L'année 2022 a été marquée par des épisodes de sécheresse, des pluies peu efficaces et des records de restrictions d'usage d'eau dans les Hauts-de-France. De quoi modifier profondément l'industrie agroalimentaire, qui trouve des solutions pour s'adapter.
Avec plus de 1 300 entreprises, les Hauts-de-France sont la première région exportatrice de produits agroalimentaires. L'une des stars de cette industrie locale, c'est bien sûr la pomme de terre, utilisée pour fabriquer toutes sortes de chips, frites ou encore purées.
Des pluies moins nombreuses et peu efficaces
Mais de la production à la transformation, la pomme de terre a besoin d'eau, une ressource qui se fait de plus en plus rare à cause du réchauffement climatique. En 2022, certains secteurs de la région ont connu un déficit de près de 30% de précipitations par rapport à la normale.
Tout au long de l'année, les épisodes de pluie ont été non seulement rares, mais surtout peu efficaces. La grêle, les orages et les averses brutales n'aident pas les cultures à se développer. "Ces pluies ne rattrapent pas du tout les pluies manquantes, parce qu'elles ne sont pas efficaces, expliquait le météorologue Patrick Marlière à nos équipes au printemps dernier. Les pluies sous forme d'averses tombent de façon brutale et s'évacuent en ruisselant, donc elles ne sont pas du tout utiles pour le monde agricole."
L'agriculture de conservation pour moins dépendre de l'irrigation
Pour faire face, certains agriculteurs choisissent d'irriguer, une méthode coûteuse et qui n'est pas adaptée à tous les sols. D'autres tentent de trouver des solutions pour moins dépendre de l'irrigation, comme l'agriculture de conservation. C'est ce qu'a mis en place Jean-Paul Dallène, agriculteur à Oppy, dans le Pas-de-Calais. Il fournit McCain, le géant des produits surgelés à base de pommes de terre.
Après une récolte, il forme des petites buttes de terre et y plante d'autres espèces de plantes, qui vont couvrir le sol jusqu'à la prochaine culture. Les bactéries, les champignons et les vers de terre vont alors faire leur travail dans le sol, ce qui évitera de labourer, et le sol reste humide. "L'année dernière, pendant que mes voisins plantaient en faisant de la poussière, moi, je plantais dans un sol frais et pas desséché", explique-t-il.
Pour lui, ces adaptations sont fondamentales. "Un agriculteur qui venait visiter ma parcelle m'a dit, 'tu te rends compte des risques que tu prends ?' Je l'ai regardé et je lui ai dit : 'Mais non, ce n'est pas moi qui prends des risques, c'est toi qui en prends à ne rien changer dans tes pratiques par rapport au changement climatique.'"
Face aux épisodes de sécheresse de 2022, l'Agence de l'eau Artois-Picardie a d'ailleurs débloqué un fonds de deux millions d'euros pour encourager ces pratiques.
De nouvelles variétés plus résistantes à la sécheresse
Les industriels qui transforment les pommes de terre ont, eux aussi, tout intérêt à accompagner les agriculteurs pour trouver de nouvelles pratiques moins gourmandes en eau, et ainsi préparer l'avenir. Chez Mousline par exemple, on travaille avec les fournisseurs pour tester de nouvelles variétés pour trouver celles qui résisteront le mieux à la sécheresse.
La marque de purées déshydratées a même revu ses exigences à la baisse, constatant que les agriculteurs avaient récolté cette année des pommes de terre de plus petit calibre. "On a assoupli notre cahier des charges pour prendre en compte les contraintes de production chez nos producteurs, y compris celles de l'irrigation et de la sécheresse qu'on a eu cette année", explique Tristan Caron, responsable agricole chez Mousline.
Optimiser la consommation d'eau dans les usines
L'industriel sait que l'eau est une ressource précieuse, à économiser jusque dans leurs usines, où elle est utilisée en grande quantité pour laver, cuire et décoller la pelure des pommes de terre. Sur le site de Rosières-en-Santerre, tout un travail d'optimisation de la gestion de l'eau a été fait depuis plusieurs années. Des efforts qui payent : l'entreprise est parvenue à baisser de 40% le volume d'eau consommée par tonne de pomme de terre en quinze ans.
Il a fallu pour ça sensibiliser le personnel, traiter les fuites, et mettre en place un outil de suivi de la consommation d'eau en temps réel. "On a deux niveaux d'alerte : le passage en orange est une pré-alerte, c'est qu'on a une légère surconsommation, mais qui est dans le process. Si elle dépasse les deux minutes, ça va passer en rouge, et on va venir voir la courbe pour regarder ce qui se passe", explique Éric Aranjo, chef d'équipe.
Si les résultats sont déjà satisfaisants, le travail est loin d'être fini. D'ici 2025, l'entreprise prévoit des travaux dans l'atelier de fabrication pour faire encore mieux. "On a des plans d'investissement qui vont nous permettre d'aller encore un peu plus loin, et on a pour ambition de réduire la consommation actuelle de 30 à 50%", précise le directeur du site Hicham El Fadil.
Une adaptation essentielle, car les prévisions pour les années à venir ne sont pas réjouissantes. Le niveau des nappes phréatiques est trop bas, et les épisodes de forte chaleur risquent de se multiplier.