La Tourquennoise Hélène Wouters est très impliquée dans l'aide à la personne. De par son métier à l'hôpital, mais aussi dans sa vie privée. Régulièrement, elle vient en aide à des SDF. En leur parlant, tout simplement, mais aussi en partageant leur détresse sur les réseaux sociaux. Grâce à elle, deux sans-abri ont pu trouver un emploi et un logement.
De grands yeux bleus, un bonnet vissé sur la tête et l'air de ne pas vouloir déranger. Steeve fait la manche au feu quand Hélène décide de l'aborder. "J'ai simplement engagé la conversation, le 1er novembre dernier. Tout le monde peut le faire !"
Il faut dire que la quadragénaire a la solidarité dans le sang. Ce besoin viscéral de se sentir utile, d'aider les autres. Ce n'est pas pour rien si elle est aide-soignante à l'hôpital Dron à Tourcoing depuis 22 ans, au service des convalescences.
Très vite, Steeve se livre et touche notre la mère célibataire en plein cœur. "Ce qui est le plus dur, lui confie-t-il, c'est quand les gens changent de trottoir. Même s'ils n'ont pas d'argent à donner, nous on prend ne serait-ce qu'un sourire ou un bonjour…"
Steeve, 34 ans, palefrenier, paysagiste et cuistot… à la rue
Il lui raconte encore qu'à 34 ans, il a un diplôme de palefrenier et de paysagiste, et un CAP de cuisine ; qu'avec la crise sanitaire, il a perdu son travail dans le sud de la France ; qu'il a décidé de revenir dans le Nord pour vivre à Roubaix, chez sa mère ; que cette dernière est décédée du coronavirus et que le bailleur social a refusé qu'il reprenne son logement.
"J'ai essayé de retrouver du travail. J'ai même eu plusieurs entretiens, se souvient-il, mais les employeurs avaient peur que je dorme dehors et que j'arrive sale le matin."
Engager la conversation, tout le monde peut le faire !
Hélène Wouters, aide-soignante
"Et voilà comment, constate tristement Hélène, on se retrouve à la rue en quelques jours." Avec son accord, elle prend Steeve en photo, et publie un post sur Facebook, partagé des centaines de fois.
Elle indique l'endroit où il a l'habitude de s'installer, appelle ses amis à aller lui rendre visite. "Il passe les nuits le long du canal dans sa tente, décrit-elle. Et par ce froid, je compte lui offrir quelques nuits d'hôtel au chaud."
Hélène poursuit, le sourire aux lèvres. "Christopher Lecoutre, artiste peintre de Tourcoing qui offre des œuvres aux SDF pour qu'ils les vendent, a donné une toile à Steeve. Et puis, j'ai très vite reçu plusieurs propositions pour lui, pour du travail."
Les fondateurs de la chaîne de vente à emporter et de gâteaux Bake My Day Laura et Christophe Vienne, touchés eux aussi, le recrutent.
Et Hélène ne s'arrête pas en si bon chemin. "Quand je m'implique, je ne lâche rien. Je lui ai promis de lui trouver un abri."
"En dix jours, se réjouit Hélène Wouters, il a trouvé un emploi et une chambre meublée. Tout ça grâce aux réseaux. Quand tout le monde s'y met un peu, on soulève des montagnes !"
Celle qui rêve de "travailler un jour dans des prisons, pour faire de la socio-esthétique", passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux à distiller des messages de bienveillance.
"Moi, je voudrais juste que les gens n'ignorent pas ceux qui ont besoin d'aide, s'émeut Hélène. Bien sûr, certains ont peur. Mais tous les SDF ne sont pas forcément alcoolisés. Et ceux qui boivent, il faut les comprendre. Le monde de la rue est très difficile. Boire permet aussi d'oublier le froid, malheureusement."
"J'ai toujours été dans le contact, l'humain", témoigne-t-elle. Elle s'intéresse à ceux qui ont des difficultés, prend le temps d'écouter ceux qui en ont besoin. "Même mon lapin, Pompon, était SDF quand je l'ai adopté !", sourit-elle.
Tous les vendredis, Hélène est bénévole pour l'association Cœur étoilé, qui fait des maraudes à Lille. "Rien de bien compliqué, juste du temps à donner."
Et quand Hélène dit "tous les vendredis", c'est tous les vendredis, sans exception. Elle a passé son réveillon du 31 décembre avec les sans-abri auprès desquels elle s'est engagée.
"Tout le monde est capable de faire une maraude, affirme Hélène. Demain, ça peut être nous sur le trottoir." Un message qu'elle enseigne à ses enfants, Noham, 10 ans et Lyla, 8 ans. "Ils s'intéressent aux autres. Je leur explique régulièrement qu'ils sont plus que gâtés, et ils le comprennent très bien."
Avec eux, tous les vendredis, elle fait des gâteaux maison pour les maraudes. "Je me refuse à prendre de l'industriel. En plus, je connais ce qu'ils aiment ! Selon qu'ils préfèrent le chocolat ou les fruits, je m'adapte." Et puis chaque année à Noël, ils préparent des boîtes pour les plus démunis.
Pour elle, cette notion de solidarité s'inculque dès le plus jeune âge : "C'est grâce à ma mère si je me suis intéressée à ceux qui étaient dans la rue. A l'école, quand les copains avaient peu de moyens, elle réglait régulièrement une cantine en plus."
Depuis toute petite, Hélène n'hésite jamais à aborder ceux qui sont dans la détresse. Avec Steeve, elle n'en était pas à son coup d'essai. Grâce à elle, c'est Eddy, un autre SDF qui, début 2021, a pu retrouver emploi, logement et… dignité.
"Sur le parking d'une grande surface, se remémore Hélène, mes enfants m'ont fait remarquer que quelqu’un dormait dans la voiture voisine. J'ai d'abord cru qu'il faisait la sieste, mais j'ai vu plein de sacs empilés sur le siège conducteur, de la nourriture, et même un appareil respiratoire pour l'apnée du sommeil, branché sur l'allume-cigare. Je n'ai pas réfléchi. J'ai toqué au carreau, je lui ai demandé pourquoi il était là."
Eddy, 54 ans, SDF suite à un cancer du sein
L'homme s'appelle Eddy, il a été l'employé d'une entreprise de stationnement pendant seize ans. Tout a basculé lorsqu'on lui a diagnostiqué un cancer du sein. Les traitements, lourds, l'ont amené jusqu'au licenciement.
A force de factures et de loyers impayés, il a fini par perdre son logement et a dû se résoudre à vivre dans sa voiture sur le parking d'un centre commercial de Roncq. Il y a passé un an et demi.
"Je me sentais en sécurité, témoigne Eddy. Les clients me donnaient souvent à manger. Le froid, je supportais. Le plus dur, c'était l'humidité... et le regard, ou plutôt l'absence de regard des gens. Je me sentais transparent. Jusqu'à Hélène. Elle m'a juste pris en photo, elle a écrit un message sur Facebook, et voilà."
Le post sera relayé 1400 fois. "Au départ, je lui ai payé deux nuits à l'hôtel, de ma poche. Pour le mettre au chaud…", relate humblement Hélène, comme si c'était parfaitement normal.
Spontanément, les gens proposent leur aide, pour apporter, qui de la nourriture, qui des vêtements, qui un lien pour une cagnotte. Dont le montant a depuis atteint 3000 euros, qui ont permis à Eddy de rester à l'hôtel deux semaines de plus, avant d'obtenir de l'aide pour ses démarches administratives et de retrouver un logement.
Aujourd'hui, même s'il "a eu du mal à se réhabituer à un vrai lit", Eddy vit en colocation à Croix, il est bénévole dans un centre social et, à 54 ans, il va poursuivre une formation informatique pour chercher du travail.
Hélène et Eddy sont devenus amis. "Le plus beau cadeau, conclut Hélène, c'est qu'ils s'en sortent. Franchement, je n'ai pas beaucoup de moyens, mais si chacun aidait une personne dans le besoin, le monde irait mieux."