En éliminant le labour, l'agriculture de conservation des sols pourrait être une solution face à la hausse du prix de l'énergie et aux enjeux environnementaux. Dans la Somme, un agriculteur s'est lancé il y a cinq ans... Sans regret.
Cultiver la terre sans la labourer... La démarche est peu conventionnelle. En France, seulement 2% des agriculteurs auraient adopté cette méthode qu'on appelle agriculture de conservation des sols. Le principe est simple : plutôt que de retourner la terre avant de semer, l'agriculteur adapte ses intercultures.
Laisser faire la nature
Après avoir fauché son blé, Édouard Guilbart, agriculteur à Vironchaux dans la Somme, sème plusieurs espèces de légumineuses. "On laisse pousser, on fertilise avec du compost, des déchets verts, des fientes de poules, et ça pousse pendant l'automne et l'hiver, explique-t-il. Et au printemps, on réimplante une orge qui va servir à faire de la bière." Entre les deux cultures, ce sont les vers de terre et les champignons qui travailleront le sol. "C'est ce qui va couvrir le sol, le structurer et permettre le développement des racines. On remplace l'activité mécanique de travail du sol par cette activité biologique."
Des économies conséquentes
Bien sûr, le mélange de graines choisies pour l'interculture ne doit rien au hasard, il est étudié pour favoriser cette activité biologique. "Cette année, on a choisi des légumineuses pour favoriser l'apport d'azote naturel. On gagne 40 unités d'azote par an sans rien faire, uniquement par le travail des plantes, et l'azote va permettre de nourrir la culture suivante." Il peut ainsi se passer d'engrais azotés.
Mais ce n'est pas la seule économie réalisée grâce à l'agriculture de conservation. C'est d'ailleurs l'aspect financier qui a d'abord convaincu Édouard Guilbart il y a cinq ans. "Le fait de ne plus travailler le sol, c'est des économies en heures de tracteur et en heures de main d'œuvre. On a une consommation de fuel très faible." Il estime gagner 150 à 200 euros par hectare par rapport à l'agriculture conventionnelle.
La recherche, un enjeu pour l'avenir
Cette méthode n'est tout de même pas une solution miracle : elle ne s'applique pas à toutes les cultures et favorise la prolifération de mauvaises herbes ou de certains insectes ravageurs, ce qui implique parfois d'utiliser des produits chimiques comme les pesticides. Les betteraves, l'orge et le blé cultivés par Édouard Guilbart ne sont d'ailleurs pas bio.
Dans les années à venir, l'innovation technique pourrait permettre d'améliorer encore ces techniques agricoles. Les chercheurs de l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) travaillent avec des agriculteurs pour trouver les solutions qui permettront d'allier conservation des sols et suppression des produits controversés comme le glyphosate.