Traversées de la Manche : tout ce que l'on sait sur le démantèlement international d'un réseau de passeurs

Lors d'une conférence conjointe organisée par l'organisme de coopération judiciaire de l'Union Européenne, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas ont détaillé les tenants et aboutissants du démantèlement d'un vaste réseau de passeurs qui organisaient des traversées en mer du Nord.

"Les trafiquants sont les seuls bénéficiaires de l'immigration irrégulière, ils en font un marché florissant sans se soucier des risques qu'ils font courir à ceux qu'ils exploitent" a gravement résumé la procureure de la République de Lille, Carole Etienne. Elle est intervenue ce 6 juillet dans le cadre d'une conférence de presse conjointe organisée par Eurojust, l'organisme de coopération judiciaire de l'Union Européenne, et Interpol. Les forces françaises, belges, allemandes, néerlandaises et britanniques ont travaillé ensemble pour l'un des plus importants coups de filets de la lutte contre les passeurs qui opèrent en mer du Nord.

"Cette organisation supervisait l'acheminement des migrants de toutes nationalités sur les plages par des chauffeurs, l'acheminement des bateaux depuis l'Allemagne et les Pays-Bas, le recours pour l'acheminement des migrants et bateaux à des complices implantés localement, qu'il s'agisse de propriétaires d'immeubles et d'appartements, de garagistes, de négociants automobiles, bref d'hébergeurs et de chauffeurs. Elle supervisait également les traversées maritimes proprement dites" a poursuivi Carole Etienne.

39 arrestations, dont la tête du réseau criminel

Au total, 39 arrestations ont été menées dans le cadre de l'opération, les plus récentes ayant eu lieu ces 5 et 6 juillet. "Cette opération a [en outre] permis la saisie de 135 bateaux, 1259 gilets de sauvetages, près d'une centaine de moteurs et de pompes et plusieurs dizaines de milliers d'euros en espèce. Ce sont bien sûr des chiffres provisoires, puisque des perquisitions sont toujours en cours" a précisé la procureure. Des mandats d'arrêts internationaux ont également été lancés concernant d'autres suspects, mais le coup de filet est déjà un succès. Des passeurs, des acteurs locaux de la logistique, des cadres de l'organisation mais surtout la personne à la tête de ce réseau criminel ont d'ores et déjà été interpellés et mis en examen. C'est la toute première fois en France que des investigations permettent "d'identifier et d'impliquer des individus situés dans la catégorie des donneurs d'ordre."

Le démantèlement de cette organisation irako-kurde "de haut niveau" est le résultat d'une longue coopération et d'une vigilance accrue, amorcée il y a trois ans avec Interpol comme organisme de centralisation. "C'est l'opération la plus importante jamais montée contre les trafiquants qui opèrent sur la route vers l'Angleterre et particulièrement via ce phénomène des "small boats". Le trafic de migrants vers l'Angleterre a augmenté depuis 2019, les flux n'ont pas décru ni après le Brexit, ni pendant la pandémie de covid 19. Nous pensons d'ailleurs que ces changements ont causé la bascule du trafic habituel au moyen de camions vers l'utilisation des small boats" a détaillé Jean-Philippe Lecouffe, directeur exécutif adjoint de l'agence.

Un "commerce mortel" qui génère des millions d'euros

Interpol a apporté davantage d'informations sur la logistique de cette filière criminelle, et sur la rentabilité de ce "commerce mortel". "Les passeurs utilisent majoritairement, comme vous le savez, de petits bateaux gonflables rigides. Les facilitateurs avaient pour habitude d'acquérir les bateaux et moteurs en ligne, en Allemagne et aux Pays-Bas, avant de les transporter vers les points de départ des traversées sur les côtes belges et françaises. Récemment, cette activité criminelle s'est amplifiée, et le réseau a développé sa propre chaîne logistique d'approvisionnement, achetant les bateaux, moteurs et gilets de sauvetage directement auprès des fabricants, a révélé Jean-Philippe Lecouffe. Avec très peu de considération pour la vie humaine, les trafiquants ont souvent lancé de nombreux bateaux à la mer en même temps, et parfois dans des conditions météorologiques critiques, pour éviter d'être repérés."

Interpol estime que, pour cette traversée hautement périlleuse, les réfugiés étaient contraints de payer entre 2 500 euros et 10 000 euros par tête. Le nombre de victimes de cette filière est estimé entre 4 000 et 10 000 personnes, l'agence internationale avouant pencher pour l'hypothèse haute étant donné l'étendue du réseau. Au-delà de ce réseau, le trafic de migrants dans la zone aurait généré 60 millions d'euros pour la seule année 2021. 

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