Buitoni : déni, doute, soutien, émotion ou colère, comment l'affaire de la bactérie mortelle E.Coli est vécue à Caudry

La tempête médiatique qui s'est abattue sur Buitoni-Caudry a touché les habitants de cette commune de 14 000 habitants du Cambrésis. A quel point et dans quel sens ? Nous sommes allés à leur rencontre.

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Il y a près d'un mois jour pour jour, le 30 mars, éclatait l'affaire Buitoni dont certaines pizzas Fraîch'UP contenaient la bactérie E. Coli, provoquant la mort de deux enfants en France et de nombreuses intoxications. Hier 5 mai, la gamme Bella Napoli (fabriquée en Italie) et la gamme Four à Pierre, également fabriquée à Caudry, ont a leur tour été mises en cause. 

Entretemps, des témoignages à charge ont circulé sur les conditions d'hygiène de l'entreprise avec à l'appui des vidéos montrant des vers de farine "sur les tapis ou les pizzas sont fabriquées", des bacs de rattrapage de sauce avec "des mégots de cigarette", d'autres bacs débordant de nourriture "depuis des jours ou des semaines"

Des images et des commentaires que les Caudrésiens ont en tête, tout comme Jean-Charles, (prénom d'emprunt) rencontré dans la rue, qui me présente le député et ancien maire Guy Bricout, dont le fils, Frédéric, est aujourd'hui premier magistrat de Caudry.

Ces deux derniers doivent se rejoindre à Cambrai, à 15 km de là, très vite : le sous-préfet réunit la DDPP (Direction Départementale de la Protection des Populations du Nord), la Direccte (inspection du travail), deux syndicalistes CGT pour évoquer l'avenir des 200 salariés de Buitoni-Caudry. 

Le député part. Jean-Charles me donne alors quelques contacts téléphoniques. Il a une cinquantaine d'années et a travaillé à La Voix du Nord, à la fin des années 70-80. Il décide de prêter main forte à mon enquête.

J'ai jamais vu de problème majeur. Cela fait six ans que je suis à la retraite et je continue à manger des pizzas, mes petits-enfants aussi.

Bernard Poulain, retraité de Buitoni à Caudry

Bernard Poulain, 66 ans, est joint par téléphone. Adjoint à la ville de Caudry, il a travaillé 33 ans chez Buitoni. Dès le début en 1982. "J'ai jamais vu de problème majeur. Cela fait six ans que je suis à la retraite et je continue à manger des pizzas, mes petits-enfants aussi", assure d'emblée mon interlocuteur qui dit avoir déjà été interviewé par TF1, M6 ou le journal La Croix. Et de me faire part de doutes sur l'authenticité de certaines vidéos diffusées nationalement : "j'aurais aimé ne pas voir que des gros plans et j'aurais aimé voir les murs pour reconnaître l'usine". Bernard admet toutefois que les choses ont pu évoluer en 6 années, depuis qu'il n'est plus dans l'usine. 

1er mai en pleurs

Il y a 5 jours, me dit Jean-Charles en reprenant le téléphone, lors de remises de médailles du travail, "plusieurs salariés de Buitoni-Caudry étaient en pleurs". Un moment d'émotion fort que me confirmera la fille d'un des salariés très ému lors de la remise de sa distinction. Ni elle, ni lui, ne voudront en dire davantage.

Joint par téléphone également (via Jean-Charles), le mari d'une salariée de Buitoni m'assure qu'une cellule psychologique a été mise en place pour les salariés et qu'actuellement se sont des "semaines zéro": c'est-à-dire, des semaines payées par l'entreprise jusqu'à 3 mois tant que les scellés sont sur les portes de l'usine. Après, une anticipation des congés pourra se faire. Il me promet de proposer une entrevue à sa femme, qui refusera plus tard. Lui non plus, ne veut pas parler, "je suis neutre", précise-t-il.

De l'autre côté du marché, une commerçante parle Covid-19 avec sa cliente. Les deux femmes connaissent respectivement un ami ou un voisin qui travaille chez Buitoni mais qui les enverrait balader si elles les sollicitaient pour une interview. Leur avis : les salariés sont pressés comme des citrons par une "machine à fric" qui pense "rendement".

"C'est dégueulasse !

Théo, 18 ans et Loïc, 22 ans, sont deux amis assis en terrasse. Le premier a un beau-frère qui travaille chez Buitoni et il est "parti en vacances" pour décompresser. Pour autant, ce dernier ne s’inquiète pas : "il le vit bien" et Théo, qui partage l'avis de son beau-frère interroge : "et si les ingrédients la viande ou le fromage (qui sont livrés chez Buitoni) étaient la cause de cette bactérie" ?

Sarah, 23 ans, employée dans une pizzeria, trouve dommage qu'il n'y ait pas eu une "descente avant et pense aux deux enfants morts "juste pour avoir mangé un bout de pizza". Dylan, 21 ans, de Quievy trouve inadmissible ce qui s'est passé chez Buitoni. Il n'y connaît personne mais se fie à ce qu'en ont dit les médias.

"C'est triste, si c'est vrai ce qu'on dit à la télévision" estime Charline en attendant le bus avec une amie. Cette femme d'une soixantaine d'années ne souhaite pas donner son nom de famille ni sa photo, comme plusieurs personnes croisées aujourd'hui. Elle se confie tout de même un peu en estimant qu'il y a eu "négligence", a minima. Et dit croire ce qui a été dit dans les médias.

Des rats, des mégots, c'est honteux... Si c'est fermé c'est qu'il y a une raison, non ?

Charline, une habitante anonyme

Avant de partir, un dernier coup de fil. Au bout de la ligne, le député Guy Bricout, dont j'avais pris le numéro de téléphone pour connaître l’issue de la réunion du matin. "Autour de la table, on a tous manifesté le souhait que l'usine reparte. On attend toujours les résultats de l'enquête sanitaire pour savoir d'où est venue cette bactérie. Vous savez, beaucoup de personnes sont traumatisées à Caudry". 

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