Témoignage. Sept nouvelles plaintes déposées contre Buitoni, "nous sommes persuadés qu'il y a eu des négligences"

Sept nouvelles plaintes ont été déposées contre Buitoni ce vendredi 27 mai dans l'affaire des contaminations à la bactérie E. Coli. Une information judiciaire a été ouverte et un juge d'instruction s'est saisi du dossier. Dans la région Hauts-de-France, qui compte le plus de cas en France, les familles racontent l'enfer et certaines prennent la voie judiciaire.

"C'est la plus grave crise sanitaire dans ce domaine depuis les 20 dernières années", lance Maître Richard Legrand, à l'origine de sept nouvelles plaintes déposées ce vendredi 27 mai contre Buitoni au Tribunal judiciaire de Paris. Elles s'ajoutent à la quinzaine déposées par des familles dont les enfants ont été intoxiqués par la bactérie E. Coli. 

En effet, depuis mars, la marque italienne qui fait partie du groupe Nestlé est au cœur d'un scandale sanitaire. Selon un rapport de Santé Publique France datant du 4 mai, on compte deux morts et 56 cas confirmés de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) et d'infections aux bactéries E.coli producteurs de shiga toxine (STEC). 55 d'entre eux sont des enfants. Tous ont mangé une pizza de la gamme Fraich'Up, fabriquée à Caudry dans les Hauts-de-France

"Nous sommes persuadés qu'il y a eu des négligences"

L'usine qui produit les pizzas incriminées a été forcée d'arrêter la production et de rappeler tous ses produits dès la mi-mars après le signalement des premiers cas de contamination. L'enquête préliminaire a débuté le 22. Quelques jours plus tard, le 30, les autorités sanitaires ont annoncé avoir établi un lien entre la consommation des pizzas Buitoni de la gamme Fraich'Up et la contamination de plusieurs dizaines de personnes. 

C'est le Pôle Santé publique du parquet de Paris qui est en charge du dossier. Il a retenu les faits de "tromperie sur une marchandise, exposition ou vente de produits alimentaires corrompus ou falsifiés et nuisibles pour la santé, mise sur le marché d’un produit préjudiciable à la santé, mise en danger d’autrui, blessures involontaires et homicides involontaires."

Maître Richard Legrand en est persuadé, "il y a eu des négligences dans le cadre de la productions de ces produits, dans l'usine qui se situe à Caudry". Il rappelle que des images des lieux ont circulé dans les médias et sur les réseaux sociaux, "c'est catastrophique. A mon avis, les négligences ont dû être diverses. Maintenant, on ne sait pas où on peut les établir, nous le verrons dans les jours qui arrivent". 

L'ouverture de l'information judiciaire et la désignation du juge d'instruction le 12 mai changent la donne. L'avocat et les familles qui se sont portées parties civil vont pouvoir accéder au dossier avec "les différents éléments des enquêtes, des perquisitions qui ont été menées", ce qui va leur permettre "d'avancer, de faire toute la lumière dans le cadre de cette affaire". 

C'est une affaire qui concerne tout le monde, ce sont des produits de grande consommation. J'ai aussi été sollicité dans le cadre de l'affaire Kinder par différentes familles victimes. Maintenant, il faut qu'on prenne toutes les mesures nécessaires pour que ce genre de drame n'arrive plus.

Maître Richard Legrand

Maître Richard Legrand n'est pas le seul à s'occuper de ces dossiers. D'autres avocats sont auprès des familles. L'association Foodwatch a d'ailleurs déposé deux plaintes contre Nestlé, détenteur de Buitoni, et Kinder (dans un autre scandale sanitaire) la semaine dernière. 

"Des séquelles à vie"

Aujourd'hui, de nombreuses familles sont gravement touchées. Maître Richard Legrand note que ce sont "des familles dont les enfants peuvent avoir des formes graves comme des SHU, des insuffisances rénales, ça peut aller jusqu'à des comas et malheureusement des décès". Pour beaucoup, ils garderont "des séquelles à vie". 

Robin, 13 ans, "un des premiers contaminés" en France, en fait partie. Sa mère, Chloé Pauvert, originaire de Vis-en-Artois (Pas-de-Calais), a déposé plainte "auprès d'un autre avocat", précise-t-elle. Ticket de caisse à l'appui, elle raconte avoir acheté une pizza Buitoni le 15 janvier. Son fils "a été contaminé le 17 janvier". , Ils rendent visite à un médecin généraliste qui ne tire aucune sonnette d'alarme.

Inquiets, ils se rendent alors aux urgences d'Arras, "mais ils nous ont renvoyé avec un doliprane en nous disant que c'était un lendemain de gastro". L'état de Robin se dégrade. Ils décident de retourner aux urgences peu de temps après, d'autant plus que "son urine était marron et ses yeux jaunes".

"Il est conscient qu'il a failli mourir" 

Il est ensuite transporté aux urgences de Lille où "sa créatine était à presque 51 et ses reins ne fonctionnaient plus du tout". Le diagnostic tombe : il souffre de syndrome hémolytique et urémique (SHU). A l'hôpital, le docteur est formel : "son pronostic vital est engagé", poursuit Chloé Pauvert. Leur fils est dans la pièce avec eux, il entend tout et demande à son père ce que "veut dire pronostic vital engagé". 

C'est à ce moment-là qu'il comprend que la mort est peut-être à la porte. Mais sa mère le décrit comme un battant, un jeune garçon qui a envie de vivre. Il restera hospitalisé pendant 8 jours et en sortira le 5 février, quelques jours avant son anniversaire, avec des séquelles: "il a mal au bas du ventre, il avait un cathéter pendant deux mois, mal à la tête..." La liste est longue. 

Aujourd'hui, l'adolescent a repris sa vie, il est même est retourné à l'école. Malgré tout, il sait qu'il a échappé à la mort. "Il est conscient qu'il a failli mourir, il devient agressif quand on en reparle" et préfère éviter le sujet, regrette Chloé Pauvert. A chaque mal de ventre, le jeune garçon craint pour sa vie, "il a peur d'être de nouveau hospitalisé". Il ne peut plus prendre d'anti-inflammatoire et se trouve désormais soumis à un régime alimentaire strict. "Il ne doit plus manger d'aliments salés, conclut Chloé. Le médecin lui a, entre autres, banni les chips à vie."

Noah, 3 ans, a aussi évité le pire

Audrey Drouart, originaire d'Ardres dans le Pas-de-Calais, a aussi vécu l'enfer avec son fils Noah, 3 ans qui s'est mis à vomir "une espèce de jaune d'oeuf" qui n'avait rien à voir avec "des vomissements classiques" et "des filaments de sang". Comme elle l'expliquait dans cet article, le petit garçon "a été héliporté à l’hôpital Jeanne de Flandres de Lille, au service de réanimation pédiatrique. Son pronostic vital était engagé".

On lui diagnostique aussi un SHU. Noah, qui a évité le pire, est désormais sous traitement pour les six prochains mois minimum et doit prendre deux sachets de laxatif par jour. Tout comme Robin, il est placé sous régime alimentaire sans sel. Il doit faire des analyses d'urine toutes les semaines. Au moment de l'entretien, elle songeait à porter plainte. Nous ne savons pas si elle a entrepris des démarches judiciaires depuis. 

Il allait à la crèche mais il n’a plus le droit parce qu’il a ses défenses immunitaires complètement épuisée

Audrey Drouart, mère de Noah

Des familles prêtes à aller "jusqu'au bout" 

Désormais, Chloé Pauvert et son avocat, comme les autres familles de victimes de contamination suivies par Maître Richard Legrand, sont déterminées à aller "jusqu'au bout". 

"Je défendrai les familles jusqu'au bout et il faut que les familles obtiennent réparation, martèle l'avocat parisien. Il faut que les auteurs soient jugés et condamnés, que les familles obtiennent réparation à la hauteur des préjudices qu'ils ont subi

A ce jour, cette affaire reste "inédite dans ce domaine", d'autant plus qu'il s'agit de "produits de grande consommation que tout le monde peut consommer" et que les cas sont  "répartis aux quatre coins de la France". Un procès Buitoni semble progressivement se dessiner. 

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