Avec la suppression progressive de la taxe d'habitation, les communes perdent un important levier de financement. Les invités de Dimanche en politique de France 3 Hauts-de-France (14/10/18) en ont débattu.
Un "dénigrement irresponsable", une "campagne de stigmatisation", ou encore l’"absence de considération" du gouvernement : les maires de France sont au bord de l’implosion.
La suppression progressive de la taxe d’habitation pour 80% des ménages, populaire promesse de campagne d’Emmanuel Macron, a été annoncée par le gouvernement pour 2020. Pour cette année, l’impôt devait être amputé de 30%. Si les Français sont ravis de voir leur pouvoir d’achat directement impacté par la mesure, les communes doivent faire face à une baisse considérable de leurs fonds financiers. C’est à elles que revient la collecte de l’impôt, qui est l’un de leurs principales sources de revenus.
En prévision du manque à gagner, certaines villes ont voté une augmentation de la taxe d’habitation pour 2018, s’attirant les foudres du gouvernement et des élus et militants La République en Marche.
Sur Twitter, le hashtag #BalanceTonMaire, en référence au tristement célèbre #BalanceTonPorc.6 027. C'est le nombre de mairies qui ont augmenté abusivement leur taux d'imposition, et au détriment de leurs contribuables, dans le seul but de faire obstacle à la baisse de 30% promise par le gouvernement.#BalanceTonMaire
— Natalia de Saintonges (@NataliaEnMarche) 12 octobre 2018
Pour 2020 vous saurez pour qui ne plus voter! pic.twitter.com/432mpLIy07
Une atteinte aux finances locales
Nicolas Lebas, maire UDI de Faches-Thumesnil et président de l’association des maires du Nord, veut respecter ses engagements de campagne : « Je n’ai pas augmenté les impôts depuis mon élection en 2001, et ce n’est pas mon intention. » L’édile regrette surtout la « mise sous tutelle » des communes et s’appuie la norme suprême : « L’article 72 de la Constitution dispose l’autonomie des communes. Nous priver d’une de nos ressources majeures est une atteinte aux finances locales. » Comme de nombreux élus locaux, Nicolas Lebas pointe du doigt la « recentralisation » à laquelle tend le gouvernement.
Pas d’augmentation non plus à Saint-Etienne-au-Mont, dans le Boulonnais : « Je crains que ça ne compense par la suite sur la taxe foncière, qui sera le seul levier qu’il nous restera », déplore la maire communiste, Brigitte Passebosc. Malgré la disparition d’un impôt de premier rang, les collectivités locales devront toujours assurer un certain nombre de services : travaux d’aménagement et de voiries, mais aussi gestions des écoles maternelles et primaires et du CCAS, entre autres.
« Les communes ne sont pas respectées »
« 85% des communes n'ont pas augmenté leur taxe d'habitation. Les 15% qui l'ont fait n'ont pas été motivées par des considérations de politique nationale mais par la recherche de financements nécessaires à l'accomplissement de leurs missions dans un contexte de baisse de leurs moyens », estime l’Association des maires de France (AMF) dans un communiqué. « La hausse de la fiscalité locale résulte en très grande partie des décisions de l'Etat », peut-on encore lire. Une position partagée par Claude Bachelet, maire de Croisette (Pas-de-Calais), et président de l’association des maires du département. Pour lui, la suppression de la taxe d’habitation « prouve encore une fois que les communes ne sont pas respectées. »
L’Etat a promis de compenser "à l'euro près" la suppression de la taxe d’habitation. Beaucoup de maires craignent cependant que cette compensation ne soit que temporaire. Et d’observer, avec la baisse des dotations aux communes, une baisse d’engagement à l’aune des élections municipales de 2020.
Retrouvez l'intégralité du débat "Le désarroi des maires", dans l'émission Dimanche en politique du 14/10/2018.