eu un peu de débat au retour du Vendée Globe 2018 parce que c'était le début de ces bateaux-là". Mais aujourd'hui, "les bateaux qui gagnent les courses, c'est des foilers", affirme-t-il.
En attendant, Thomas Ruyant continuera de courir avec son LinkedOut, un bateau qu'il "aime" et sur lequel il va "garder un oeil".
Une parade attendue aujourd’hui à Saint-Malo à la @RouteDuRhum : l'entrée des 37 voiliers Imocas dans le port, dont celui skippé par @ThomasRuyant. Un superbe spectacle pour le public et la team venue admirer le bateau Linkedout et l’accueillir comme il se doit ! #inclusion pic.twitter.com/PobeRZR53n
— LinkedOut (@LinkedOut) October 26, 2022
L'objectif est d'avoir un foiler "très abouti au départ du Vendée Globe en 2024". Car même si la prochaine échéance est la Route du Rhum, il a déjà en tête le prochain bateau et la prochaine compétition. Thomas Ruyant ne perd jamais le large.