Témoignages. "On est payé avec deux mois de retard", ces profs suppléants du privé qui n'en peuvent plus

Publié le Écrit par Baptiste Mezerette
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Salaires en retard, manque de considération... Les enseignants suppléants des écoles privés poussent un cri de colère lors de cette rentrée 2023. Un groupe Facebook a été créé par une Nordiste, où les témoignages s'accumulent. À bout, certains profs ont déjà décidé de quitter la profession.

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Malaise et colère dans les rangs des professeurs du privé. Cette rentrée scolaire dans l'enseignement catholique est marquée par une grogne de ses suppléants qui dénoncent des retards de salaires et plus généralement un manque de considération de leur statut. Sophie Dubar, une Nordiste, a d'ailleurs créé un groupe Facebook il y a quinze jours. Depuis les témoignages s'accumulent par dizaines.

"Ne pas être payé en temps et en heure, être prévenu à la dernière minute pour les postes, être mal considéré et moins bien vu que les titulaires", voici la liste des maux dressés par la trentenaire à l'origine de ce collectif informel, regroupant quelque 150 membres. "Il faut que ça change."

Des retards de salaires...

Pour Sophie Dubar elle-même, suppléante depuis quatre ans dans la région, cette rentrée a été celle de trop. "En septembre, je n'avais toujours pas de poste, et on m'a appelé il y a seulement deux semaines pour m'en proposer un sur quatre niveaux de classes différents dans plusieurs écoles", raconte-t-elle. La goutte d'eau qui fait déborder le vase. Elle décide finalement de quitter la profession.

Ce choix est la conséquence d'une accumulation de problèmes, dont le retard fréquent des salaires versés par le rectorat (même dans le privé, les enseignants sont rémunérés par l'Etat). De nombreux profs engagés fin août n'ont toujours pas été payés, ou alors partiellement, au jour du 2 octobre.

"365 euros de paie pour ce mois-ci, alors que mon pvi (procès verbal d'installation, sorte de contrat de travail NDLR) a été signé le 4 septembre et que tout est en règle, s'indigne le profil Clém Tesseau dans un message posté le 28 septembre sur le groupe. Franchement honteux."

... et un malaise général

Nadine, (nom d'emprunt), connaît très bien ces soucis. Cela fait douze ans qu'elle travaille comme suppléante dans les écoles privées. Et pour cette rentrée, elle a reçu "400 euros de moins" sur son salaire. Mais surtout, elle a été prévenue de son nouveau poste à la dernière minute. "Cela faisait quatre ans que j'occupais un poste en maternelle, et le 28 août, j'apprends que je suis nommée sur un poste en CM1, pour une rentrée le 1er septembre, sans être formée..."

"Enseigner c'était ma vocation, c'était vraiment ce que je voulais faire, mais là, c'est fini pour moi. Je vais me reconstruire et trouver un autre travail."

Nadine, ex-enseignante suppléante dans le Nord

Elle redouble alors d'efforts pour préparer ses cours. "J’ai commencé à travailler le soir, le week-end, à ne plus dormir, à travailler tout le temps. Il fallait que tout soit prêt", explique-t-elle. Jusqu'à la semaine dernière où elle tombe en burn-out et décide de tout plaquer elle aussi. "Enseigner c'était ma vocation, c'était vraiment ce que je voulais faire, mais là, c'est fini pour moi, confie-t-elle. Je vais me reconstruire et trouver un autre travail."

Amandine Rogez, suppléante depuis dix ans dans le Nord, a publié une vidéo sur ses réseaux sociaux en soutien à ses collègues. "Cela fait dix ans qu’on touche nos salaires avec un mois et demi ou deux mois de retard, nous assure-t-elle. Et cette situation précaire où je me retrouve à découvert, je la connais." Aujourd'hui, après une dépression, elle a repris le travail à mi-temps thérapeutique.

"Un budget inférieur au nombre d'enseignants ?"

Depuis la rentrée, une centaine d'enseignants ont alerté le syndicat Snec Cftc de l'académie de Lille sur ces couacs de salaire. "Cette problématique n’est pas nouvelle, elle existe depuis toujours, fait savoir Yann Coutel, son président. Mais dans le contexte d'inflation actuel, elle prend des proportions trop importantes." Et de rappeler qu'un enseignant suppléant dans le privé est payé au Smic.

Établissements, diocèse, rectorat... Qui est responsable de ces retards de paie ? Selon le responsable syndical, la faute incombe à la "machine administrative très peu élastique" et à un éventuel "sous-effectif dédié à l'enseignement catholique au sein du rectorat". Avant d'émettre une autre hypothèse : "peut-être qu'ils ont budgété un montant inférieur au nombre d'enseignants suppléants en poste à la rentrée."

Une régularisation des salaires "dans les prochains jours"

Contacté, le rectorat de l'académie de Lille confirme que "des agents n’ont pas perçu leur salaire pour le mois de septembre". "Cette situation n’est pas propre à cette rentrée, ajoute-t-il. Avec une tendance à l’amélioration." Il assure également que des acomptes ont été versés et que les "derniers versements seront effectués dans les prochains jours, ce qui régularisera la plupart des situations."

Aussi, l'académie est dans l'attente "d'éléments de dossiers manquants", comme les procès verbaux d'installation (pvi). Et elle invite les enseignants en difficulté "à contacter le directeur de son établissement afin de s’assurer de la bonne remontée des dossiers".

L'académie de Lille dans le Nord Pas-de-Calais regroupe environ 1.300 enseignants suppléants exerçant dans les écoles privées.

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