Le mois de février 2023 est le plus sec observé depuis 1959. Une très mauvaise nouvelle, alors que les nappes phréatiques ne se sont pas reconstituées depuis l'été 2022.
Tous les voyants sont au rouge. Ce 26 février, le ministre de la Transition Ecologique Christophe Béchu a appelé à la prise de mesures "extraordinairement précoces" pour faire face à la sécheresse record du mois de février. Le ministre rencontre les préfets ce 27 février pour envisager une planification.
Une course contre la montre, car le déficit pluviométrique constaté en février 2023 est tout simplement inédit depuis 1959.
Un déficit pluviométrique qui crève les plafonds
"A Lille, par exemple, on a eu 8 mm de pluie par rapport aux 50ml attendus. C'est un déficit de plus de 80%. Il y a des secteurs comme l'Oise et le sud de l'Aisne qui sont encore plus touchés, jusqu'à 98% de déficit pluviométrique" détaille Patrick Marlière, directeur de l'agence Agate Météo.
"On est effectivement dans une situation comparable à février 1959. Ce qui est inquiétant, c'est que ça fait une suite à une année 2022 exceptionnelle avec des déficits pluviométriques déjà très importants. La fin d'année a été plus arrosée mais n'a pas résolu le problème. En 1959, les mois suivant février ont aussi été particulièrement secs et ça a été une catastrophe agricole", retrace le prévisionniste.
2023 se dirige dangereusement vers une situation rigoureusement similaire. Dans les 15 prochains jours, entre 10 et 20ml de pluie sont attendus contre 60ml en temps normal. La sécheresse s'amplifiera encore en été si l'on retrouve les mêmes conditions que l'an dernier.
Les nappes phréatiques en souffrance
Entre novembre et mars, c'est le moment où les nappes phréatiques sont censées se régénérer. Mais fin 2022, les pluies de novembre et décembre n'ont pas permis de combler le déficit.
"Le mois de février 2023 est plus sec que les mois de février et août 2022."
Patrick Marlière
Le spécialiste craint également que les pluies qui tomberont en mars ne parviennent même pas jusqu'aux nappes phréatiques. "Si les pluies de mars tombent de façon brutale, sous forme d'averses ou de giboulées, elles ne seront pas forcément utiles. En effet, elles n'auront pas le temps de s'infiltrer dans les sols qui sont eux-mêmes particulièrement secs. Donc elles vont ruisseler, s'évacuer dans les cours d'eau et non pas s'infiltrer vers les nappes phréatiques."
Ce qu'il faudrait en réalité, selon Patrick Marlière, est une météo typiquement nordiste : "du crachin, une petite pluie fine et permanent pendant trois mois."
Les prévisions étant loin de ce scénario, les premières restrictions d'eau se profilent dès le printemps, une situation là encore exceptionnelle.
Catastrophe agricole, incendies : un été brûlant se profile
Les conséquences risquent d'être dramatiques pour l'agriculture, mais pas seulement. Le Sénat s'inquiète également de l'impact sur la recrudescence des maisons fissurées, déjà observé en 2022. C'est tout le régime de l'indemnisation des catastrophes naturelles qui pourrait être déséquilibré à court terme.
"Il y a également tous les autres phénomènes qui vont découler de cette sécheresse. En 2022, on a eu des feux de forêts spectaculaires. Nous, nous n'avons été touchés que par des feux de végétation agricole mais ça peut aller plus loin cette année si la situation persiste. Il faut que l'on soit extrêmement vigilants" avertit le directeur d'Agate Météo. Cette hypothèse est prise très au sérieux par les autorités : des études sont en cours afin d'implanter des stations météo spécifiques près des zones forestières.
Le stockage accru des eaux pluviales, une solution ?
Au-delà des restrictions d'eau pour les particuliers et le secteur agricole, le spécialiste appelle l'Etat à reconsidérer ses méthodes de collecte des eaux de pluies. En France, "nous ne stockons qu'entre 5% à 10% des eaux pluviales". En comparaison, l'Espagne, l'un des pays les plus arides de l'Union Européenne, en stocke jusqu'à 50%.
"On a mis la barre très haute dans la qualité des eaux que l'on voudrait stocker. En tant que citoyen, cela m'importe quand on parle de l'eau que je consomme ou avec laquelle je me lave. Mais pour l'eau qui alimente les toilettes, par exemple, je pense qu'on peut évoluer."
Selon le ministère de l'Ecologie, ces sécheresses hivernales sont en partie imputables au changement climatique qui "modifie le cycle de l'eau" et cause des épisodes de sécheresse "de plus en plus fréquents et plus tôt dans l’année."