Dans une étude publiée en avril, Santé publique France révèle que le temps passé par les enfants des Hauts-de-France devant les écrans est supérieur à la moyenne française. Dès l'âge de deux ans, un bambin passe en moyenne 1h04 par jour devant les écrans. Les chercheurs alertent sur le besoin de prévention dans la région.
Le temps passé par les enfants devant les écrans a augmenté ces dernières années. Smartphone, jeux vidéo, télévision... De nombreux parents le constatent au quotidien. Mais jusqu'à présent, aucune enquête nationale n'avait été réalisée chez les très jeunes.
L'étude, menée par des chercheurs de l'Inserm et Santé publique France auprès de 18 000 familles françaises étudie le temps passé sur les écrans par des enfants âgés de 2 à 5 ans et demi. Les résultats laissent songeurs. Dès l'âge de deux ans, un enfant français passe en moyenne 56 minutes par jour devant les écrans.
1h24 à 3 ans et demi et 1h43 à 5 ans et demi
Un temps qui varie selon les régions. Si la Bretagne fait figure d'élève modèle en France, avec 41 minutes de temps d'écran par jour à 2 ans, les bambins des Hauts-de-France, eux, y passent plus d'une heure par jour en moyenne.
Sur la première marche du podium dès l'âge de deux ans, les enfants des Hauts-de-France n'en descendent pas en grandissant. Leurs temps d'écrans s'élèvent à 1h04 à 2 ans, 1h24 à 3 ans et demi et 1h43 à 5 ans et demi. Soit 9 minutes de plus que la moyenne nationale.
Des chiffres qui illustrent une "forte disparité" suivant des "facteurs géographiques" précise le directeur de l'étude Jonathan Bernard. L'organisation mondiale de la santé et l'Académie américaine de pédiatrie recommandent "de ne pas exposer les enfants de moins de 2 ans aux écrans, puis de limiter le temps à 1 heure par jour entre 2 et 5 ans."
"Il n'y a pas qu'une seule cause"
Comment expliquer de tels résultats dans les Hauts-de-France ? Pour les chercheurs, "l'exposition aux écrans dans la petite enfance diffère fortement selon les caractéristiques sociodémographiques du foyer." En somme, plus l'origine sociale des parents est modeste, plus l'exposition des enfants aux écrans est élevée. En tant que région parmi les plus touchées par la pauvreté, le territoire des Hauts-de-France serait donc plus exposé.
Pour Sebastien Serlet, psychologue spécialisé sur l'addiction (aux écrans notamment) les explications sont multiples. "En plus de la démographie, le fait que les Hauts-de-France soit un territoire dense et urbain influence la pratique de loisirs en intérieur, et donc devant des écrans, avance le psychologue, même la météo pourrait jouer. Vraiment, il y a énormément de facteurs, il n'y a pas qu'une seule cause."
L'étude de Santé publique France pointe également des disparités selon les classes sociales : "Les temps d'écran sont plus élevés chez les familles ayant des origines immigrées, ou un niveau d'études de la mère faible."
Faut-il s'inquiéter ?
En préambule, les chercheurs rappellent les "effets délétères de l'usage des écrans dans l'enfance et la petite enfance". Sebastien Serlet est plus nuancé : "Il y a des contenus qui peuvent être très intéressants pour les enfants, il ne faut pas les en priver, mais les accompagner. Il faut surtout ne pas laisser l'enfant seul. Le problème est vraiment là : se servir des écrans comme nourrice, c'est là le plus grand danger."
Pour le psychologue, il faut toutefois faire une distinction selon les âges : l'impact des écrans sur les adolescents et les jeunes enfants n'est pas le même. "C'est plus intéressant pour les plus jeunes d'interagir avec les autres, de découvrir le monde. Chez les plus petits, il faut favoriser les activités motrices et sportives où les enfants se dépensent."
L'étude recommande aux parents d'appliquer la règle du "3/6/9/12" du psychiatre Serge Tisseron. Recommandée par les pédiatres, elle consiste à préserver les enfants des écrans avant 3 ans, éviter la console de jeux personnelle avant 6 ans, pas d'internet sans accompagnement avant 9 ans et pas d'internet seul avant 12 ans ou l'entrée au collège.
Mais l'étude ne se veut pas moralisatrice. "Le but est de montrer dans quelles régions les services de santé et d'éducation ont le plus d'efforts à fournir", rapelle le directeur de recherche, Jonathan Bernard.